Enfin dignes
C’était jour de fête, samedi, au Stade de France. Un jour de gloire et d’euphorie digne de certains grands soirs du rugby français, de ses plus fiers exploits ou de ses plus folles résurrections. Des moments, hélas, trop rares sur la planète bleue…
Mais, parce que la rareté ouvre souvent la porte au remarquable, nous apprécierons longtemps ce 10 mars 2018 qui lança officiellement l’aventure du Mondial 2023 avant de nous offrir un France-Angleterre terminé en apothéose par la victoire des hommes de Guilhem Guirado. Chapeau, les gars. Et merci pour tout.
Cette sourde bataille de tranchées suffit à notre petit bonheur du moment même si, comme prévu, notre rugby manque encore terriblement d’un peu tout ce qui fait les grandes équipes : précision, efficacité, puissance et vitesse. Cette bataille, revenons-y, nous offre au plus juste le droit de rêver à une place sur le podium du Tournoi, derrière l’Irlande. Et le hold-up parfait reste à concrétiser, samedi prochain au pays de Galles.
À cet instant précis, dans la fournaise du Millenium, le succès arraché aux entrailles des rucks anglais, construit à grands coups de charges, d’agressivité et clairement échafaudé sur les vertus d’une défense de fer -un rugby de colosses qui ressemble comme deux gouttes d’eau à celui qui fut toujours prôné par Bernard Laporte- sera mis à rude épreuve. Et l’on verra alors ce que les Bleus ont dans le ventre, en plus de l’orgueil qui les a conduits à la révolte.
D’ici là, ne boudons pas notre plaisir. C’est un vrai beautiful day qui est apparu après des mois de grisailles en tous genres. Et c’est franchement bon pour le moral après les affres de la fameuse nuit de bringue écossaise terminée au… Balmoral, avant la descente des flics sur le tarmac d’Edimbourg.
Certains des comportements inadmissibles, indignes même comme nous l’avions alors dit, ont été sanctionnés. Mais, ne vous y trompez pas, la meilleure des réponses a été apportée samedi par l’ensemble de la troupe Guirado. Elle qui s’est montrée à la hauteur de ce FranceAngleterre, digne du maillot tricolore et de ce qu’il impose comme devoirs, ambitions ou engagement collectif.
C’est tout ce qu’il convient de retenir du Crunch pour une équipe qui manquait de caractères et qui vient de retrouver des bonshommes, en même temps que se dessinent des leaders. C’est évidemment le minimum syndical dans le rugby international de haut niveau mais c’est bien ce qui vient de relancer les Bleus, vainqueurs de la deuxième nation mondiale. Apprécions-le.
Des Bleus enfin dignes de leur maillot, de leur statut et de leurs supporters. Dignes de leur capitaine et du défi proposé par Jacques Brunel, qui avait eu la drôle d’idée de croire qu’un staff et une équipe bricolés à la hâte pourraient jouer la gagne dans ce Tournoi de muerte. « C’était une ambition, en aucun cas de la prétention. Je ne regrette pas… » nous a confié ce dimanche soir le sélectionneur, soulagé de compter des Bleus enfin dignes de leurs ambitions communes. Et ce n’est pas là le moindre des succès… Reste à confirmer et à s’inscrire dans la durée. Puissent-ils avoir saisi le message.