Les enfants de Laporte
Après quatre rencontres jouées seulement depuis l’éviction de Guy Novès et l’arrivée de Jacques Brunel, il ne peut rien y avoir de définitif concernant cette équipe de France. Ni sa difficulté à jouer ensemble, d’un même souffle et d’une même envie, dans un modèle de rugby dynamique. Ni son autorité émergente sur toutes les choses de la défense, quand son excellente tenue dans ce secteur reste à confirmer.
La France n’était pas la plus nulle pour avoir cédé sur un dernier drop impérieux de Jonathan Sexton. Elle n’a rien des attributs d’un futur champion du monde après avoir vaincu une Angleterre rincée par la tournée des Lions, dans une fin de match tout aussi étouffante mais qui, cette fois, a bien voulu lui tendre une main. Une tendance se dégage malgré tout, franchement : cette équipe épouse chaque semaine un peu plus les traits de ce qui fit les gloires de son président, Bernard Laporte. Et ce n’est pas un hasard si les hommes forts d’aujourd’hui, de Brunel à Guirado en passant par Bastareaud, ont tous été imprégnés, sur le chemin, de la personnalité sans nuance du boss de la FFR.
Bernard Laporte n’a jamais été le plus doué des demis de mêlées. Même pas le plus titré des entraîneurs, le plus avant-gardiste des sélectionneurs, et certainement pas le plus irréprochable des candidats à la présidence fédérale. Mais, grosso modo, il a pourtant réussi partout. Et le XV de France semble lui avoir absorbé cette abnégation en tout. Qu’importe la manière : la victoire est un objectif unique, qu’importent les chemins d’ombre à emprunter pour y parvenir.
Pour dire vrai, Laporte ne s’est jamais boursouflé le cortex des considérations artistiques. Son parcours sportif, politique et institutionnel dit ceci. Il assume une approche directe, parfois brutale, puissante jusqu’à la gueule et en toutes circonstances, pour nourrir une ambition personnelle : faire la nique au destin et renverser les promesses d’échec. Il fut le demi de mêlée d’un champion béglais coléreux, le sélectionneur d’une équipe de France pensée autour de cette même domination physique et, apogée de son art endocrinien, l’entraîneur d’un RCT animal pour valider ses trois titres européens. On retrouve de cette philosophie et de ce coeur en lutte dans ce nouveau XV de France.
Cette approche minimaliste, justifiable par l’urgence, peut-elle connaître un avenir ? Difficile à affirmer. Tout aussi difficile à croire. Passée l’urgence qui nous saisit aujourd’hui, il faudra assumer une évolution, une ambition plus grande pour rêver d’un destin glorieux à la prochaine Coupe du monde. Les Gallois y procèdent actuellement, abandonnant ce « Warrenball » de déménageurs pour se tourner enfin vers un rugby plus endiablé. C’est tout le défi qui attendra nos Bleus, demain. Quand la seule défense ne suffira plus à notre bonheur.