Sept essais à zéro
Partis comme nous sommes partis, on se dit que c’est un événement qu’on ne revivra jamais. En premier lieu parce que ce match pays de Galles — France se déroulait à Wembley, stade de foot londonien, en terrain neutre donc, à cause de la reconstruction de l’Arms Park de Cardiff. Et puis, il y eut ce score hallucinant : 51-0. Sept essais à zéro au terme d’une partie interminable. Elle dura en fait 91 minutes avec les arrêts de jeu (à la discrétion de l’arbitre à l’époque). Et le néophyte Jean-Marc Aué, entré à la 79e, put ainsi savourer bien plus longtemps ses débuts que ne l’indique la fiche technique. Le score aurait dû être plus lourd mais l’arbitre refusa un huitième essai à Philippe Bernat-Salles pour un en-avant imperceptible de Thomas Castaignède. Dommage, l’action avait fait cent mètres.
Le XV de France commandé par Raphaël Ibanez boucla ainsi son second Grand Chelem consécutif, performance inédite et jamais renouvelée depuis. Pourtant, entre les deux, la France avait été humiliée par les Springboks pour la « der » du Parc des Princes (52-10). Skrela et Villepreux avaient dit adieu aux SaintAndré, Roumat, Cabannes, Lacroix pour confier le capitanat à Raphaël Ibanez et promouvoir les Dominici, Thomas Lièvremont, Soulette. Magne et Pelous devenaient subitement des cadres.
LE POINT D’ORGUE DU RUGBY DE SKRÉLA-VILLEPREUX
De quoi ce triomphe était-il le nom ? D’abord d’une vraie supériorité du couple anglo-français sur les autres équipes du Tournoi. On pensait alors que les deux grandes nations écraseraient tout pour l’éternité forte de leur masse des pratiquants et de téléspectateurs et de la puissance de leurs partenaires. Oui, en ce temps-là, nous avions entendu dire dans un débat radiophonique qu’un Grand Chelem : « Ne voulait plus rien dire ». Heureusement, ces Cassandre se trompaient.
Ce 51-0, était aussi le nom d’une certaine idée du jeu à la française, le XV de France était alors entraîné par le duo Jean-Claude Skrela et Pierre Villepreux, les deux hommes qui avaient forgé le Stade Toulousain moderne dans les années quatre-vingt. Peutêtre que cette orgie offensive de Wembley fut le point d’orgue ou le testament de leur conception du rugby offensif, la multiplication des solutions au porteur du ballon, la volonté de jouer tous les ballons de récupérations. Plus, à notre sens, que la victoire de l’année suivante face aux All Blacks en Coupe du Monde aussi célébré soit-elle.
« Le message était clair : les joueurs avaient toute liberté pour jouer tous les ballons. Il n’y avait aucune réserve sur les initiatives d’où qu’elles viennent. Nous considérions que les erreurs faisaient partie de la progression. » dira plus tard Pierre Villepreux.
UNE LIGNE DE TROIS-QUARTS ENCORE LÉGÈRE
« Je ne comprends toujours pas comment nous avons pu leur mettre un 51-0, on ne s’y attendait vraiment pas » confie le pilier gauche Christian Califano. « Ce jour-là, on pouvait jouer les yeux fermés. Tout nous réussissait, l’harmonie était totale. Mais c’était encore l’époque où les défenses n’étaient pas très hermétiques. Au bout de quatre temps de jeu, ça passait. »
C’est vrai qu’on espérait encore trouver des espaces en tout lieu France : 7E Sadourny (3e, 13e), Th. Lièvremont (27e), Glas (37e), Garbajosa (43e, 78e), Galthié (76e) ; 5 T (3e, 27e, 36e, 43e, 76e) ; 2 P Lamaison (35e, 53e).
K. Morgan ; Proctor, Boobyer, L. Davies, Ga. Thomas (Daf. James, 56e) ; (o) N. Jenkins, (m) Howley (cap.) ; Charvis, St. Davies, Appleyard (Ki. Jones, 56e) ; Moore, Voyle ; Young, Ga. Jenkins (Humphreys, 56e), A. Lewis (Mustoe, 56e).
Sadourny ; Bernat-Salles, Lamaison (Aué, 79e), Glas, Garbajosa ; (o) Castaignède (Aucagne, 68e), (m) Carbonneau (Galthié, 68e) ; Magne, Th. Lièvremont, M. Lièvremont ; Pelous, Brouzet (Cléda, 78e) ; Tournaire, Ibanez (cap.), Califano (Soulettes, 68e).