LES JEUNES POUSSENT...
AU BOUT D’UN TOURNOI CONTRASTÉ, TERMINÉ À LA QUATRIÈME PLACE, PLUSIEURS BLEUS ONT MARQUÉ DES POINTS À L’IMAGE DE CAMARA, FICKOU, TAULEIGNE OU MACHENAUD. À L’INVERSE, D’AUTRES ONT ÉTÉ DÉCEVANTS, COMME TRINH-DUC OU BEAUXIS. ET LES « BRINGUEURS » D’ÉDIMBOURG
LES BRINGUEURS D’ÉDIMBOURG
Jacques Brunel avait prévenu, il est allé au bout de sa démarche : les « bringueurs » d’Édimbourg ont été exclus un temps du XV de France, en guise de sanction franchement légitime. Et la porte resterait fermée le temps que ceux qui les ont remplacés donneraient satisfaction. Ce qui fut le cas, lors des rencontres face à l’Italie et l’Angleterre.
S’ils ont clairement abandonné des points, tous ne sont pas pour autant perdus pour la cause. Arthur Iturria a déjà effectué son retour, au bénéfice de la blessure de Romain Taofifenua. Chez les plus jeunes, on en reverra certainement d’autres. Sekou Macalou, Félix Lambey ou Anthony Belleau retrouveront une chance, tôt ou tard. Mais il leur faudra attendre des blessures ou des méformes. Le retour de Teddy Thomas ne fait pas grand doute non plus, alors que son début de Tournoi fut époustouflant. Les cas les plus embarrassants sont finalement ceux de Louis Picamoles et Rémi Lamerat. Plus âgés (respectivement 32 ans et 28 ans) et soumis à une rude concurrence, leur heure mettra du temps à revenir. Déjà trop tard ?
TOUJOURS PAS D’OUVREUR INSTALLÉ
À l’ouverture, les talents passent et peu restent. Ou, s’ils le font, c’est souvent par défaut, sans avoir vraiment convaincu. Après Belleau en novembre, dont les performances avaient globalement déçu, c’est Matthieu Jalibert qui s’est trouvé propulsé, en début de Tournoi des 6 nations, comme nouveau héros de la patrie à tout juste 19 ans. Un rôle qu’il n’a pas vraiment eu le temps d’expérimenter, blessé après moins de quarante minutes de jeu. Beauxis est revenu, puis Trinh-Duc. Avec des standards d’attendus soumis à moins d’indulgence, en raison de leur forte expérience, les deux ont globalement déçu. Et maintenant ? Le retour de Lopez est fortement attendu et sera observé de près. Celui de Jalibert également. Actuellement blessée, la doublette apparaît complémentaire, le premier laissant au second le temps d’éclore. Mais tout cela ne fonctionne qu’en ignorant les blessures. Ce qui, dans le rugby français, est une théorie qui ne se réalise presque jamais.
LE TRIANGLE ARRIÈRE TOUJOURS EN CHANTIER
Sur son fond de terrain, Jacques Brunel a tâtonné. D’abord, il y a eu un changement imposé par les sanctions d’Édimbourg (Teddy Thomas). Ensuite, il y a eu des déceptions (Geoffrey Palis et Virimi Vakatawa). De ces trois hommes, qui avaient commencé le Tournoi, aucun n’était encore présent face à l’Italie. Rémy Grosso a finalement pris une place avec succès à l’aile. Gaël Fickou dépanne à l’autre aile, en attendant mieux au centre. Benjamin Fall a plutôt convaincu à l’arrière. Mais tout ceci semble encore fragile. Et le chantier du triangle arrière est clairement ouvert, avec le retour espéré de Brice Dulin ou la perspective d’Alivereti Raka. L. F. ■
LES ABSENTS N’ONT PAS EU TORT
Morgan Parra et l’arrière du Racing 92 Brice Dulin avaient été sélectionnés par Jacques Brunel mais ils n’ont pas pu défendre leurs chances car les deux joueurs se sont blessés le week-end avant le début du premier stage au CNR de Marcoussis. Les deux devraient de nouveau avoir leur chance. L’expérience du premier est un sérieux atout alors que Baptiste Serin a reculé dans la hiérarchie au profit du jeune lyonnais Baptiste Couilloud. Ce dernier a fait des entrées intéressantes mais le Clermontois est toujours en course pour entrer dans le groupe. Même chose pour Brice Dulin puisque personne ne s’est vraiment imposé au poste d’arrière. Geoffrey Palis a commencé les deux premières rencontres avant de céder sa place à Hugo Bonneval lors des deux suivants. Ce dernier forfait pour le dernier match au pays de Galles, c’est enfin Benjamin Fall qui a endossé le numéro quinze.Tout paraît encore possible à ce poste, donc Brice Dulin devrait avoir sa chance.
MACHENAUD, OMBRE ET LUMIÈRE
Retenu dans le groupe initial, le demi de mêlée du Racing 92 Maxime Machenaud devait faire face à la concurrence de Morgan Parra et d’Antoine Dupont. Le Clermontois était attendu comme le titulaire du poste mais il a finalement dû être opéré d’un genou. Une blessure qui ne lui a pas permis de faire son retour chez les Bleus après plus de deux ans d’absence. Le Toulousain s’est lui blessé au genou lors de son entrée en jeu face à l’Irlande. Maxime Machenaud a donc enchaîné cinq titularisations lors de ce Tournoi des 6 Nations, s’affirmant à chaque sortie comme un leader de cette équipe même s’il a commis quelques erreurs, notamment face au pays de Galles. Néanmoins, son expérience et sa capacité à gérer le rythme d’une rencontre internationale ont été criantes par rapport à la concurrence. Sa sortie sur blessure en Ecosse à la pause (remplacé par Baptiste Serin) a notamment été dommageable d’autant plus qu’il a aussi démontré qu’il était un buteur de très haut niveau.
SLIMANI DÉBAT VIVACE
De son côté Rabah Slimani a alterné le bon et le moins bon tout au long de la compétition. Titulaire lors des quatre premiers matchs, sa solidité en mêlée est sa principale force mais il a été pénalisé trois fois dans cet exercice lors de la victoire face à l’Angleterre. Sa position en mêlée est toujours épiée par les arbitres et certains n’hésitent pas à le sanctionner à outrance. Un problème récurrent pour le pilier clermontois au niveau international. Remplaçant au pays de Galles, il a fait une entrée tonitruante, démontrant qu’il pouvait encore être un atout pour les Bleus. N. A. ■
BASTAREAUD, FIN DU DÉBAT ?
Depuis ses débuts en Bleu, dès cette convocation pour un stage en 2007, à 18 ans, alors qu’il n’avait jamais joué un match professionnel jusqu’à son rappel en novembre dernier après deux ans d’absence sur la scène internationale, le cas de Mathieu Bastareaud a toujours fait débat. Quand ce n’était pas les excuses publiques imposées à François Fillon après l’épisode de la table de nuit néo-zélandaise en 2009 qui alimentaient les conversations, c’était son poids, son profil et ses états de forme qui noircissaient les colonnes des journaux et faisaient parler les 60 millions de sélectionneurs que compte l’Hexagone. Dix ans plus tard, le débat semble prendre fin. Pour de bon ? En tous les cas, le centre toulonnais a pris une nouvelle dimension en équipe de France. Sur le terrain d’abord, où il a su faire évoluer son jeu. Il ne se contente plus d’attaquer la ligne adverse avec sa puissance, il a élargi sa palette en étant désormais capable d’assurer le jeu derrière lui ou de jouer devant la défense comme il l’a fait samedi au Principality Stadium. Ses énormes qualités au grattage et au plaquage en font un précieux défenseur également. Mais le joueur, qui porte le brassard à Toulon et fêtera ses 30 ans en septembre, s’est aussi affirmé en dehors du terrain ces dernières semaines. Intronisé vice-capitaine au début du Tournoi, il a pris le relais de Guilhem Guirado pour son premier capitanat à Cardiff. Le leader de jeu s’est fait leader tout court et possède désormais un vrai rôle social dans le groupe France. Au point de paraître quasiment indispensable à cette équipe de France en reconstruction. Et de faire taire tout le monde.
UNE NOUVELLE VAGUE QUI S’AFFIRME
Marco Tauleigne, Baptiste Couilloud, Paul Gabrillagues, Adrien Pélissié, Cedate Gomes Sa… Qu’elles aient pointé le bout de leur nez en novembre dernier ou seulement lors de ce Tournoi 2018, les nouvelles têtes du groupe France ont insufflé quelque chose à cette équipe ces dernières semaines. Il y a eu le culot du jeune demi de mêlée lyonnais, qui a enchaîné trois matchs au nez et à la barbe de Baptiste Serin. Le précieux travail de l’ombre du deuxième ligne parisien, qui a su profiter des déboires nocturnes d’Arthur Iturria et de Félix Lambey. Les percées prometteuses du troisième ligne bordelais, qui s’illustrait au Millennium ce week-end quand Kevin Gourdon jouait avec les Espoirs rochelais. La première titularisation encourageante de son coéquipier de club, qui aurait pu se noyer à essayer de faire oublier l’absence de captain Guirado. Il y a eu les cinq feuilles de matchs en cinq journées du pilier droit du Racing 92, aussi. On ne vous dit pas que tous ces joueurs ont explosé et qu’ils peuvent déjà prévenir papa et maman de venir les voir jouer en Nouvelle-Zélande dans trois mois, mais ils ont eu le mérite d’apporter du neuf, sur et en dehors du terrain, dans une équipe triste et sans allant depuis de longs mois. Ce qui est neuf est souvent séduisant. À leur charge, maintenant, de confirmer sur la durée.
UNE 3e LIGNE QUI S’INSTALLE
Vous auriez parié, vous, sur une triplette Lauret-Tauleigne-Camara au cul de la mêlée française pour ce Tournoi 2018 ? Celui qui l’a fait est probablement riche aujourd’hui… Avec quatre titularisations consécutives côte à côte (c’est Kevin Gourdon qui était numéro 8 lors du premier match contre l’Irlande), la troisième ligne tricolore a fait plus que prendre ses marques en six semaines. La blessure du Rochelais et l’éviction de Louis Picamoles après les incidents d’Edimbourg ont compté bien sûr, mais elle a montré qu’elle était au niveau international et que sa complémentarité - sa principale force - pouvait être une arme réelle pour les Bleus. Rappelé après deux ans d’absence sous le maillot tricolore, Wenceslas Lauret est monté en puissance au fil des semaines, pour terminer le Tournoi en s’imposant comme le meilleur Tricolore au pays de Galles. Sobre mais très précieux dans le combat et en défense (11 plaquages face aux Gallois), le joueur du Racing 92 s’est gagné une place dans le XV de départ tricolore. De même que Yacouba Camara. Absent sur blessure en novembre, le Montpelliérain a répondu aux attentes placées en lui (à noter qu’il a dû être remplacé à la 26e minute de jeu au Millennium en raison d’un traumatisme à un genou). Hyperactif, aussi bien défensivement qu’offensivement, il a aussi pris confiance en touche par exemple. Et confirmé qu’il pourrait être un très grand troisième ligne à l’avenir. Marco Tauleigne, enfin, était le moins attendu. Novice au niveau international, le Bordelais a été mis en confiance par son ancien coach à l’UBB. Dévoreur d’espaces, il a su hausser son niveau lui aussi au fil des sorties. Son grand potentiel demande maintenant à être confirmé. En attendant, l’association Lauret-Tauleigne-Camara a donné plus de garanties que ce qu’on pouvait imaginer et méritera d’être revue face aux meilleurs. É. D. ■ Jacques Brunel a dû faire face à trois blessures lors de la défaite initiale face à l’Irlande. Matthieu Jalibert et Kevin Gourdon étaient mêmes titulaires alors que le demi de mêlée Antoine Dupont était entré en cours de match. L’ouvreur girondin, choix numéro un du sélectionneur malgré son jeune âge (19 ans), devrait rapidement avoir une nouvelle chance une fois son genou gauche guéri. Ce sera aussi le cas du Rochelais Kevin Gourdon puisque Marco Tauleigne est le seul numéro huit du groupe. Anthony Jelonch, forfait avant le premier match, va devoir batailler pour revenir perturber la hiérarchie en troisième où Yacouba Camara et Wenceslas Lauret se sont imposés. Enfin, Christopher Tolofua, qui a dû se faire opérer des cervicales, devra de nouveau avoir l’autorisation de jouer en France.