Midi Olympique

« On a volé notre rêve »

- OUVREUR DE L’ESPAGNE ET DE NEVERS

- Propos recueillis par J. Fa.

Avec du recul, quel est votre sentiment ?

Il est le même qu’après le match. Je parle aussi au nom de mes coéquipier­s mais je ne décolère pas. J’ai revu les images de la rencontre et la sensation que j’avais sur le moment à propos de l’arbitrage s’est vérifiée. Mon aigreur s’amplifie de jour en jour.

Aviez-vous anticipé ce risque ?

Bien sûr. Après notre victoire contre la Roumanie, la Fédération espagnole a demandé à changer le trio d’arbitres. En vain. Du coup, on savait qu’il fallait s’y préparer. On l’a fait mais nos craintes se sont vite confirmées… Au bout de dix minutes, nous avons compris que ce serait très dur de gagner ce match. Cela s’est même avéré impossible. La plus grande frustratio­n est de ne pas avoir pu lutter à armes égales.

Pouvez-vous l’illustrer ?

Par exemple, en première mi-temps, on réalise un ballon porté sur plus de trente mètres. Nos adversaire­s se jettent partout, rentrent sur le côté et finissent par l’écrouler. Il n’y a même pas un avantage sur le coup. Nous voilà donc obligés de sortir le ballon. Premier regroupeme­nt et pénalité contre nous. Jusque-là, l’Espagne était l’équipe la plus discipliné­e de ce championna­t avec, en moyenne, sept à neuf pénalités concédées par rencontre. On en a pris une vingtaine là, sans compter toutes celles qui ne nous ont pas été accordées. Vous nous croyez assez bêtes pour nous mettre à plonger n’importe comment dans les rucks sur le match de notre vie ? D’entrée, nous avons senti que c’était anormal. À un moment de la partie, il y avait treize pénalités à deux.

Mais avez-vous aussi l’impression d’être passé à côté à cause de l’enjeu ?

Peut-être mais le problème est qu’il était difficile de ne pas passer au travers quand vous êtes pénalisés tous les deux rucks. Certes, il y a deux ou trois mêlées où nous sommes pris. Certes, nous avons loupé deux ou trois plaquages. Mais c’est le cas dans tous les matchs. Là, on ne pouvait pas enchaîner. Notre force depuis le début de la compétitio­n, c’était de mettre de la vitesse dans le jeu. L’arbitre l’a compris et nous en a empêchés. Perdre en Belgique, il n’y aucun problème et cela veut dire qu’on ne mérite pas d’aller à la Coupe du monde. Mais pas de cette manière.

Avez-vous essayé de communique­r avec l’arbitre roumain durant la rencontre ?

Le dialogue était impossible. Ses erreurs étaient tellement flagrantes… Pourtant, nous avons tenté de rester positifs. Même si certains ont parfois levé les bras, on se répétait qu’il ne fallait pas montrer notre colère : « Restons nickels, allez les gars, ça va passer. » Mais cela n’a jamais tourné en notre faveur. Qu’il y ait cinq ou six fautes, au pire dix, d’accord. Mais là… J’ai l’impression que nos adversaire­s ne sont pas venus dans nos 22 mètres mais, sur leur vingtaine de pénalités, ils en ont converti six. On rate six points au pied mais l’arbitre aurait de toute façon trouvé autre chose pour compenser.

Il y a tout de même eu des réaction véhémentes des joueurs espagnols à la fin…

Nous avons explosé. Je ne prétends pas que c’est bien, au contraire. Mais il faut dire que l’arbitre n’a pas été brutalisé ou insulté. Nous avons crié au scandale mais c’est une réaction humaine après s’être contenus tout le match. Notre rêve de gosse, celui de disputer le match d’ouverture de la Coupe du monde, s’est effondré. On nous l’a volé. C’est dur de se relever de ça. Le sentiment d’injustice est immense.

Croyez-vous à la théorie du complot ?

Les preuves nous amènent à nous questionne­r. On n’y croyait pas forcément avant la rencontre. On se disait que cela ne pouvait pas exister dans le rugby. Force est de constater que nous sommes en plein dedans. On en apprend tous les jours… Mais c’est le rôle de la Fédération ou des médias de creuser. Nous, joueurs, ne pouvons rien faire d’autre.

S’inviter au Mondial est toujours possible…

Oui et il faut aussi une remise en question des joueurs, individuel­le et collective. On a quand même perdu… Même si on ne pouvait clairement pas l’emporter. On doit affronter le Portugal, puis les Samoa en cas de victoire. Sinon, il y aura encore un tournoi de qualificat­ion en novembre au Japon. Le rêve est encore accessible.

Newspapers in French

Newspapers from France