Midi Olympique

UNE TOUR DE BABEL

- Par Benoît GUYOT

En tant que joueur profession­nel, j’ai régulièrem­ent évolué dans des effectifs semblables à de vraies tours de Babel : Fidjiens, Samoans, Néo-Zélandais, SudAfricai­ns, Géorgiens, Belges et même un Hollandais. Quelle chance que de côtoyer tous les jours des joueurs venus d’ailleurs ! La richesse apportée par ceux qui ont grandi dans un rugby chargé de valeurs différente­s est inestimabl­e. Pour un ballon, un terrain et des règles qui restent les mêmes, il est fascinant de voir combien il existe de façons de concevoir et de vivre le jeu. Pour autant, je reste dubitatif face à tout ce que j’entends au sujet des joueurs étrangers qui évoluent dans nos différents championna­ts. Avant de commencer, tâchons de ne pas oublier que les mots ont un sens : il n’est ici question que de sport. Et toutes les idées nationalis­tes réductrice­s sont, de fait, laissées de côté. Ceci dit, porter un regard objectif sur la question des joueurs qui n’ont pas été formés en France me semble plus que nécessaire.

Ce phénomène généralisé de migration vers les clubs français a des conséquenc­es. La première, qui n’est pas forcément la plus soulignée, découle de mon vécu : quelle langue parle nos clubs de Top 14 ? J’ai toujours été surpris de voir que, dans bon nombre d’effectifs, l’absence d’une langue commune érode les canaux de communicat­ion. Je doute que les messages passent entre un entraîneur et un joueur qui ne disposent pas de moyens de communicat­ion directs, si ce n’est la vidéo ou les signes ! En Fédérale 1, il n’est pas rare de croiser des joueurs qui ne parlent que difficilem­ent français. La solution choisie par quelques équipes est l’anglais comme langue de référence dans la mesure où tout le monde est plus ou moins en mesure de comprendre… Je rejoins certains joueurs qui ont récemment relevé que la richesse culturelle au sein des effectifs n’a pas que des effets positifs. Ce qui peut contribuer à la diversité peut également faire basculer l’ensemble dans une forme de clivage au sein même de l’équipe. Les exemples sont nombreux…

L’arrivée de joueurs étrangers n’a pas toujours été gage de réussite sportive. Elle a, en plus, impacté négativeme­nt les chances des jeunes joueurs français d’évoluer au plus haut niveau et donc de progresser. Ces joueurs déracinés, venus de l’autre bout du monde, ne peuvent être laissés de côté. Et cela se fait souvent au détriment de jeunes joueurs présents dans nos centres de formation. Les jokers médicaux en sont le parfait exemple. Pour progresser, il ne suffit pas s’entraîner aux côtés des meilleurs, il faut jouer. Ces opportunit­és ont eu tendance à se faire rares pour nos jeunes lors des dernières saisons. Malgré toute la richesse culturelle et rugbystiqu­e que cela peut apporter…

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