Midi Olympique

« Les systèmes défensifs facilitent les intercepti­ons »

- Propos recueillis par Simon VALZER simon.valzer@midi-olympique.fr

On voit de plus en plus d’intercepti­ons, aussi bien en Top 14 que lors du Tournoi des 6 Nations avec notamment l’Irlande et son ailier Jacob Stockdale. Quel regard portez-vous sur cette tendance ?

Au Racing 92, nous sommes bien placés pour parler de cette tendance puisque notre système défensif a été mis au point par un Irlandais, Ronan O’Gara. Il avait même fait un stage l’année dernière auprès du XV du Trèfle aux Etats-Unis, ce n’est donc pas étonnant que nous ayons bénéficié de quelques idées venant du système irlandais. En fait, ce sont les systèmes défensifs mis en place par les équipes qui facilitent ces intercepti­ons, qui nous permettent d’être beaucoup plus efficaces sur cette phase de jeu.

On a pourtant tendance à croire qu’une intercepti­on est un pari individuel, un coup de poker que l’on tente seul…

C’est vrai, c’est ce que l’on croit. Mais ces systèmes défensifs se fondent sur des montées de lignes très agressives qui mettent sous pression les décideurs adverses. L’idée est donc de réduire leur temps décisionne­l pour qu’ils ratent des infos, ou qu’ils ratent leur geste avec une passe hasardeuse. Souvent, quand l’ouvreur adverse voit une belle ligne droite lui monter dessus, il a tendance à vouloir allonger sa passe. Et si on est monté suffisamme­nt vite, il n’a pas eu le temps de voir ce qui se passait au-delà des deux centres… C’est là que l’on peut saisir l’opportunit­é. Après, le système ne fait pas tout. Il revient aussi au joueur qui tente l’intercepti­on de bien lire la situation : la preuve, c’est que la semaine dernière lors du derby, j’ai mal lu une situation en croyant que la passe allait être plus longue et l’adversaire a pris le ballon à mon intérieur. Cinq mètres plus loin, j’intercepta­is. Mais là, je n’ai fait que mettre mon équipe dans la merde…

Où doit se placer l’ailier ?

L’idéal, c’est de se cacher derrière les centres. Généraleme­nt, l’ouvreur adverse voit trois joueurs en face de lui : son visà-vis et les centres. L’ailier doit donc se cacher derrière eux pour tromper l’ouvreur adverse. Même s’il nous voit, le fait de rester en retrait lui fait croire que l’on ne va pas couper : mais à l’aile, on est capable de rattraper une ligne en montant très vite et au dernier moment. Tout l’enjeu est donc de donner de fausses informatio­ns à l’attaque adverse. Les Britanniqu­es disent que l’on change la « picture ». On change l’image de la situation au dernier moment en fait.

L’ailier doit donc varier ses montées pour tromper l’ouvreur tout au long de la partie ?

Tout à fait. C’est un vrai jeu du chat et de la souris, tout le match. Parfois on se trompe en étant en retard ou en avance, mais l’idée est de faire peser le doute sur l’attaque.

Vous l’avez dit, la manoeuvre reste risquée. Faut-il communique­r avec son second centre ou l’arrière pour couvrir derrière en cas de tentative ?

Il faut bien connaître ses partenaire­s. Les miens savent que j’aime faire ça, donc ils s’y attendent. Après, il faut aussi faire en fonction du profil de son 13. Certains sont très sûrs en défense, ou aiment monter en inversée, d’autres moins. Il faut s’adapter, et faire les choses ensemble.

Effectuez-vous un travail en amont dans la semaine ?

C’est le fait de réussir à appliquer notre système défensif qui fait que l’on intercepte. Donc on travaille beaucoup ce système, au-delà de travailler les intercepti­ons en elles-mêmes. C’est une philosophi­e. Après, il y a aussi un gros travail d’analyse tout au long de la semaine, notamment sur le jeu de ligne adverse et les habitudes de leur ouvreur. On décortique sa gestuelle, sa façon d’armer une passe longue, courte, de jouer au pied… Après, certains ouvreurs sont doués pour cacher leur longue passe, comme Brock James par exemple qui n’a pas besoin de beaucoup armer pour allonger sa passe. Enfin, la compositio­n et le profil des joueurs alignés influent beaucoup sur le choix de tenter ou non ces intercepti­ons.

Newspapers in French

Newspapers from France