Midi Olympique

« Un capitaine n’est jamais seul »

Entretien exclusif : Guirado - Bastareaud

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Avec deux semaines de recul, quel bilan tirez-vous du Tournoi ?

G. G. : Par rapport à l’état d’esprit et au comporteme­nt du groupe, c’est satisfaisa­nt et encouragea­nt. Au niveau des résultats en eux-mêmes, vous vous doutez bien que finir quatrièmes, ce n’est pas du tout ce nous attendions. Nous sommes déçus, forcément. Mais si l’on se penche sur les matchs perdus, ça permet de relativise­r et de positiver car l’équipe a été proche de l’emporter à chaque fois. Je suis assez fier des joueurs. À un moment, nous n’étions pas loin de nous écrouler et beaucoup de gens parlaient même d’une possible cuiller de bois. Je m’en souviens bien de ce qui se disait. Ça nous a servis, je pense. Ça nous a rendus plus fort dans les têtes. Les gens ont vite tout oublié après la victoire contre l’Angleterre. Ça fait partie du jeu. Mathieu, quelle impression vous a laissé le groupe France ? M. B. : Quand je suis arrivé pour le troisième match, il y avait une dynamique collective négative. Il fallait relever la tête et reprendre confiance. Et même retrouver de la fierté. Quand ça nous arrivait de perdre des matchs et nous n’étions pas loin de gagner, on se disait que ce n’était pas si mal. Ça passait, du coup. Il manquait une véritable mentalité de gagnant. C’est ce qui a été retrouvé contre l’Italie et l’Angleterre. À mon sens, et je pense que Guilhem est d’accord, il fallait retrouver la conviction de jouer pour gagner. Sur les derniers matchs, personne n’a triché, tout le monde s’est envoyé et on a vu le résultat. Pour l’équipe et l’encadremen­t, c’est top. Guilhem, comment expliquez-vous ce sursaut ? G. G. : Entre les résultats et les histoires qui sont survenues au milieu du Tournoi, nous étions sous pression et dans l’obligation de nous relever. Tout le monde était dos au dur et ça a cogité dans les têtes. Avec juste une petite dose d’état d’esprit en plus, nous avons réussi à inverser la tendance. L’apport de Mathieu a fait le plus grand bien. Il y a plusieurs autres joueurs qui ont amené leur expérience et sur lesquels j’ai pu m’appuyer. Je ne vais pas tous les citer mais il y a Max Machenaud, François, Lionel… Le groupe s’est retroussé les manches. Mais ce n’est qu’un départ. Comment avez-vous vécu le désamour et la défiance populaires autour du XV de France ? M. B. : C’est dur à vivre. Vraiment. Surtout quand tu vis dans une ville comme Toulon, qui est 100 % rugby. Tu passes un peu pour un peintre, sans manquer de respect. Dans la rue, les gens se foutent de ta gueule. Ce n’est pas facile tous les jours mais il faut assumer. Ça nous aguerrit et ça nous incite à donner plus pour rectifier le tir.

G. G. : C’est dur à encaisser, c’est une certitude. Mais il faut tenir. De par mon tempéramen­t, jamais je n’ai eu l’intention de lâcher. La frustratio­n est aussi vis-à-vis de nous-mêmes quand tu n’arrives pas à jouer comme tu sais le faire et que le plaisir t’échappe. Quel a été le rôle de Brunel dans cette opération reconquête ? G. G. : Il a eu le même fonctionne­ment qu’à Perpignan, à l’époque. Il nous a mis face à nos responsabi­lités tout en tenant le gouvernail et en nous cadrant. C’est sa manière de faire. Il a su nous dire ce qui n’allait pas et ce qui devait être absolument modifié en témoignant, dans le même temps, de sa confiance. Mais par rapport à ce qui s’était passé avant, c’était la faute des joueurs en premier. Je le répète : c’est nous qui étions sur le terrain et qui n’étions pas à la hauteur. Au sein de ce XV de France remanié, vous faites figure de meneurs. Comment appréhende­z-vous ce rôle, respective­ment ?

G. G. : Avec Mathieu, nous avons quasiment tout connu avec l’équipe de France. Nous avons tous deux été beaucoup chahutés dans notre carrière internatio­nale. Chacun a sa propre histoire mais, dans les deux, ça n’a pas été une ligne droite. Ce parcours nous a servis. Il nous a incités à nous remettre en question et permet de mieux mesurer notre chance d’être de l’aventure. Tout cela, on essaye de le faire comprendre aux plus jeunes. Mais bon, c’est vraiment en le vivant qu’on se rend le mieux compte.

M. B. : Personnell­ement, oui, c’est une histoire particuliè­re. Il y a eu des hauts et des bas, des très hauts, et des très bas. Bah… Vous avez changé de stature, incontesta­blement… M. B. : Je pense que le fait d’avoir été responsabi­lisé avec Toulon a joué. Il y a aussi eu une prise de conscience vis-à-vis de ma place dans le groupe. Désormais, je me dis : « Qu’est-ce que je peux apporter à mes coéquipier­s,

au collectif ? » Ça vient avec l’âge. J’ai bientôt 30 ans, malheureus­ement. Pour tous deux, le Mondial 2019 peut représente­r l’apogée de votre carrière en Bleu… G. G. : C’est loin mais ça va aller vite, aussi. Par rapport à notre âge et à tout ce que nous avons vécu, ça peut être quelque chose de grand, effectivem­ent. Surtout que pour avoir tous les deux goûté à la Coupe du monde, nous savons ce que ça représente. Même si le Mondial 2015 n’a pas dû vous laisser un souvenir impérissab­le… G. G. : Cette expérience reste marquante. Même si le résultat a été catastroph­ique.

M. B. : Tu ne penses même pas à ça, honnêtemen­t. Ça reste une aventure hors du commun : tu joues une Coupe du monde, tu vis deux mois et demi ensemble, avec un engouement énorme… Ce sont des moments spéciaux. La défaite face à la Nouvelle-Zélande en quart de finale est-elle votre pire souvenir en Bleu ? G. G. : Un des pires, mais il y en a pas mal d’autres. Il y en a trop, à vrai dire. Et le succès face à l’Angleterre est-il le plus mémorable ? G. G. : Il était fort sur l’intensité mais il y en a eu d’autres aussi chargés en termes d’émotions. Ce qui est bien, c’est que ce succès a été constructi­f. Surtout pour les jeunes qui jouaient les Anglais pour la première fois. Et puis ça faisait quand même trois ans que nous ne les avions pas battus…

M. B. : Il fallait ce match-là devant notre public. L’équipe avait besoin d’accrocher une grosse équipe à la maison. En plus, la victoire n’était pas volée. Du début de la fin, nous ne leur avons rien lâché. Il faudra être au moins aussi grand face aux All Blacks, en juin… M. B. : Ça, ce sera une autre histoire. ■

« Nous avons tous deux été beaucoup chahutés dans notre carrière internatio­nale. Ce parcours nous a servis. »

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