Patrice, si tu savais
Patrice Collazo ne se présente plus aux conférences de presse. Ni avant match, ni après match. Ce n’est ni une complainte corporatiste, ni un appel au boycott qui ne changerait finalement rien. C’est un constat, qui tient depuis bientôt trois mois. Le grand manitou du Stade rochelais ne vient plus se confier, s’épancher ou mentir, suivant les scénarios du match, dans ce grand théâtre de dupes que sont les conférences de presse, où les entraîneurs parlent à leurs joueurs via les journalistes, les présidents aux partenaires et les joueurs à eux-mêmes. Collazo ne joue plus à ce jeu. Et c’est finalement bien dommage.
Ses conférences de presse étaient pourtant parmi les plus fascinantes. Exigeantes et dures, aussi, parfois jusqu’à la franche suspicion envers un corps de métier qu’il voyait trop souvent comme une menace. Les questions trop vastes étaient raillées. Les questions trop précises, jugées intrusives, étaient balayées au nom du sacro-saint secret sportif. Pour percer cette carapace de défiance, il fallait jouer, tâtonner, trouver la faille et briser sa posture fondatrice : « Ce qui m’intéresse, c’est mon groupe. Le reste, ce sont vos conneries. »
La vérité, c’est qu’on pouvait pourtant tirer tant de choses des conférences de presse de Patrice Collazo. Parce qu’elles étaient électriques ou silencieuses, brutales ou émotionnelles, mais jamais plates. Finalement, elles étaient riches de mille enseignements pour qui voulait bien lire les messages cachés derrière cette méfiance. Parce qu’il y avait de ça, clairement. Mais celle-ci pouvait être lue avec tendresse. Comme, au fond, un cruel manque de reconnaissance. Pourtant, Patrice, si tu savais…
Au jour du premier quart de finale européen de l’histoire du Stade rochelais, on peut dire ceci : la réussite de ce club est exceptionnelle et le travail abattu par le duo Merling-Collazo est immense, depuis ce Pro D2 dont il a su s’extirper en 2014. Débarqué en Top 14, le Stade rochelais était promis à une relégation immédiate bien plus qu’à un destin européen dans les quatre ans. Nous y voilà pourtant. Avec un rugby superbe, un recrutement ambitieux, une formation performante et l’émergence de nombreux talents venus de Pro D2 ou de Fédérale 1. C’est cela, la patte Collazo sur un groupe de joueurs qu’il a grandement contribué à construire. Parfois dans la compassion, souvent dans la confrontation. Mais le résultat est infiniment respectable.
Cela en fera-t-il un futur champion d’Europe ? Pas sûr, et ce n’est pas si grave. Pour être sacré dans la reine des compétitions européennes, il faut une certaine expérience des lieux, quelques coups de pouce du destin et des champions, de ces joueurs de classe supérieure pour être décisifs dans les instants qui le réclament. Le Stade rochelais expérimentera tout cela ce soir, aux Scarlets. Sa seule présence à ce stade de la compétition est déjà à applaudir. S’en satisfaire ? On sait pourtant que cette équipe, par ce qu’elle a montré par le passé, peut faire mieux encore. Et Patrice Collazo viendra alors, peut-être, partager sa joie en conférence de presse ?