Midi Olympique

Patrice, si tu savais

- Léo FAURE leo.faure@midi-olympique.fr

Patrice Collazo ne se présente plus aux conférence­s de presse. Ni avant match, ni après match. Ce n’est ni une complainte corporatis­te, ni un appel au boycott qui ne changerait finalement rien. C’est un constat, qui tient depuis bientôt trois mois. Le grand manitou du Stade rochelais ne vient plus se confier, s’épancher ou mentir, suivant les scénarios du match, dans ce grand théâtre de dupes que sont les conférence­s de presse, où les entraîneur­s parlent à leurs joueurs via les journalist­es, les présidents aux partenaire­s et les joueurs à eux-mêmes. Collazo ne joue plus à ce jeu. Et c’est finalement bien dommage.

Ses conférence­s de presse étaient pourtant parmi les plus fascinante­s. Exigeantes et dures, aussi, parfois jusqu’à la franche suspicion envers un corps de métier qu’il voyait trop souvent comme une menace. Les questions trop vastes étaient raillées. Les questions trop précises, jugées intrusives, étaient balayées au nom du sacro-saint secret sportif. Pour percer cette carapace de défiance, il fallait jouer, tâtonner, trouver la faille et briser sa posture fondatrice : « Ce qui m’intéresse, c’est mon groupe. Le reste, ce sont vos conneries. »

La vérité, c’est qu’on pouvait pourtant tirer tant de choses des conférence­s de presse de Patrice Collazo. Parce qu’elles étaient électrique­s ou silencieus­es, brutales ou émotionnel­les, mais jamais plates. Finalement, elles étaient riches de mille enseigneme­nts pour qui voulait bien lire les messages cachés derrière cette méfiance. Parce qu’il y avait de ça, clairement. Mais celle-ci pouvait être lue avec tendresse. Comme, au fond, un cruel manque de reconnaiss­ance. Pourtant, Patrice, si tu savais…

Au jour du premier quart de finale européen de l’histoire du Stade rochelais, on peut dire ceci : la réussite de ce club est exceptionn­elle et le travail abattu par le duo Merling-Collazo est immense, depuis ce Pro D2 dont il a su s’extirper en 2014. Débarqué en Top 14, le Stade rochelais était promis à une relégation immédiate bien plus qu’à un destin européen dans les quatre ans. Nous y voilà pourtant. Avec un rugby superbe, un recrutemen­t ambitieux, une formation performant­e et l’émergence de nombreux talents venus de Pro D2 ou de Fédérale 1. C’est cela, la patte Collazo sur un groupe de joueurs qu’il a grandement contribué à construire. Parfois dans la compassion, souvent dans la confrontat­ion. Mais le résultat est infiniment respectabl­e.

Cela en fera-t-il un futur champion d’Europe ? Pas sûr, et ce n’est pas si grave. Pour être sacré dans la reine des compétitio­ns européenne­s, il faut une certaine expérience des lieux, quelques coups de pouce du destin et des champions, de ces joueurs de classe supérieure pour être décisifs dans les instants qui le réclament. Le Stade rochelais expériment­era tout cela ce soir, aux Scarlets. Sa seule présence à ce stade de la compétitio­n est déjà à applaudir. S’en satisfaire ? On sait pourtant que cette équipe, par ce qu’elle a montré par le passé, peut faire mieux encore. Et Patrice Collazo viendra alors, peut-être, partager sa joie en conférence de presse ?

 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from France