Midi Olympique

LA CARTE ÉTUDIANT

BAPTISTE COUILLOUD - Demi de mêlée de l’équipe de France À TOUT JUSTE 20 ANS, LE DEMI DE MÊLÉE DU LOU CONNAÎT UNE SAISON D’EXCEPTION, MARQUÉE PAR SES PREMIÈRES SÉLECTIONS EN BLEU LORS DU DERNIER TOURNOI. SA VIE, POURTANT, NE SE RÉSUME PAS AU RUGBY… RENCON

- Par Émilie DUDON emilie.dudon@midi-olympique.fr

Vous aussi, vous trouvez que Baptiste Couilloud est un excellent demi de mêlée ?

Sachez pourtant que c’est le numéro 10 que le joueur voudrait porter dans le dos. « Je rêvais de jouer ouvreur quand j’étais petit. Le 10, c’est le magicien, celui qui décide vraiment sur le terrain. C’est le maître du jeu. Mais je me débrouille plutôt bien en 9 et je pense que c’est ma

place. » On peut dire qu’il se débrouille plutôt pas mal, en effet… Au point d’avoir connu, à 20 ans, sa première sélection en équipe de France, contre l’Italie à Marseille. C’était le 23 février dernier. Moins de deux ans après son premier match profession­nel, à Colomiers en avril 2016. Dix-huit mois après sa première titularisa­tion en Top 14, à La Rochelle l’été suivant. Le Lyonnais a profité de la blessure d’un autre numéro 9 prodige, le Toulousain Antoine Dupont, pour se faire une place dans le groupe tricolore. Une ascension fulgurante ? Il ne le vit pas comme ça : « Tout est allé assez vite mais quand je prends du recul, je me dis que je n’ai pas grillé les étapes. Ce n’est pas comme si j’avais été titularisé, face à l’Angleterre, après trois matchs de Top 14. J’ai été remplaçant en club puis j’ai gagné ma place. J’ai été appelé avec les Barbarians puis en équipe de France. Là encore, je n’ai pas plongé dans le grand bain la tête la première. J’étais sur le banc, avec tout à prouver. Je trouve cela logique et cohérent. Du coup, je n’ai pas eu l’impression d’être dépassé par les événements. Quand j’étais revenu à Lyon après le match contre l’Italie, tous les gens me disaient qu’ils auraient aimé me voir jouer plus longtemps. Et je me disais justement que ça m’allait très bien. J’ai le temps de me construire… Il en faut peu pour se griller et c’est important de vivre les choses petit à petit. »

Ce qui n’empêche pas de les vivre à fond. « Bienveilla­nt, bon vivant et entreprena­nt », selon ses proches, Baptiste Couilloud « croque chaque seconde » de la saison exceptionn­elle qu’il traverse. Avec enthousias­me. Et beaucoup d’organisati­on, surtout. Parallèlem­ent au rugby, il prépare un DUT génie-civil à Lyon pour devenir, peut-être, architecte. Sa scolarité est aménagée et il passe son diplôme en quatre ans au lieu de deux. Les journées restent néanmoins bien remplies : quand ses coéquipier­s du Lou débutent l’entraîneme­nt à 8 h 45, il est là dès 7 h 30 pour faire de la musculatio­n et profite de ses après-midi pour aller à la fac. Lorsqu’il est en équipe de France, il potasse lors de jours de repos au lieu d’aller profiter de la vie parisienne. « Ça va être dur encore deux ans mais ça vaut le coup. Il y a eu des périodes très dures, quand je suis parti aux Barbarians par exemple, mais je me dis que ce serait bête d’arrêter. Je ne sais pas si je continuera­i après mon diplôme parce que ce n’est vraiment pas évident à gérer mais aller à l’école me permet de voir autre chose et de rester dans la réalité. Je crois vraiment que cela me permet d’être un meilleur rugbyman. On devient fou, quand on ne pense qu’au rug- by… » Déjà atypique, le demi de mêlée est devenu un étudiant encore plus spécial depuis sa sélection en Bleu : « Les profs ne me parlent que de ça, je suis obligé de tout leur raconter ! Ils m’attrapent à la fin du cours, me demandent comment ça se passe et il faut que je me batte pour aller au cours d’après. Ça me fait sourire, c’est sympa de travailler dans cet état d’esprit. »

TRAVAIL, FAMILLE, RUGBY

Bon élève, Baptiste Couilloux l’est sur les bancs de l’université autant que sur celui du XV de France. Doué, sur les deux terrains. Alors après avoir décroché son bac S avec la mention bien, la question des études ne s’est même pas posée. Extrêmemen­t soutenu par ses parents, qui vivent à Lyon comme lui, il a été éduqué dans l’idée que l’école passerait toujours avant le rugby. « Ma mère (qui est institutri­ce, N.D.L.R.) était plus heureuse quand j’ai eu ma mention au bac que pour ma première sélection en équipe de France de jeunes », sourit-il. « Je lui ai toujours dit de travailler à l’école et de devenir intelligen­t parce que quand on l’est dans la vie, on l’est aussi en rugby », explique Hervé, son père. Qui est également son agent. Ancien footballeu­r de haut niveau — il a joué en deuxième et en troisième divisions — aujourd’hui négociant immobilier, il veille aux intérêts de son fils. « Je suis plus son conseil. Je me soucie de mon gamin et je veux le protéger des gens malveillan­ts qu’il pourrait y avoir autour de lui. Comme je ne suis pas du milieu, je n’ai de comptes à rendre à personne et je pense que c’est une force. Je travaille uniquement dans l’intérêt de Titou. » Une situation qui convient parfaiteme­nt au joueur de 20 ans, très proche des siens mais qui a quitté la maison familiale depuis bientôt trois ans. « L’idée, c’était de le rendre autonome très tôt, qu’il sache se gérer, se faire à manger, laver son linge… reprend son père. Nous sommes là en soutien quand il en a besoin mais il fallait qu’il comprenne que dans la vie, ce n’est pas du tout cuit. »

Baptiste Couilloud vit aujourd’hui en colocation avec son pote, le troisième ligne du Lou Dylan Cretin.

Ils se connaissen­t depuis tout gamins, quand Dylan a rejoint le club en Gaudermen alors que Baptiste y jouait depuis l’âge de 6 ans. L’explosion de son ami n’étonne pas le flanker : « Sa trajectoir­e est assez rectiligne. Je ne suis pas le plus objectif mais je pense qu’il est à sa place. Il rivalise avec les meilleurs et a prouvé qu’il avait assez de maturité pour jouer en équipe de France.

C’est un très gros bosseur. Il reste souvent pour travailler après les entraîneme­nts. Quand nous étions plus jeunes, il ne faisait pas partie des 9 hyper doués qui allaient exploser. Il y en avait des meilleurs que lui mais il leur est passé devant parce qu’il bossait plus qu’eux. » Sa capacité de travail constitue probableme­nt l’un des meilleurs atouts de Baptiste Couilloud. Son entourage en est un autre. Son père complète : « Aujourd’hui, c’est un gamin équilibré qui sait ce qu’il veut. Si le rugby pourrait lui faire tourner la tête, l’école lui rappelle que la vie n’est pas simple pour tout le monde. La situation de son frère aussi. » Barnabé, de dix-neuf mois son cadet, joue aussi au Lou, en Espoirs, au poste de… demi de mêlée. « Baptiste voit par exemple que Barnabé ne gagne pas d’argent alors que lui s’en sort bien, reprend Hervé Couilloud. Ils sont très proches et le fait d’être le grand frère fait beaucoup de bien à Titou. Ils font beaucoup de choses ensemble qui lui permettent de garder les pieds sur terre. »

Tête bien faite et bien remplie, Baptiste Couilloud n’est pas du genre à se laisser éblouir par la médiatisat­ion qu’il suscite désormais. Elle lui fait même un peu peur, quelque part. « Je sais tout ce que ça peut engendrer et c’est difficile à vivre parfois. Je me suis vraiment rendu compte que quelque chose avait changé quand je suis retourné au stade assister au match Lyon — Toulon, après ma première sélection. J’ai vu que j’avais changé de statut alors j’essaie de me protéger un peu. Je suis jeune et même si je pense que je prends pas mal de recul sur ce qu’il m’arrive, je suis prudent. » Quand il nous a fait cette confidence, le Lyonnais bouclait ses valises. Il partait à Marcoussis rejoindre l’équipe de France pour préparer la victoire contre l’Angleterre, après avoir profité du jeudi et du vendredi de repos accordés aux Bleus pour… aller en cours.■

« Je n’ai pas grillé les étapes. Ce n’est pas comme si j’avais été titularisé face à l’Angleterre après 3 matchs de Top 14. » Baptiste COUILLOUD « Ma mère était plus heureuse quand j’ai eu mention bien au bac que pour ma première sélection en équipe de France de jeunes. » Baptiste COUILLOUD

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