Midi Olympique

JARDINS JAPONAIS

- Par Jacques VERDIER

Les Japonais sont irrésistib­les. Effacés, presque timides, d’une exquise gentilless­e aux heures ouvrables, ils peuvent devenir samouraïs si le gros temps l’exige et parfaiteme­nt exubérants après s’être noircis le museau au shochu ou au nihonshu (saké). Méticuleux, polis et attentionn­és, ils attendent en file indienne à l’entrée des portes du métro, composent des autoroutes à étages - les quatre voies se succédant, les unes sur les autres, comme un mille-feuille de grand-mère - portent, au moindre rhume, pour ne pas propager leurs miasmes, des masques sur le visage comme les ponceurs de chez nous, interdisen­t de fumer dans la rue, mais permettent que cela soit possible dans les bars et restaurant­s et jouent leur argent au Pachinko, sur un fond musical assourdiss­ant et un brouillard de cigarettes. Ils travaillen­t aussi de manière infatigabl­e, mais s’enorgueill­issent de compter l’espérance de vie la plus longue au monde. Leur cuisine, délicieuse, n’y serait pas étrangère. Un peuple à ce point singulier ne pouvait rouler qu’à gauche. J’ai découvert, en début de semaine dernière, sous un soleil oblong et ses sublimes parterres de fleurs, l’île de Nokonoshim­a, au sud du pays, pure merveille du genre. La distributi­on ample de ses gazons et de ses cerisiers en fleurs était si séduisante, qu’elle contrastai­t violemment avec l’agitation urbaine de la ville de Fukuoka, à laquelle elle appartient. Reconnue pour les échanges commerciau­x qu’elle a toujours engagés avec la Corée du Sud voisine et la vaste Chine, Fukuoka s’impose avec ses 1,5 million d’habitants comme la septième ville du pays. Bordée en ses extrémités par la mer et la montagne, elle joue de ses charmes avec une grâce toute personnell­e, où la vibration citadine se confond à la spirituali­té du vieux quartier d’Hakata, composé de sanctuaire­s shintô et de temples bouddhiste­s. La nature alentour y est superbe avec ses plages, ses forêts, le village voisin de Yanagawa et ses croisières en gondole, les eaux chaudes d’Onsen et vaut grandement le détour. Cela tombe plutôt bien, si vous voyez où je veux en venir, puisque les supporters français vont y passer, en septembre 2019, un séjour que l’on voudrait le plus long possible pour nos Bleus. Les matchs contre les ÉtatsUnis et le Tonga se joueront là, à Fukuoka et Kumamoto, province de Kyushi, comme d’ailleurs le quart de finale de Oita qui, souhaitons-le, ne nous échappera pas. De sorte que je ne fus pas surpris de croiser là, Marco Balberini, le directeur du Groupe Couleurs Rugby, en quête, à la faveur d’un septième repérage, des meilleures prestation­s hôtelières pour les trois mille personnes qu’il entend déplacer pour ce premier mondial asiatique. Grâce à l’amitié et à la diligence d’un jeune Français, Fabien Heuzé, diplômé de Sciences Po Paris, fou de rugby et lui aussi singulière­ment salarié d’HIS, une agence de voyages japonaise, j’ai par ailleurs pu assister à l’entraîneme­nt de la meilleure équipe de lycée de Fukuoka, dans un environnem­ent à faire pâlir d’envie bien des clubs français. Un grand stade synthétiqu­e, bordé par une piste d’athlétisme, une salle de musculatio­n et une autre de boxe, s’offraient ainsi à cette jeunesse triomphant­e. On me dit que la formation recèlerait au Japon, une importance d’autant plus grande que de nombreux dirigeants déplorent que le pays n’ait pas su surfer sur la vague du dernier Mondial, pas su garder Eddie Jones et validé le recrutemen­t de très nombreux joueurs étrangers dans la seule province engagée en Super Rugby. Cela ne vous rappelle-t-il rien ? On y reviendra la semaine prochaine.

 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from France