Midi Olympique

Et soudain, le drame...

- Par Nicolas ZANARDI nicolas.zanardi@midi-olympique.fr

C’EST SUR UNE PETITE ROUTE DU NORD-ISÈRE QUE JULIEN JANAUDY, TALONNEUR DE NEVERS ET PUR PRODUIT DE BERJALLIE, A PERDU LA VIE DANS LA NUIT DE SAMEDI À DIMANCHE. IL AVAIT 29 ANS, UN COEUR EN OR ET UNE FAMILLE À LAQUELLE LA RÉDACTION DE MIDI OLYMPIQUE ADRESSE SES PLUS SINCÈRES CONDOLÉANC­ES.

L’histoire est d’une tristesse et d’une banalité sans nom. Celle d’un simple fait divers, d’un malheur comme il en survient chaque année plusieurs milliers sur les routes de France. Celle d’un retour nocturne qui s’éternise pour s’être dramatique­ment écourté, fauchant avec lui la vie, ainsi qu’une certaine idée du simple bonheur… Julien Janaudy, talonneur de l’USO Nevers, s’est ainsi tué seul à bord d’une Clio sur cette RD 1006 qu’il connaissai­t par coeur, en direction de La-Tourdu-Pin. Le drame ? Il s’est déroulé dans la nuit de samedi à dimanche dernier, à proximité du bien mal nommé village de Sain-Jean-de-Soudain (38), qui vit la voiture du jeune homme quitter la chaussée pour percuter deux épicéas et terminer sa course sur le toit, sur le parking de l’entreprise ID Logistics. Retrouvé dans l’habitacle par les secours après l’alerte donnée par un passant circulant à proximité du lieu de l’accident, Julien Janaudy n’a pas pu être ranimé, son décès ayant été prononcé sur place. Comme toujours dans ces cas de figure, la route fut déviée quelques heures dans la journée de dimanche, le temps de dégager la carcasse de la voiture et de nettoyer la chaussée, avant que la circulatio­n et la vie ne reprennent leur cours. Comme si rien ne s’était passé. Ou presque, tant le vide laissé par l’ancien talonneur du CSBJ s’annonce béant…

« ON NE POUVAIT PAS NE PAS L’AIMER »

Julien Janaudy avait 29 ans, une compagne, Tracy, et une petite fille depuis deux mois et demi, Maxyne. Une famille vers qui tous les esprits se sont évidemment tournés dans les heures suivant le drame. C’est ainsi que, dès dimanche soir, ses partenaire­s de l’USON avaient lancé sur internet la création d’une cagnotte « en hommage à Julien » (lire cicontre). Des gestes toujours dérisoires, et pourtant essentiels, dans ces moments d’intense douleur. « Les joueurs ont pris cette décision eux-mêmes, juste en sortant de leur réunion », témoignait Xavier Péméja, son entraîneur à Nevers, qui l’avait lancé en équipe première sous les couleurs du CSBJ. « Après notre semaine de congés, on devait se retrouver le dimanche de Pâques pour un entraîneme­nt à 18 heures… Nous n’avons pas pu aller sur le terrain, on a juste parlé de lui. C’était un gosse que j’adorais, qu’on ne pouvait pas ne pas aimer. Les années précédente­s, j’avais déjà essayé de le récupérer à Montauban, à Bayonne et je n’y étais jamais parvenu. J’avais enfin réussi à le faire venir à Nevers cet été… Il s’était gravement blessé à un genou après seulement quatre matchs, avait connu des complicati­ons postopérat­oires mais jamais il ne se plaignait. Il devait se faire réopérer dans quinze jours… Tout le monde l’aimait. Même les kinés ou le docteur du club étaient surpris : il avait toujours le sourire. Il ne dégageait que du positif sur le terrain ou dans les vestiaires, qu’il soit valide ou blessé. Si bien que, même sans avoir beaucoup joué, il était pleinement intégré… C’était quelqu’un de tellement vivant, de tellement gentil, capable de passer en un instant du gladiateur au mec le plus doux du monde, sitôt qu’il quittait son maillot. Il nous a manqué comme joueur cette saison. Il va maintenant nous manquer en tant qu’homme. Pour toujours… »

Laissant, fatalement, un souvenir d’autant plus dur à effacer pour ses anciens partenaire­s à l’image de Jérémy Guillot, aujourd’hui en Fédérale 1 à Vienne, qui a appris la sinistre nouvelle dans le car qui menait son équipe à Dijon. « On était presque arrivé, qu’est-ce qu’on pouvait faire d’autre que jouer ? s’interrogea­it ce dernier dans les colonnes du Dauphiné. Sur le terrain, je n’ai servi à rien, je n’avais que l’image de « Juju » dans la tête. Et quand je suis sorti, ça a craqué… C’était comme le clap de fin d’une saison, sauf qu’on ne le reverrait plus. Nous avons toujours joué ensemble, on a débuté en Top 14 la même année, on nous appelait les « p’tits jeunes ». Après, on est tous parti à droite, à gauche, et je culpabilis­e de ne pas avoir pris assez de nouvelles. »

Partir… Comme pour mieux revenir, la fatalité ayant voulu qu’après des escapades à Agen, Mont-deMarsan et, désormais, Nevers, Julien Janaudy est sorti de la route sur ses terres du Nord-Isère, que seules

les diverses relégation­s du CSBJ en Fédérale

1 l’avaient incité à quitter. « Ce sont les Berjallien­s, ça, sourit Péméja. Ils ont du mal à partir de chez eux tellement ils sont attachés à leur club, à leur région, à leur ville. La preuve : quand il avait des vacances, il rentrait chez lui. »

UN MAILLOT… ET LES CHAUSSETTE­S DU CSBJ

Un attachemen­t à toute épreuve qui faisait aussi le charme et la valeur du natif de Biol, formé à l’AS Succieu, et pour l’éternité un des grands serviteurs de la cause berjallien­ne, dont il était un des principaux animateurs. N’était-ce pas lui qui, du temps où s’occupait de l’associatio­n des joueurs avec Pierre Gicollet et Fabien Perrin, avait pris l’initiative de récupérer et faire repeindre aux couleurs du club ciel et grenat la « berjallie mobile », une antique Super 5 dans laquelle le cagoulin de la dernière partie devait circuler toute la semaine ? Une anecdote parmi tant d’autres qui situe assez bien le personnage, que certains parmi les plus proches refusent encore à évoquer de vive voix. Pudeur oblige… « Je ne me sens pas d’en parler pour ne pas tomber dans la tristesse, s’est borné à nous glisser par SMS, Jean-François Coux. Il respirait et donnait la joie de vivre à tous ceux qui l’entouraien­t, un homme jeune mais élevé avec des valeurs à l’ancienne. Pour résumer, une personne attachante et surtout un mec bien. » Assez pour justifier, en tout cas, l’hommage qui lui sera rendu ce week-end sur tous les terrains de France, à commencer par celui réservé par ses coéquipier­s de l’USON au Pré-Fleuri. « Les joueurs ont effectué plusieurs demandes, que le président leur a toutes accordées, dévoile Xavier

Péméja. En hommage à Julien, nous allons jouer avec un maillot spécialeme­nt créé pour l’occasion sur lequel sera brodé son nom, ainsi qu’avec les chaussette­s du CSBJ, son club de coeur. La famille de Julien s’est battue pour que la cérémonie soit déplacée à un autre jour que le vendredi, cela n’a pas été possible. On ne pourra pas être avec lui à l’église, alors on lui rendra hommage au stade, là où il aurait aimé être. Je dis souvent que le rugby est notre religion et que les stades sont nos églises, ce ne sera jamais aussi vrai que vendredi. » Une journée qui sera quant à elle marquée du deuil du côté de Biol, où le dernier adieu à Julien Janaudy sera donné ce matin. Si dramatique. Si soudain.

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Photo AD
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Photo Antoine Deschamps

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