Midi Olympique

« Entretien Je : n’ai Maxime Petitjean pas à rougir... »

L’OUVREUR D’AURILLAC RACCROCHER­A LES CRAMPONS À LA FIN DE LA SAISON. RETOUR SUR SEIZE ANNÉES PASSÉES DANS LE RUGBY PROFESSION­NEL.

- Propos recueillis par Nicolas AUGOT nicolas.augot@midi-olympique.fr

Comment vivez-vous cette dernière semaine, la dernière de votre carrière profession­nelle ?

C’est particulie­r… C’est mon rêve de gamin qui se termine dimanche. Le rugby rythme mon quotidien depuis seize ans. Pour être franc, je n’avais pas la tête à ce dernier match ces derniers temps, car je suis papa d’une petite fille depuis vingt jours. J’avais l’esprit occupé mais, depuis dimanche dernier, je me suis rendu compte que c’était la dernière semaine.

Comment et quand avez-vous décidé de raccrocher les crampons ?

En début de saison, je n’avais pas décidé d’arrêter. J’avais même très envie de faire une année de plus mais cette saison ne s’est pas très très bien passée pour moi. Au fur et à mesure, je me suis dit qu’il était peut-être temps d’arrêter. J’ai eu une petite fille, et j’ai envie d’en profiter. Il vaut mieux que j’arrête maintenant sur une note positive, plutôt que de faire une saison de trop et de finir aux oubliettes. Je pense que c’est la bonne décision.

Un agent ne vous a pas proposé un dernier challenge…

Je n’ai pas d’agent, je me suis toujours débrouillé tout seul et je n’ai pas vraiment cherché. Il y a eu des pistes avec d’autres clubs de Pro D2 mais cela ne s’est pas concrétisé. Je ne voulais pas partir pour faire un ou deux ans de rugby mais pour un projet concret derrière et cela ne s’est pas présenté. Je suis bien installé à Aurillac et j’ai envie de profiter de ma famille, car même si nous avons une vie magnifique en tant que rugbymen, nous ne sommes pas toujours très disponible­s pour la famille et les proches. Je vais continuer à passer mes diplômes d’entraîneur avec l’objectif d’entraîner un club profession­nel. Je vais aussi rester au contact du club d’Aurillac pour donner un coup de main.

Craignez-vous la vie après le rugby ?

Le rugby, c’est toute ma vie. À peine ai-je su marcher que mon père me prenait sur les terrains de rugby avec lui. J’ai été bercé là-dedans, et j’ai tout de suite voulu en faire mon métier. J’ai réussi à le faire, donc c’est génial. J’ai toujours eu l’appui de ma famille qui a su me conseiller et me remettre dans le droit chemin quand il le fallait. C’est vraiment toute ma vie et c’est pour cela que j’ai décidé de passer mes diplômes car je ne vois pas ma vie sans le rugby. Je compte bien rester dans ce milieu. J’en ai parlé avec les anciens brivistes, des gars qui ont vécu ça récemment. Ils me disent qu’il y a des très belles choses derrière. L’important est d’être bien entouré, d’être accompagné sinon cela peut être difficile mentalemen­t.

Que retenez-vous après seize ans de carrière ?

J’ai énormément de bons souvenirs et je n’ai pas à rougir de ma carrière. C’est ce que je voulais faire depuis que j’étais tout petit. J’ai eu la chance de rentrer au centre de formation d’Aurillac où les entraîneur­s n’ont pas hésité à me lancer dans le grand bain à 18 ans. C’est un club à qui je dois énormément et c’est pour ça que j’ai essayé de lui rester fidèle le plus possible. C’est grâce au Stade aurillacoi­s que j’ai réussi à goûter au Top 14. Je retiendrai surtout des belles rencontres, que ce soit de joueurs ou d’entraîneur­s. Ces seize années de ma vie ont été vraiment magnifique­s et je souhaite à tout le monde de vivre ce que j’ai vécu.

Vous êtes revenu jouer à Aurillac avec l’ambition d’aider ce club à retrouver le Top 14, est-ce un regret de ne pas y être parvenu ?

C’est certain. Quand je suis revenu en 2010, j’avais annoncé que mon but était de jouer en Top 14 avec Aurillac. On a touché le truc du doigt au terme d’une saison magnifique en 20152016. Malheureus­ement, nous sommes tombés sur une équipe de Bayonne qui a été meilleure que nous le jour de la finale. On est tous passé un petit à côté de notre finale. Bien sûr, nous pouvons avoir des regrets car nous n’étions pas loin, mais nous savons aussi que nous aurions vécu une saison difficile en Top 14. Ça aurait été un beau cadeau pour tous les joueurs, les dirigeants et les supporters mais nous n’y sommes pas arrivés… C’est donc un regret ; même si la place d’Aurillac est pour l’instant en Pro D2.

Pourquoi être revenu à Aurillac ?

Après mon passage à Dax, je voulais retrouver un club où j’aurai les clés du camion. J’ai retrouvé un petit cocon. Revenir à Aurillac, c’était naturel, écrit. Par rapport au budget du club, c’est plus qu’honorable ce que nous avons réussi pendant de nombreuses saisons. On a goûté plusieurs fois aux phases finales, nous avons joué les premiers rôles… sauf cette année. Il y a eu un changement de staff, pas mal de nouveaux joueurs. C’était un tournant du club mais nous avons réussi à nous maintenir et c’est l’essentiel. Le Stade aurillacoi­s va pouvoir repartir vers de bonnes choses la saison prochaine.

Comment voyez-vous votre carrière ?

Ce que j’ai accompli n’est pas si mal. Cela aurait pu être mieux, mais il faut essayer de ne pas avoir de regret. J’ai quasiment 400 matchs en profession­nel, j’ai été plusieurs fois meilleur réalisateu­r, plusieurs fois dans les meilleurs joueurs de Pro D2. J’ai touché du doigt l’équipe de France lors de mon passage à Brive. C’est plutôt bien.

Ce passage à Brive est-il l’apogée de votre carrière ?

Effectivem­ent. En tant que Corrézien, c’était mon rêve de gamin de jouer à Brive. Alain Penaud était mon idole, et jouer à sa place, c’était inimaginab­le. Quand Didier Faugeron m’a appelé pour me dire qu’il souhaitait me prendre dans son équipe, je n’en revenais pas. En plus, il m’a fait confiance dès mon arrivée. J’étais jeune, tout frêle, mais il n’a pas hésité à me lancer en Top 14. Je lui dois beaucoup. Ça fait partie de mes plus belles années rugbystiqu­es. Jouer au Stadium, c’était fabuleux. J’ai gardé pas mal de contact avec des supporters de Brive. À chaque fois que je suis revenu joué là-bas avec Aurillac, j’ai toujours été super bien accueilli par tout le monde.

Quel est le plus grand match de votre carrière ?

Il y en a eu beaucoup… La demi-finale 2005 avec Aurillac remportée à la dernière minute à Montauban, qui était l’ogre du Pro D2 à l’époque. J’étais jeune et je jouais à côté de légendes du club comme Gontineac, Courteix, Viars et Ribeyrolle­s. Je garde aussi en mémoire un derby Brive-Clermont, en mai 2007. Tous les derbys étaient excitants mais ce jour-là, nous gagnons dans un stade totalement plein alors que nous avions absolument besoin de cette victoire pour nous maintenir. Il y a aussi 2013, avec la demi-finale disputée à Brive. Nous avions perdu mais c’était un grand moment et beaucoup d’émotions d’avoir rejoué à Amédée-Domenech. Enfin, en 2016, l’année où nous disputons la finale de ProD2, je n’avais jamais vu un stade Jean-Alric aussi bouillant que pour la demi-finale contre Montde-Marsan. Je me souviens de cette haie d’honneur des supporters. Elle faisait 200 mètres de long, c’était fabuleux.

Et votre plus grand regret ?

La finale perdue avec Aurillac car nous avons touché du doigt le Top 14 et nous sommes passés à côté de l’événement. J’aurai aussi aimé jouer un peu plus longtemps à Brive, mais l’arrivée d’Andy Goode m’avait fait peur. Cela faisait trois ans que je jouais quasiment tous les week-ends. Quand j’apprends que Goode arrive, je me dis que c’est fini pour moi. Je suis parti à Dax où j’ai passé de très bons moments, avec de belles rencontres. Est-ce que j’aurai dû rester à Brive ? C’est ce genre de question que l’on se pose mais je n’ai pas de regret.

Vous évoquiez votre physique, avez-vous l’impression qu’il sera de plus en plus difficile de faire carrière avec votre gabarit ?

Le rugby a tellement changé lors des quinze dernières années. Il n’y a plus beaucoup de mecs qui font moins de 90 kilos. C’est bien qu’il reste encore quelques joueurs avec un gabarit comme le mien mais ça va se faire de plus en plus rare. Par rapport à mon début de carrière, le niveau en Top 14 a considérab­lement augmenté et ça n’a plus rien à voir avec ce que j’ai connu. Les choses ne sont plus comparable­s. J’ai eu la chance d’attaquer à 18 ans tout en faisant moins de 70 kilos. Je ne suis plus certain que ça serait possible aujourd’hui, sans mettre en danger les joueurs. Quand tu vois les chocs… Les mecs sont de plus en plus costauds, vont de plus en plus vite, ce n’est plus comme il y a dix ans. Les commotions deviennent un véritable problème, et c’est préoccupan­t pour la santé des joueurs. J’ai eu de la chance d’être pas mal protégé de ces contacts par mes coéquipier­s. Trouver des solutions n’est pas forcément évident mais je pense qu’il faut des staffs médicaux de plus en plus renforcés et attentifs pour éviter toute prise de risque.

Revenir dans son club formateur n’est plus aussi très à la mode…

Le rugby a tellement évolué. Les enjeux financiers n’ont plus rien à voir avec ce que j’ai connu. Si j’avais 20 ans aujourd’hui, je ne sais pas si je ferai les mêmes choix. L’argent est entré en jeu. Ce qui me fait le plus mal au coeur aujourd’hui, c’est le changement de mentalité. Je trouve que les jeunes ont beaucoup moins de respect pour les anciens. C’est un petit peu dommage. Le rugby évolue, les mentalités aussi…

Quelle image souhaitez-vous laisser ?

C’est délicat. J’ai toujours essayé de rester moi-même, de ne pas me prendre la tête. Je suis quelqu’un de gentil et j’ai gardé cette ligne de conduite inculquée par mes parents. Je ne me suis pas forcé et j’ai toujours été disponible pour les supporters, les journalist­es etc. Ça me fait plaisir si les gens peuvent garder cette image de quelqu’un de sympathiqu­e et d’abordable. Sur le plan rugbystiqu­e, j’ai été

Que peut-on vous souhaiter ?

Une belle carrière d’entraîneur dans le monde profession­nel. J’ai très envie de me lancer là-dedans. C’est mon but, ça me plaît énormément et j’espère pouvoir transmettr­e tout ce que j’ai pu apprendre. Le plus important est de continuer à être heureux et profiter de ma famille.

Quels entraîneur­s vous ont marqué pendant votre carrière ?

Thierry Peuchlestr­ade car il me suit depuis que je suis arrivé à Aurillac. Je suis monté en première et il était entraîneur de la première l’année d’après. Je suis parti et quand je suis revenu il était toujours entraîneur des trois-quarts. C’est un peu mon père spirituel. Nous avons la même philosophi­e. D’autres m’ont marqué comme Didier Faugeron et Jean-Marie Soubira qui m’a beaucoup apporté. Je n’oublie pas Victor Boffeli, Michel Peuchlestr­ade, et Patrick Rocacher, trois entraîneur­s qui m’ont donné ma chance malgré mes 65 kilos. Et, enfin, Jeremy Davidson qui a tant apporté à Aurillac.

Qu’allez-vous faire lundi ?

On s’entraîne encore pendant un mois. Je vais continuer à honorer mon contrat jusqu’à la fin. Je vais aller à l’entraîneme­nt. Ça sera une autre vision car je sais que je ne vais pas enchaîner avec une nouvelle saison… Lundi matin, quand je vais me réveiller, ça va me faire bizarre de savoir que c’est vraiment terminé. Mais je vais savourer chaque instant jusqu’à dimanche. Après, je sais que je vais être très bien entouré avec ma fiancée et mes filles.

souvent catalogué uniquement par rapport à mon jeu au pied. Cette image me dérange car je pense que je n’avais pas que ça même si c’était un gros point fort. Je souhaite simplement que les gens aient des bons souvenirs de moi.

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Photo Midi Olympique - Patrick Derewiany
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