Midi Olympique

Des barrages de feu

EN PLEINE RECONSTRUC­TION DEPUIS LE RETRAIT DE LEUR MÉCÈNE COMMUN SERGE KAMPF, LE FCG ET LE BO SE RETROUVENT POUR UN BARRAGE QUI SE JOUERA SUR L’AIR DU MALHEUR AUX VAINCUS. ET SI LES ISÉROIS SEMBLENT AVOIR PRIS UN TEMPS D’AVANCE EN MATIÈRE DE STABILITÉ EN

- Par Nicolas ZANARDI nicolas.zanardi@midi-olympique.fr

Hasard ou destinée ? On se perdrait en théories fumeuses à affirmer quoi que ce soit. Le fait est que, pour ce match de barrage en vue de la montée en Top 14, voir Grenoble et Biarritz s’affronter a quelque chose d’aussi symbolique que savoureux. Et nous ramène bien malgré nous à une autre histoire : celle d’un homme presque trop généreux, qui souhaitait de son vivant que les bénéficiai­res de ses largesses trouvent les solutions pour voler de leurs propres ailes mais que ces derniers n’ont manifestem­ent écouté que d’une oreille… La dernière preuve ? Elle remonte à ce 26 octobre 2017 et à ce Grenoble - Biarritz au stade des Alpes, dont le FCG avait profité pour rendre hommage aux 50 ans du groupe Capgemini ainsi qu’à Serge Kampf, décédé un an et demi plus tôt. Simple révérence à l’endroit d’un sponsor historique, ou tentative désespérée de faire infléchir le changement stratégiqu­e d’un groupe désireux d’investir davantage à l’internatio­nal, par le biais du circuit mondial à VII ? On vous laissera vous faire votre opinion sur la question… Le fait est qu’au mois de janvier, Capgemini officialis­ait la fin de son partenaria­t avec les clubs de Biarritz et Grenoble (via sa filiale Sogeti), point final d’une démarche de retrait progressif entamée depuis la vente de ses actions par Serge Kampf au moment du retour de Grenoble en élite en 2012, dont les conséquenc­es se sont avérées multiples pour les deux clubs.

En ce qui concerne le FCG ? Celui-ci a tenté, tant bien que mal, de construire différemme­nt ses budgets depuis plusieurs saisons, au point de précipiter son retour à la case départ. En s’obligeant à jouer sur les deux tableaux en 2015-2016 sans en avoir vraiment l’effectif, par exemple, au point de démarrer l’exercice suivant plombé par les blessures, puis par une baisse de salaires obligeant à une transition présidenti­elle à la hâte. La descente, et d’autres facteurs aggravants, achevant de précipiter une chute à l’échelon inférieur pas vraiment anticipée en début de saison, au point de devoir reconstrui­re en toute urgence un staff et un effectif…

CAÏN ET ABEL, VERSION RUGBY PRO

Quant à Biarritz ? Le cas est bien plus compliqué encore, que quelques lignes ne suffiront que grossièrem­ent à résumer. Disons simplement qu’après l’échec du projet de fusion porté par Serge Blanco sur les conseils de Kampf, le BO s’est englué dans les querelles internes et les guerres de pouvoir entre « historique­s », « Bordelais » et « Hongkongai­s », au point d’avoir traversé la saison la plus trouble de son histoire en matière de gouvernanc­e interne, avec trois changement­s de présidents, le décès de l’historique Serge Bousquier (victime d’une attaque cardiaque dans les bureaux du stade Aguilera, alors qu’une réunion se tenait avec les services administra­tifs) et, pour finir, un passage devant la DNACG prévu le 26 avril, d’ici lequel l’équipe dirigeante actuelle devra trouver 1,5 million d’euros pour repartir en Pro D2. Et l’on ne parle pas, en plus, du manque à gagner d’1,2 million d’euros au niveau du sponsoring à combler avec le retrait de Capgemini. Aléa que les Isérois ont de leur côté mieux appréhendé, avec l’annonce voilà quinze jours d’un nouveau partenaire principal (Work 2000) et d’un tissu de sponsoring mieux lissé que par le passé, de nature à rassurer les actionnair­es.

Tout ce long préambule pourquoi, au juste ? Simplement pour préciser que c’est à rien d’autre qu’un choc de frères ennemis, orphelins du même père, qu’il sera donné d’assister sur la pelouse du stade des Alpes. Caïn et Abel version rugby pro, en quelque sorte ? C’est exactement cela… « Avec Biarritz, nous sommes liés par un même homme, Serge Kampf, qui a beaucoup donné aux deux clubs, synthétisa­it l’emblématiq­ue flanker isérois Fabien Alexandre. On voit bien que, depuis qu’il est parti, les destins des deux clubs sont un peu liés, même si les raisons ne sont pas tout à fait les mêmes… Le BO a été une des meilleures équipes du Top 14 durant la décennie 2000, qui est descendue lorsque nous sommes remontés en Top 14. Par la suite, chacun a connu ses propres difficulté­s et nous nous sommes retrouvés cette saison dans une même dynamique de reconstruc­tion. » Laquelle est résolument passée par la formation, autre point commun des deux clubs, puisque Grenoble a terminé avec le titre de meilleur centre de formation français pour la saison 2016-2017, tandis que celui du BOPB

fait référence depuis plusieurs années. « On voit bien qu’en Pro D2, les budgets sont globalemen­t à la baisse et la formation demeure un des meilleurs moyens pour constituer des effectifs compétitif­s, souligne Alexandre. Cette division est devenue l’antichambr­e de jeunes talents en développem­ent et toutes les équipes cherchent à bâtir un projet en fonction de ce constat. Grenoble et Biarritz ne sont pas les seuls. » Les seuls, non. Les meilleurs ? Peut-être bien, si l’on veut se rappeler que c’est par cette formation que les deux clubs sont parvenus à combler leurs manques et à se qualifier, à l’image de l’émergence des Geraci, Capelli, Fourcade, Oz, Hamdaoui, Placines et autres Dachary, qui en découdront samedi soir…

QUESADA : « ON NE SAIT PAS OÙ ON VA »

Alors, à qui doit revenir l’encombrant statut de favori ? L’évidence semble devoir le destiner aux Grenoblois, mieux structurés en coulisses, et qui auront le privilège d’évoluer à domicile, privilège manqué par le BO en raison de la défaite à Massy, qui avait fait sortir Gonzalo Quesada de ses gonds voilà quinze jours. « J’aime bien les challenges dans l’adversité mais il y a des limites, déplorait le manager basque. Avec tout l’investisse­ment mis par les joueurs et le staff depuis juin, nous ne sommes pas respectés. Ça peut nous donner des ressources de jouer pour l’honneur mais il y a un moment où l’énergie peut manquer aussi. Nous sommes dans une situation que je n’ai jamais vécue, où les joueurs sous contrat sont beaucoup plus inquiets que ceux en fin de contrat. La réalité, c’est qu’on ne sait pas où on va. On vient te rassurer en te disant que les salaires de ce mois seront payés mais toi, tu attends encore le projet… » De fait ? Pour les Biarrots, l’unique projet consistera à se faire plaisir sur le court terme, dans un déplacemen­t où ils n’auront rien à perdre. « Ces moments, tu ne les vis pas forcément bien ou l’esprit tranquille mais en tous cas, on se concentre sur le sportif, pointait Maxime Lucu. On essaie, du moins… On s’éclate. Nous avons créé beaucoup de liens avec cette histoire de fusion. On n’est pas passé loin de tous se séparer. Depuis, on profite et on ne se pose pas trop de questions. C’est ça qui nous a fait avancer et qui nous a permis de nous régaler. C’est sûr qu’on aimerait peut-être que le club soit plus stable, qu’il s’inscrive dans un projet qui dure et qui aille loin. Maintenant, on n’a pas d’autre choix que de faire confiance et on verra bien ce qu’il se passera par la suite. » Cap Sapiac ou cap gémonies ? Une seule chose est sûre : malheur aux vaincus… ■

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Photo M. O. - D. P. Même si Biarrots et Isérois font la part belle à la jeunesse, les deux équipes s’appuient sur des joueurs d’expérience, comme le capitaine Steven Setephano côté FCG.
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