Costume sur mesure
Àchaque nouvelle performance majeure d’un de nos clubs, la question revient, inlassablement : et si l’entraîneur en place était le futur sélectionneur du XV de France ? De Franck Azéma (toujours) champion de France à Patrice Collazo ou Pierre Mignoni, qui construisent leur club depuis le Pro D2 vers les sommets du Top 14. De Christophe Urios à Fabien Galthié, candidat éternel, en passant par Vern Cotter, dont la compétence maintes fois démontrée et l’appétit bleu ne semblent plombés que par un critère moralo-administratif : son lieu de naissance, jugé trop loin de l’Hexagone. Et puis, il y a le ticket Travers-Labit, que vous trouverez ci-contre en interview croisée. Un duo qui apparaît désormais insécable, à la réussite au moins équivalente aux noms précités et qui, depuis son arrivée au Racing 92, a trouvé la légitimité pour prétendre à des responsabilités supérieures. La présence de leur seul club en demi-finale de Champions Cup, ce weekend, les met inévitablement sur le devant de la scène. Légitime.
Si les meilleurs entraîneurs sont souvent ceux qui ont les meilleurs joueurs, la symétrie centrale vaut également : on confie souvent les meilleurs joueurs aux meilleurs entraîneurs. Au regard des noms cités plus haut, ils sont plusieurs à pouvoir supporter ce costume taillé sur mesure. Le phénomène s’explique : refermant la page des coachs qui s’adjugeaient la gloire lors du nouveau millénaire (Novès, Laporte, Lagisquet et bientôt Brunel), une nouvelle génération d’entraîneurs français s’affirme. Si les clubs du Top 14 construisent leur réussite sur des joueurs de l’autre Hémisphère, à la grande majorité des postes clés, il fait aussi une place de choix aux techniciens français ou assimilés.
C’est une force, apprécions-la, que de compter sur des entraîneurs locaux, reconnus et compétents, ouverts sur des méthodes modernes telles que la préparation mentale ou l’approche statistique de la gestion de leur groupe. Une nouvelle génération également nourrie, dans ses staffs, de quelques éléments étrangers porteurs d’une autre approche du rugby, dont ils s’enrichissent. Ces cocktails trouvent, à leur tour, la réussite sportive pour les groupes qu’ils barrent. Ils débouchent également sur un rugby qu’on expertisera plus délié et offensif, depuis plusieurs saisons, pour les noms cités. Y compris le duo Travers-Labit, dont la réputation minimaliste ne colle plus à la réalité du jeu ambitieux pratiqué depuis une bonne année par le Racing 92.
Tous ces arguments promettent-ils une révolution de fond à venir pour le XV de France, après la Coupe du monde 2019 que dirigeront Jacques Brunel et son staff ? On peut le croire. Encore faut-il que ces envies de modernité soient suivies et encouragées par la direction fédérale. Jusqu’ici, Bernard Laporte a pris les souliers de Pierre Camou : pas de staff élargi au chevet des Bleus, quand toutes les nations qui précèdent le XV de France au classement World rugby sont dotées d’un encadrement pléthorique et hyper-spécialisé. Au-delà des hommes qui décrocheront la promotion bleue, dans un an et demi, c’est aussi virage que devra assumer notre rugby. Il serait temps. Et qu’importe, finalement, l’identité des heureux élus.