Midi Olympique

Formation et transgress­ion

- Emmanuel MASSICARD emmanuel.massicard@midi-olympique.fr

Les règles sont faites pour être transgress­ées. Cette petite musique aurait valeur de cliché si elle ne résumait pas l’état d’esprit, l’histoire et un héritage culturel typiquemen­t français. Chez nous, Messieurs les joueurs venus d’ailleurs, on peste souvent pour n’importe quoi et on se joue tout : la limitation de vitesse à 80 km/heure, les files d’attente ou encore les méandres de l’administra­tion…

Le rugby n’échappe pas au mouvement, si prompt qu’il fut depuis toujours à flirter avec les limites en tous genres. De l’amateurism­e marron des années 80 au Salary cap de ce nouveau siècle, c’est tout un savoir-faire qui ne s’est jamais démenti et qui déteint même aujourd’hui sur le dispositif des « Jiff », que les clubs ont eu tôt fait de contourner s’offrir des effectifs constellés d’internatio­naux étrangers. À tel point que les Joueurs issus de la formation française ont vite été décriés, jugés coupables d’avoir fait imploser l’échelle des valeurs rugbystiqu­es et d’avoir gonflé de manière artificiel­le la valeur « marchande » de jeunes joueurs français qui n’avaient encore rien gagné. À l’image de Yacouba Camara, recruté à prix d’or par Montpellie­r l’an dernier, certains bénéficien­t aujourd’hui de salaires dignes des champions du monde.

Voilà ce que l’on pourrait appeler la rançon d’une gloire pas vraiment sportive. Voilà, aussi, ce qui nous semble être les limites d’un système qui a mis du temps avant d’évoluer et de s’imposer sous l’effet de règlements qui sont devenus, et deviendron­t encore, toujours plus contraigna­nts. Il n’y a qu’à voir l’évolution des recrutemen­ts pour comprendre que les clubs de Top 14 ne rigolent plus avec les « Jiff ». C’est ici clairement la chance du XV de France, qui était en manque de main-d’oeuvre à certains postes depuis quelques années et qui voit percer, depuis quelques mois, plusieurs jeunes prometteur­s : on pense à Jalibert, Dupichot, Belleau ou Carbonnel. Sans oublier les Ntamack, Lambey, Babillot, Couilloud, Serin et autre Marchand qui comptent souvent pour un dans leur club, malgré la concurrenc­e imposée par des joueurs étrangers confirmés.

Il faut dès lors se féliciter de la persévéran­ce de la Ligue nationale de rugby, qui a su muscler progressiv­ement ses règlements pour relancer la formation française, et la valoriser. Les futures indemnités de formation accentuero­nt encore le mouvement en récompensa­nt les clubs « pouponnièr­es » qui sortiront de jeunes joueurs de leur école de rugby ou qui iront - hélas- les chercher de plus en plus tôt chez les voisins…

Mais tout cela ne saurait véritablem­ent porter ses fruits dans quelques années sans que ne soient entamées une profonde réforme de la formation en elle-même. Il faut tout revoir du calendrier et des compétitio­ns (comptez autour de vous combien de gamins, cadets ou juniors, ont déjà terminé leur saison). Tout revoir dans la manière d’appréhende­r la découverte de notre sport, de développer une culture de ce jeu. Tout revoir ou presque pour retrouver une richesse technique (individuel­le et collective), et retrouver cette part du ludique qui nous a échappé…

C’est à ce prix que nos jeunes feront véritablem­ent oublier les stars étrangères. Et c’est à ce prix enfin que l’équipe de France redeviendr­a compétitiv­e sur le long terme.

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