QUEL CAVALIER SEUL !
INSOLENTE DOMINATION DES DUBLINOIS, PLUS RAPIDES, PLUS PUISSANTS ET PLUS PRÉCIS QUE DES ADVERSAIRES VITE RÉDUITS À UN RÔLE DE FAIRE-VALOIR.
Les Dublinois ont mis sept ou huit minutes à entrer dans la partie, puis ils ont appuyé sur le démarreur du rouleau compresseur. Et les Scarlets ont été balayés comme des fétus de paille. Depuis quand n’avions-nous pas assisté à une demi-finale aussi déséquilibrée, non pas en termes de score, mais en termes de jeu pur ?
Après une telle démonstration du Leinster, nous nous sommes précipités sur la feuille de statistiques, à la recherche de quelques chiffres édifiants ; ce 70 % d’occupation en première période par exemple (et 66 sur la totalité du match)…
Mais en fait, nous espérions trouver davantage de preuves. La vérité, c’est qu’aucun élément objectif ne pourra vraiment rendre compte de l’énorme fossé qui séparait les deux équipes. C’est sans doute une question d’intensité, de précision et de préparation minutieuse. Ça n’a rien à voir en tout cas avec la conquête et la discipline : de ce côtélà, la balance n’est pas vraiment probante.
MCFADDEN MÉRITAIT MIEUX
Le Leinster a multiplié les offensives, en puissance, en vitesse, par des passes au près ou au large. En somme par une infinie variété de lancements. L’un des moments les plus sidérants de ce festival fut l’essai de Healy derrière une mêlée : en trois secondes, le pilier international fut décisif au déblayage et à la conclusion. Nous aurions aimé faire de l’ailier Fergus McFadden le héros de cette partie. Ce vétéran (32 ans) mérite bien ça, lui qui a toujours évolué à l’ombre des grands attaquants irlandais malgré un solide palmarès. Mais au moment où il marqua son essai en bout de ligne après une sautée de Ringrose, il se fit foudroyer par une « amicale » béquille de Steff Evans. Il fut donc privé d’un deuxième acte qui aurait pu lui offrir un doublé ou un triplé.
FARDY SOUVERAIN
En deuxième période, nous avons même vécu un moment surréaliste quand les Dublinois ont fait deux ou trois mauvaises passes, sans dommage, tant la défense galloise, épuisée, restait passive. À ce moment-là, oui, nous avons cru lire dans les yeux des Scarlets le désir d’en finir au plus vite avec cette demie trop exigeante pour eux.
L’essai de Scott Fardy vint nous le confirmer après une relance de 50 mètres sur touche non trouvée, la fin de l’action fut un apogée pour le Leinster, chaque porteur de ballon prenait le dessus sur son vis-à-vis, en trouvant l’espace ou en avançant au contact : comme des béliers face à des murs en papier crépon, une impression assez rare à ce niveau. Fardy y a d’ailleurs gagné le titre d’homme du match : un titre que six ou sept hommes auraient bien mérité. On se souviendra que le flanker australien s’est vu refuser un second essai pour une raison subtile. Il n’était pas vraiment le dernier participant à la mêlée spontanée. Tant mieux au fond pour les Scarlets presque rendus fous. Ils ne semblaient pas si inférieurs a priori sur le papier. Il y avait tout de même onze internationaux
gallois sous le maillot rouge vif. Mais ce cavalier seul du Leinster est sans doute un nouveau reflet du grand chelem Irlandais et de l’insolente santé de ce rugby qui prépare ces meilleurs éléments pour les « jours J ». Le savoir-faire de Leo Cullen et de son staff doit aussi y être pour quelque chose. Avec les blessures (Strauss, O’Brien…) et les ponctions de l’équipe nationale, ils ont fait jouer 54 joueurs depuis le début de la saison. Tout le monde n’a pas ce matériel de base, c’est sûr. Quatorze des quinze titulaires étaient internationaux (Gibson-Park ne fut que maori). Sur les vingt Irlandais de la feuille de match, seuls deux n’ont jamais connu la sélection.
Mais il faut aussi savoir faire les bons choix quand on a autant de solutions à sa disposition, ménager les ego, laisser reposer les organismes et ouvrir les bonnes portes à certaines doublures. Mine de rien, il faut un certain doigté.