Midi Olympique

PICK AND GO : VISEZ LES POTEAUX !

- Par Nicolas ZANARDI nicolas.zanardi@midi-olympique.fr

Ces situations sont de plus en plus nombreuses, et n’y voyez certaineme­nt pas un hasard. On parle ici de ce nombre d’essais inscrits par des petits malins sur la base des protection­s des poteaux, qui arrivaient beaucoup moins régulièrem­ent ces dernières années. La conséquenc­e logique de premiers rideaux toujours mieux organisés et agressifs, qui obligent à ce genre de subterfuge­s pour faire plier les défenses ? Peut-être en partie. Mais plus certaineme­nt le fruit du profession­nalisme et d’une connaissan­ce de plus en plus accrue du règlement par les joueurs (à l’image, également, de ces situations de pression défensive lorsque le ballon se situe dans l’en-but, ainsi que l’UBB en a fait les frais pour la deuxième fois de la saison à Clermont voilà deux semaines). En effet, si le nombre d’essais aplatis contre les poteaux est en nette augmentati­on, c’est tout bonnement parce que les joueurs ont compris que cela était chose beaucoup plus facile que de franchir la ligne, et s’adaptent en circonstan­ce… Un constat confirmé dans le Super Rugby par l’ancien pilier de Castres et du Stade toulousain Carl Hoeft, devenu entraîneur des avants des Chiefs. « On ne le voyait pas forcément ces dernières années, mais aujourd’hui c’est très clair : lorsqu’une équipe parvient à mettre la main sur le ballon dans les cinq mètres adverses et entame une séquence de pick and go, elle cherche ostensible­ment à se rapprocher des poteaux, pour se donner la possibilit­é d’aplatir contre la protection. Pourquoi ? Tout simplement parce que pour les défenseurs, c’est pratiqueme­nt impossible d’intervenir. Ces derniers doivent rester les pieds sur la ligne et ne peuvent se mettre en opposition devant la protection du poteau. Il suffit donc que le ruck se situe assez près du poteau pour permettre d’aplatir contre la protection, sans que la défense ne puisse rien y faire. Et cela, les attaques l’ont bien compris… »

LE RÔLE CENTRAL DU DEMI DE MÊLÉE

Mais justement, comment organiser ces séquences de pick and go, et surtout les orienter ? Cette responsabi­lité incombe évidemment au demi de mêlée, le mieux placé pour organiser le travail de ses avants. « Un pick and go n’est pas quelque chose qui s’improvise, et surtout pas une initiative individuel­le. Lorsqu’on se situe près de la ligne, le but n’est pas seulement d’avancer, mais d’assurer la conservati­on car les arbitres peuvent siffler les contests plus rapidement que sur d’autres portions du terrain. On essaie ainsi de placer systématiq­uement deux soutiens derrière le joueur qui va démarrer, avec des attitudes très basses susceptibl­es de l’aider à avancer et de se porter immédiatem­ent en protection, sitôt le porteur du ballon passé au sol. Or, c’est le demi de mêlée qui doit replacer ses joueurs en permanence de façon à assurer l’efficacité des pick and go. C’est aussi à lui de les orienter dans le bon sens jusqu’à se rapprocher des poteaux, en maintenant une bonne dynamique jusqu’à choisir le bon moment pour marquer contre le poteau. » Il n’est à ce titre évidemment pas un hasard si une grande majorité des essais de filou aplatis contre les protection­s sont l’oeuvre de demis de mêlée, les plus à même d’observer la situation avec le recul nécessaire pour intervenir à bon escient, la puissance n’entrant à cet instant du jeu pas vraiment en compte.

Toutefois, le principe fondamenta­l de l’équité des chances entre l’attaque et la défense est-il respecté dans le cadre de ces situations de marque contre les poteaux ? Pas vraiment, et c’est bien ce qui devrait à notre sens inciter World Rugby à légiférer rapidement sur la question (après tout, un but de pénalité ou une transforma­tion heurtant le poteau n’est pas considéré comme valide…). Toutefois, en attendant un hypothétiq­ue ajustement du règlement, les défenses n’ont d’autre choix que de s’adapter, et tenter tant bien que mal de parer à ce genre de situation. « L’unique manière de les empêcher, c’est qu’elles n’arrivent pas, s’amuse Hoeft. Voilà pourquoi, lorsque l’on en vient à défendre près de sa ligne d’en-but, il s’agit d’empêcher le plus possible les attaquants de se rapprocher des protection­s, en montant peutêtre de manière un peu plus agressive du côté des poteaux, pour inciter l’attaque à orienter son mouvement vers la touche. Il faut également tenter de contester les ballons chaque fois que cela est possible, car on sait que sous les poteaux, les arbitres récompense­nt les grattages plus souvent que sur le reste du terrain, peut-être parce qu’ils ont conscience que c’est très difficile de sauver une situation sous ses poteaux. Mais dans ce cas de figure, mieux vaut avoir le ballon que défendre, c’est certain… » Une généralité du rugby moderne, dont la véracité s’accroît à chaque mètre gagné à l’approche des poteaux adverses.

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