Le dilemme de Caillou
Tout le monde le connaît, sans que personne ne l’appelle jamais par son nom. En ce qui nous concerne, par facilité autant que par commodité, on le nommera Caillou. On aurait bien sûr pu le baptiser Mimi, Tony ou Kéké, mais peu importe, après tout. L’idée est ici de causer d’un archétype, ou plutôt d’un archi-type. Un mec extra, un bonhomme en or, que tous les clubs dits de « bas niveau » comptent dans leur effectif, et dont le statut varie généralement de dirigeant bénévole à celui de joueur de réserve une fois l’hiver venu, lorsque les terrains s’alourdissent et que se propage une épidémie de blessures souvent psychologiques. Une période jamais drôle, surtout lorsque les résultats ne sont pas au rendez-vous, mais qu’il faut malgré pourtant surmonter au moment de compter les survivants pour aligner une équipe réserve, sous peine d’un forfait préjudiciable pour l’ensemble du club. Alors Caillou, quand il n’y a plus le choix et qu’il faut y aller, il s’y colle encore, avec une fidélité qui impose le respect. Il n’a jamais été un grand joueur, bien sûr, avec sa surcharge pondérale, ses jambes arquées et sa technique individuelle aléatoire. Mais il s’engage encore tant bien que mal lorsque l’intérêt supérieur du club le réclame, validant invariablement sa décision d’avoir repris une licence de compétition malgré les adjurations de Madame, au cas où…
Le truc ? C’est que Caillou a appris, ces derniers jours, que les réserves allaient passer à 10 joueurs la saison prochaine, pour permettre aux clubs de faire face à l’actuelle chute de licenciés et à la pénurie de joueurs (16 500 au dernier recensement de la FFR, soit une moyenne de quasiment 9 joueurs par club). Alors, il s’interroge, Caillou. Déjà qu’à 12 joueurs, ses quarante balais bien tassés lui permettaient tout à juste à suivre le rythme, aura-t-il la patience et l’envie de repasser par un énième électrocardiogramme et une nouvelle IRM de contrôle du rachis cervical ? Oui, il s’interroge, Caillou, et tout son club avec lui. De quoi craindre un nombre de forfaits record la saison prochaine, fruit d’une réforme des compétitions territoriales calquée sur les modèles des autres sports collectifs ? On le redoute, oui…