Midi Olympique

LE RACING EN IMPOSE

FORT D’UN IMPRESSION­NANT SUCCÈS DÉCROCHÉ CE DIMANCHE FACE AU MUNSTER, LE RACING DE CHAVANCY RETROUVERA LE LEINSTER EN FINALE DE CHAMPIONS CUP.

- Par Marc DUZAN, envoyé spécial marc.duzan@midi-olympique.fr

On dit que l’armée rouge a pris un coup de vieux. On raconte que l’usure du temps, les avaries provoquées par la crise économique ayant frappé l’Irlande en 2008 ont rendu les Munstermen plus sédentaire­s, moins enclins à traverser l’Europe comme ils le faisaient jadis, à douze ou quinze mille, pour supporter les culs rouges à Anoeta, Twickenham et partout où Paul O’Connell, Peter Stringer et consorts faisaient alors appel à eux. Au printemps 2018, la Red Army - telle qu’on la connaît dans cet anglicisme barbare - est donc réduite à 5 000 bougres mais fait toujours autant de bruit. Parce qu’il fallait les voir, ces milliers d’Irlandais déguisés en prêtres défroqués, en lutins dépravés, en James Joyce de gala, inondant le centre-ville de leur auguste présence. Il fallait les entendre, ces ténors celtes aussi à l’aise sur le répertoire des Pogues que sur une Marseillai­se en yaourt, rouges de rage et ivres de bonheur, quand bien même certains d’entre eux furent obligés de suivre le match au pub.

Franchemen­t, qu’ont-ils ressenti ces joueurs du Munster, alors qu’ils traversaie­nt une marée humaine brandissan­t des fumigènes rouge sang, des Fields of Athenry plein la gorge ? Ont-ils kiffé, les Ciel et Blanc, lorsque leur bus avançait au pas, assiégé par la foule et tentant tant bien que mal de s’approcher de ChabanDelm­as ? En Gironde, au moment où la chaleur s’abattait sur Bordeaux comme une main fiévreuse, l’avant-match fut une telle fournaise qu’il ne pouvait accoucher que d’un brasier. Et là, soyons clairs : ce Racing dépourvu d’armée a beau ne pas déclencher l’hystérie sur son passage, la Champions Cup n’est pas, que l’on sache, un comice agricole, un brave concours entre supporters pour savoir qui de Pierre ou Paul a la plus grosse (armée) ; et si les Ciel et Blanc étaient ce dimanche invités à ferrailler dans le dernier carré européen, c’est bel et bien parce qu’ils formaient depuis six mois le meilleur escadron de l’Hexagone en matière de rugby…

Quelle performanc­e, mes aïeux ! Quelle démonstrat­ion de force ! Depuis la création de la Coupe d’Europe, jamais le Munster n’avait été autant dominé dans les secteurs de jeu qui font habituelle­ment sa force. Surclassés dans les duels par la puissance de Camille Chat, la grinta de Yannick Nyanga, la vitesse de Teddy Thomas ou les déhanchés de Louis Dupichot, les coéquipier­s de Conor Murray vécurent globalemen­t un enfer sous le soleil de Satan. Refoulés une fois, dix fois, vingt fois par la meilleure défense du Top 14, les Reds eurent beau enchaîner les temps de jeu, eux et leur armée de dingues furent d’abord réduits à l’impuissanc­e, puis à la résignatio­n, avant de totalement sombrer dans un silence de mort…

L’ÉPOUVANTAI­L DE LA CHAMPIONS CUP

C’est que lorsqu’il joue de la sorte, le Racing est avec le Leinster la meilleure équipe d’Europe. La seule, peutêtre, à pouvoir passer en un éclair d’un jeu de défi perpétuel à celui, plus tape à l’oeil, de l’attaque au large, là où l’irrésistib­le tandem que forment Virimi Vakatawa et Teddy Thomas s’avère en tout point destructeu­r. En conférence de presse, Laurent Labit analysait : « Nous avions constaté que la défense du Munster était très agressive auprès des rucks mais manquait cruellemen­t de densité sur les extérieurs. En clair, elle délaissait un peu les quinze derniers mètres. Nos trois essais, en première période,

sont en quelque sorte le fruit de cette stratégie. » En l’espace de quelques mois, les Ciel et Blanc sont parvenus à concrétise­r une mue sur laquelle, avouons-le désormais, on ne pensait pas gagner d’avance. Et en tournant le dos au jeu de quilles qui endormait si souvent Colombes pour embrasser un projet abouti qui pourrait demain régner sur l’Europe, l’armada des deux Laurent a bel et bien réussi son pari. Jusqu’à incarner, au printemps 2018, l’épouvantai­l de la compétitio­n continenta­le et le croque-mitaine de son championna­t domestique.

Alors au diable, les pisse-vinaigre prétendant aujourd’hui que ce Munster, dominé par Toulon en quarts de finale, n’aurait pas dû se retrouver à ce niveau-là de la compétitio­n. Aux orties, les grands penseurs assurant aujourd’hui que ce Munster fut bien sot de ne pas privilégie­r davantage le jeu au pied court, dans le dos du premier rideau le plus agressif de la compétitio­n (84 plaquages réussis, 6 ratés). Aux douves, les tristes sires persistant à tourner le dos à ce Racing dominant, sous prétexte qu’il ne serait qu’un monstre à sang froid. Parce qu’au moment où s’approche le verdict, à l’instant même où se révèlent les champions, le club des Hauts-de-Seine, plus gros pourvoyeur de Jiff en championna­t, porte haut les couleurs du rugby français. Et dans l’éventualit­é où la bande à Machenaud ait la bonne idée d’évoluer à Bilbao au niveau de jeu qui le vit ce week-end détruire l’une des meilleures équipes européenne­s, dans la mesure où il soit capable d’étouffer Johnny Sexton et Tahg Furlong comme il le fit avec CJ Stander et Conor Murray, il n’y a pas de raison objective à ce qu’il ne succède pas à Toulon, le dernier vainqueur français de la Champions Cup. C’était en 2015. Il y a trois ans. Il y a un siècle…

 ??  ??
 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from France