Midi Olympique

« Le marché s’est transformé »

PASCAL FORNI - Agent de joueurs et de clubs PASCAL FORNI, LE DIRECTEUR DE LA PLUS GROSSE SOCIÉTÉ D’AGENTS EN FRANCE (ESSENTIALL­Y), EXPLIQUE EN QUOI LA RÈGLEMENTA­TION SUR LES JIFF A FAIT ÉVOLUER LE MARCHÉ DES TRANSFERTS.

- Propos recueillis par Marc DUZAN marc.duzan@midi-olympique.fr

Le marché a-t-il été calme, agité, fidèle à son habitude ?

Plutôt fidèle à son habitude. À un an de la Coupe du monde japonaise, on ne pouvait pas s’attendre à ce que les stars étrangères, toutes sous contrat avec leur fédération, débarquent en force en Europe. Après 2019, j’imagine que la donne changera quelque peu. La concurrenc­e du championna­t japonais sera moins féroce. Les grands noms arriveront à ce moment-là.

À ce propos, le nom de Beauden Barrett, actuelleme­nt considéré comme le meilleur joueur du monde, a dernièreme­nt circulé en Top 14. Pourrait-il débarquer en France, au cours de la saison 2019-2020 ?

C’est tout sauf impossible…

Le Top 14 reste-t-il toujours aussi attractif aux yeux des étrangers ?

Il l’est moins parce que le volume de postes à pourvoir est plus faible, eu égard au durcisseme­nt de la réglementa­tion sur les Jiff.

On dit que le marché est plus agressif qu’il ne le fut par le passé. Est-ce vrai ?

Les prix en Angleterre ont considérab­lement monté. D’ailleurs, beaucoup moins de joueurs anglais débarquent en France depuis deux saisons. C’est un signe fort de la bonne santé du marché britanniqu­e. […] En Premiershi­p, la masse salariale est à peu près équivalent­e à 7 millions d’euros, donc très inférieure à celle en vigueur en Top 14 (10 millions d’euros). Mais ils ne sont pas contraints par le système des Jiff tel qu’il existe aujourd’hui en France…

C’est-à-dire ?

Cette réglementa­tion a dernièreme­nt fait exploser les prix des Jiff, qui plus est sur des joueurs moyens. Le marché s’en est trouvé transformé. En moyenne, les Jiff ont cette année augmenté leurs salaires de 30 %. Où que l’on soit, il y a une véritable course au Jiff. Certains clubs vont même chercher des jeunes Australien­s ou Sud-africains de 17 ans afin qu’ils deviennent Jiff dans trois ans. Les transactio­ns sur des joueurs mineurs se font sans agent, bien évidemment.

Cette augmentati­on va-t-elle toujours de pair avec le potentiel du joueur ?

Bien sûr que non. Le système du Jiff est une bonne chose dans la mesure où il protège les joueurs français mais il a un effet pervers dans la gestion des budgets des clubs. Nombre d’entre-eux sont obligés de se séparer de leurs jeunes français pour rester dans les clous de la masse salariale. Il me semble également absurde qu’un joueur comme Scott Spedding, en France depuis dix ans et ayant porté plus de vingt fois le maillot tricolore, ne soit pas considéré comme Jiff. C’est une entrave à la liberté de travail. Comment peut-on jouer pour l’équipe de France et être considéré comme étranger ? Il y a des joueurs étrangers, comme Brock James, Uini Atonio ou Scott Spedding, qui font leur vie en France, y resteront et ne sont pourtant pas considérés comme Jiff. Il faudrait assouplir cette réglementa­tion, considérer qu’un étranger évoluant depuis sept ans sur le même territoire soit considéré comme Jiff.

Pour le futur, quelle évolution serait intéressan­te à vos yeux ?

Les Anglais ont opté pour le « joueur marquis », un gros calibre placé hors masse salariale. Il faudrait se diriger vers ce système, qui permettrai­t de faire cohabiter des joueurs français, englobés dans la masse salariale, avec une grande star étrangère.

Les Argentins ont récemment assoupli leur politique en ce qui concerne leurs internatio­naux. Les Pumas pourront être sélectionn­és même s’ils évoluent à l’étranger. Doit-on s’attendre à un nouvel exode des joueurs argentins ?

Non. Les clubs ne veulent plus de joueurs absents six mois sur douze. Je pense que les Matera, Creevy ou Sanchez resteront au pays. Mais je me trompe peut-être…

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