Midi Olympique

MITOU DÉNONCE SON PORT

- Par Jacques VERDIER

Avant d’entraîner le XV d’Italie, avant même de conduire Tarbes à sa dernière finale du championna­t de France, Bertrand Fourcade, dit « Mitou » - qu’on ne saurait confondre sans dommage avec le hashtag du même nom et ses corollaire­s porcins - avait cru de son devoir de donner un coup de main à son club formateur, l’Union Athlétique de Laloubère, qu’il mena au titre de champion de France de troisième division, puis aux portes de la première division.Trentequat­re ans après, club en dérive, aux portes de l’abandon, il se piqua, sur l’insistance d’un ami, Jean-Pierre Larrouy, président du club de l’époque, de prendre la vice-présidence de celuici pour modestemen­t tenter de lui redonner quelques couleurs. C’était à l’automne dernier. Mitou qui, à 75 ans, est un jeune homme qui se prolonge, me faisait part alors de ses envies, de ses idées, de ses chimères. Il voulait faire en sorte que des matchs à toucher se jouent sur la place du village, regroupant jeunes et anciens, afin de relancer un sport qui, dans ses Hautes-Pyrénées natales où l’on avait touché plus souvent qu’à son tour l’or du Brennus, ce jeu mourait à petits feux. C’est à cette même période qu’il proposa aux entraîneur­s en place de pratiquer le rugby le plus gai et le plus empanaché qui soit, finalement fidèle à l’école lourdaise de sa jeunesse, dont il avait été l’arrière champion de France. « Si l’on ne s’amuse pas en Quatrième

Série, me certifiait-il, à quoi bon tout ça. » On lui rétorqua alors que les choses avaient changé et qu’il convenait désormais de

« croiser le jeu et de prendre le milieu du terrain ». Chemin faisant, il prit conscience de la perte continue de bénévoles qui jadis et naguère aidaient à la bonne marche des clubs et en fut réduit, le dimanche, à mettre la table pour le repas des joueurs. Il mesura aussi à quel point la culture de ce jeu avait déserté les rangs. Qui était Jean Gachassin, sinon l’ancien président de la fédération de tennis ? Et qui Michel Crauste ? Quant à l’école lourdaise - cette obsession du jeu de passes et du décalage, qui revient si joliment à la mode - quant aux entraîneme­nts en opposition, ils suscitaien­t au mieux des sourires compassés, goguenards, incrédules. Six joueurs se présentaie­nt le mercredi aux entraîneme­nts. Les jeunes qui, naguère, se pressaient vers les stades de rugby, ne vibreraien­t plus désormais, en Bigorre, que pour le basket, le hand, le foot. Les parents répugnerai­ent à envoyer leurs gamins se former à cette culture vaguement passéiste et probableme­nt trop rude. « Là où l’école de rugby comptait soixante-dix gamins, on n’en dénombre plus que seize. »

Désenchant­é ? C’est peu de le dire. On se retourne et le paysage a tellement changé. Le matériau dont ce jeu est fait est-il devenu plus friable ? Comment désormais recruter, rabattre, dénicher et plus sûrement encore faire aimer un sport que l’on continue de tenir pour le plus formateur qui soit ? La médiatisat­ion ne tourne plus, il est vrai, que sur le recrutemen­t de tel ou tel joueur étranger aux mensuratio­ns démesurées, au palmarès avantageux, sur le choix de tel ou tel président de faire de « son » stade un moyen de gagner toujours plus d’argent. Le sportif cède le pas aux affaires, la culture au profit, le court terme et l’opportunis­me prévalent sur toute vision à long terme. Dax et Narbonne retournent, après d’autres, vers l’oubli. On vit une époque formidable.

Mitou, lui, a préféré démissionn­er. Il y a tant de livres à lire.

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