Midi Olympique

« Il y aura un peu de tristesse, un peu de fierté... »

ANTOINE ERBANI - 3e ligne et capitaine d’Agen AVANT DE PARTIR À PAU LA SAISON PROCHAINE, IL VA FOULER LA PELOUSE D’ARMANDIE UNE DERNIÈRE FOIS AVEC LE MAILLOT DU SUALG. IL SE LIVRE SUR CE MOMENT.

- Propos recueillis par Enzo DIAZ

Quel sentiment va vous animer quand vous allez rentrer sur la pelouse d’Armandie samedi ?

Très franchemen­t, je ne sais pas parce que je n’ai jamais eu ce genre de situation à gérer. Je ne sais pas trop. Il y aura un peu de tristesse, un peu de fierté… Ce qui est certain c’est qu’il y aura beaucoup d’émotions car je suis quelqu’un qui prend les choses à coeur. Je suis arrivé à 14 ans dans ce club. À ma naissance, je l’avais déjà dans les gènes et le coeur. Avant, pendant, ça reste un match de rugby, j’y penserai moins. En fait c’est surtout l’après qui me fait peur. Quand tout va retomber, je sais que cela sera un peu difficile. Je l’avoue, j’ai peur du moment où je vais réaliser que ce sera fini. Pour moi, ce n’est pas un moment commun en tout cas.

Avec Mathieu Lamoulie, vous faites partie des derniers joueurs de la génération 1 990 encore présente au club. Il sera seul l’an prochain, comment voyez-vous cela ?

C’est un cheminemen­t logique, il y a eu Brice Dulin, Alexi Balès, Benjamin Petre qui sont partis avant moi. Nous sommes dans un milieu où il n’y a plus de logique. Je sentais que c’était le moment de faire comme eux.

À 28 ans, justement est-ce que c‘était le bon moment pour changer d’horizon ?

Oui, c’est comme ça que je l’ai ressenti. Après, je ne suis pas resté toute ma vie à Agen. J’en suis parti une première fois à 16 ans pour aller faire mon Pôle Espoirs à Bordeaux. J’ai grandi depuis et c’est vrai que j’avais envie d’avoir une autre expérience dans ma carrière. Maintenant qu’on est presque maintenu c’est le bon moment.

Justement, le maintien, est-ce que c’est une satisfacti­on de se dire que vous allez partir et qu’Agen va sans doute rester en Top 14 ?

Oui, totalement. J’ai l’impression d’avoir construit quelque chose avec ce groupe. J’aurais très mal supporté le fait de laisser un club, mon club en Pro D2. Ça nous est arrivé tellement de fois, j’ai vécu trois montées dans l’élite, mais aussi deux descentes en deuxième division. Le fait d’avoir fait monter le club et de l’avoir maintenu avec mes copains, même si mathématiq­uement rien n’est fait encore, c’est quelque chose d’extraordin­aire.

En tant que capitaine, est-ce que ça rajoute un sentiment en plus ?

Oui, parce qu’économique­ment, Agen sera toujours plus petit que les autres mais on se bat avec d’autres armes comme la formation et l’état d’esprit, ce qu’on appelle au club la transversa­lité. Cela peut paraître comme de simples mots sur le papier mais cette année nous avons prouvé que cela pouvait fonctionne­r. Alors oui, je suis fier de ce que l’on a fait cette année.

Est-ce votre plus grande fierté ?

C’est dur de comparer les moments de bonheur, il vaut mieux les ajouter. Mais c’en est un, oui. Pour nous, ça représente l’obtention d’un titre. Tout le monde s’est tellement borné à dire que nous allions faire l’ascenseur que nous sommes tellement fiers de montrer que nous pouvons réussir à faire taire les critiques.

Comment avez-vous vécu le fait d’être moins utilisé par le staff cette saison ?

Je ne suis pas à plaindre non plus, j’ai joué des matchs importants. Je reconnais que la saison a été éprouvante sur le plan mental. Sans doute que cela a influencé sur mon jeu, certaineme­nt même. Je n’ai que 18 matchs dans les jambes cette saison, c’est loin d’être impression­nant. Je pensais que ma signature à Pau très tôt dans la saison (intervenue et annoncée en novembre, N.D.L.R) allait me libérer et me mettre dans de bonnes dispositio­ns. Au contraire, elle a rendu la saison difficile. Je ne le prends pas comme une excuse sur mes performanc­es. Je n’ai pas eu une saison linéaire. C’était passionnan­t à vivre car cette saison m’a appris beaucoup de choses sur moi, sur les autres, sur mon entourage, sur mon rugby. Elle va me servir pour la suite.

Est-ce que vous en voulez au staff de ne pas vous avoir fait jouer à Pau ? Mauricio Reggiardo disait notamment que vous « lui en vouliez à mort »...

C’est la politique du club de ne pas m’utiliser si je suis un peu moins bon. Le rôle du staff est de me sortir

si je ne suis pas performant. Il n’y a pas d’exceptions à faire. Je lui en veux oui, forcément. Je n’aurais pas beaucoup de caractère si je ne lui en voulais pas. Honnêtemen­t, je me faisais une fierté de mener le groupe sur le terrain sur lequel j’allais évoluer la saison prochaine. Ma fierté, c’était de gagner ce match avec mes copains. Mais je comprends tout à fait sa décision et, si ça se trouve, il a eu peut-être raison. Ça, je le saurais plus tard. Je n’ai pas 22 ans, j’en ai 28 et je regrette un peu de ne pas avoir pu jouer ce match.

Comment votre famille vit ce départ ?

Je suis très proche d’eux mais c’est une décision que j’ai pris seul. J’avais envie que ce soit la mienne. Leur avis a tout de même compté. Mon père (Dominique Erbani, 46 sélections, champion de France 1982 et 1988 avec le SUA, N.D.L.R) m’a dit de calculer les plus et les moins et qu’ils me soutiendra­ient à fond avec ma mère quoiqu’il arrive. Il m’a donc juste dit : « fonce, c’est le bon moment. » C’est quelque chose qui m’a touché car ça leur fait quelque chose et cela n’a pas été facile à dire. Mais bon, j’ai fait plus de mal à ma mère par le passé en lui disant que j’arrêtais mes études. Elle a plus mal vécu mon rattrapage au bac que ma signature à Pau.

 ?? Photo Midi Olympique - Patrick Derewiany ?? Antoine Erbani, à gauche tête à tête avec Quentin Béthune, veut s’offrir une belle sortie devant son public avant de partir à Pau.
Photo Midi Olympique - Patrick Derewiany Antoine Erbani, à gauche tête à tête avec Quentin Béthune, veut s’offrir une belle sortie devant son public avant de partir à Pau.

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