Midi Olympique

« Je finis sans regrets »

JEAN-BAPTISTE POUX - Pilier de Bordeaux-Bègles CE MATCH SERA LA DER DE LA SAISON À CHABAN MAIS IL MARQUERA AUSSI LA FIN DE LA MONUMENTAL­E CARRIÈRE DU JOUEUR DE 39 ANS AUX 301 MATCHS DE TOP 14.

- Propos recueillis par Jérôme PREVOT jerome.prevot@midi-olympique.fr

Il a démarré sa carrière à Narbonne en 2001. Dixsept ans après, il va « baisser le rideau » dimanche à l’issue de Bordeaux-Bègles - Racing. Entre temps, il a joué 387 matchs profession­nels (la majorité avec Toulouse), plus 42 sélections, trois Coupes du monde disputées, deux grands chelems, trois Coupes d’Europe et trois Boucliers de Brennus : un palmarès pharaoniqu­e qui contraste avec la discrétion du personnage. Il fut un avant de devoir, un pilier ambidextre précieux que l’UBB a recruté en 2013 pour accompagne­r les jeunes et même diriger quelques séances d’entraîneme­nt spécifique­s. Jean-Baptiste Poux a fait le point avant de raccrocher les crampons et de basculer à temps complet dans le staff de l’UBB pour s’occuper de la mêlée, évidemment.

Craignez-vous ce moment ?

Tout ça est avant tout symbolique. Je savais que la fin était proche car cela fait quand même deux ans que je joue moins. Mais je me suis entraîné car je m’attendais à faire partie du groupe. Mais il est sûr que je n’ai pas le rythme des matchs, il faudra donc serrer les dents mais ça devrait passer compte tenu du fait que c’est la dernière. Je ne suis pas du genre à compter les jours.

Quelle est la première idée qui vous vient à l’esprit en repensant à votre carrière ?

Que j’ai eu beaucoup de chance car j’ai fait partie d’une génération dorée. Je me rends compte de tout ce que j’ai pu faire en regardant le palmarès. C’est une fierté. J’ai fait tous les matchs que je voulais faire : dix finales en onze ans avec Toulouse dont six gagnées, une finale de Coupe du monde, malheureus­ement perdue, une finale de Challenge européen avec Narbonne. J’ai été très gâté. Je suis passé par tous les statuts : jeune joueur, joueur confirmé, joueur en fin de parcours qui aide les autres. Je finis sans regret. Je n’ai même pas la malchance de finir sur une blessure, ce qui est terrible pour un rugbyman.

Mesurez-vous l’évolution de votre sport ?

Oui, elle est flagrante. Je me dis que j’aimerais bien être à la place des jeunes d’aujourd’hui, moi qui aimais bien m’entraîner, ils ont tout pour aller au bout de leurs limites. Ils ont un sacré confort. Les mentalités sont désormais très différente­s. À mon époque, on était presque critiqué quand on voulait bien s’entraîner.

Et sur le jeu lui-même, qu’est ce qui a évolué ?

À mon époque, le jeu était moins intense mais il y avait plus de mauvais coups, des intimidati­ons. Il n’y avait pas de vidéos. On pouvait perdre des matchs en étant objectivem­ent meilleurs car on s’était un peu échappés ce jour-là. Maintenant, quand une équipe est au sommet de sa forme, elle est très difficile à battre.

Avez-vous des anecdotes à ce sujet ?

Je me souviens des matchs houleux contre le Stade français des Marconnet, De Villiers ou Landreau avec pas mal d’accrochage­s. Puis il y eut la rivalité avec Biarritz. Le rugby s’est bien aseptisé depuis, même s’il y a plus de violence à l’impact mais il y a nettement moins de mauvais coups. Ceci dit, cela avait un avantage. J’ai parfois trouvé ça un peu dommage car ca resserrait le groupe. Les avantmatch­s étaient tendus. Nous nous tenions prêts presque comme pour un combat de rue, on s’attrapait les uns les autres dans les vestiaires.

Maintenant, on parle davantage de jeu, les joueurs sont bien plus détendus. La vidéo a tout changé. Combien de matchs j’ai vu se jouer sur des actes d’antijeu ou des tirages de maillot. À l’époque, on me disait de répliquer par un coup de poing dans ce cas-là.

Avez-vous du mal à vous reconnaîtr­e dans le rugby d’aujourd’hui ?

Non, non, je l’apprécie même s’il est différent de celui que j’ai vécu dans ma jeunesse. Notre sport a évolué vers un jeu plus plaisant, il faut le reconnaîtr­e. Il y a plus d’essais, plus de mouvement, moins de joueurs dans les zones de ruck, il y a aussi plus d’affronteme­nts directs. La mêlée aussi a changé. Je me faisais la réflexion très récemment. Si l’on comparaît la finale que j’ai jouée en 2003 avec Toulouse contre Perpignan à celle qui va se dérouler entre le Leinster et le Racing, ce serait saisissant. Je suis là pour en témoigner. Le sport évolue, c’est normal. Chaque époque a ses caractéris­tiques, dans dix ans ce sera autre chose.

Vous allez demeurer dans le staff de l’UBB. Était-ce évident pour vous ?

Non, je ne pensais pas continuer dans le rugby, je n’avais pas de plan de carrière particulie­r. Mais j’ai été sollicité par l’équipe de France. Malheureus­ement, tout s’est arrêté. Puis le club m’a demandé de continuer et comme j’aime ce milieu, je vais continuer.

Vous risquez d’affronter Ole Avei que vous avez côtoyé à Bordeaux jusqu’en début de saison…

Oui, c’était un homme très joyeux, un gars qui ne se posait pas 36 000 questions. Et puis, il est très talentueux. C’est sûr que je n’ai pas les mêmes facilités que lui.

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Photo M. O - D. P.

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