L’ÉQUATION DU DIX
S’IL EST UN POSTE QUI POSE QUESTION CETTE SAISON DU CÔTÉ ROCHELAIS, C’EST BIEN CELUI D’OUVREUR. LÀ OÙ PERSONNE NE S’EST VÉRITABLEMENT IMPOSÉ ET OÙ JÉRÉMY SINZELLE, AILIER OU ARRIÈRE DE FORMATION, EST DEVENU LE CHOIX NUMÉRO UN.
C’était le 10 mars dernier. Les Rochelais étaient menés de neuf points (6-15) sur la pelouse de Pau, à la mi-temps, quand Jérémy Sinzelle s’est arrêté au micro des télévisions sur le chemin du retour au vestiaire : « Je ne suis pas 10. À chaque fois que je joue au pied, je mets mon équipe dans la merde. » Des mots crus, qu’il faut évidemment relativiser par la frustration du joueur après une première période infructueuse. Mais une déclaration en partie révélatrice des maux maritimes. Du moins d’une des équations de la saison. Car l’ancien arrière ou ailier de Toulon et du Stade français a été placé au poste de demi d’ouverture à douze reprises cette saison sur les vingt-trois titularisations qu’il compte au total. Un poste pourtant inconnu pour lui, qui y a été aligné pour la première fois de sa carrière professionnelle en août dernier, à Brive, à l’occasion de la… Première journée de championnat. Surtout, depuis sa sortie béarnaise, la Rochelle a disputé cinq rencontres. Sinzelle a participé à quatre d’entre elles, à chaque dès le coup d’envoi et à l’ouverture. Attention, il ne s’agit pas là de remettre en cause les capacités d’adaptation du joueur, lequel s’est avéré étonnamment à l’aise dans une position si particulière. Notamment en début d’exercice quand son équipe avançait et quand tout souriait aux Maritimes, alors la formation qui impressionnait peut-être le plus en Europe. « Ce n’est pas toujours facile de choisir entre le jeu à la main et l’occupation au pied, expliquait-il en septembre. Ça, je n’ai pas su le faire mais, personnellement, je m’en fous de jouer en 10. Le plus important, c’est qu’on essaye de jouer collectivement. La polyvalence, c’est important, si on peut dépanner et être bien au niveau du collectif. » Le problème ? C’est que Sinzelle a fait plus que dépanner. Et lorsque le collectif, justement, s’est retrouvé davantage en difficulté, le constat fut le même pour lui. Rien de plus logique, tant les basiques du poste sont spécifiques. Mais Patrice Collazo lui a-t-il maintenu sa confiance pour mener le jeu des siens par conviction ou par défaut ? Seul lui le sait, même s’il a souvent justifié ce choix par les qualités défensives de l’homme. « On est parti sur Jérémy car, même si ce n’est pas un 10 de formation, il y a un critère qui est prioritaire pour regagner des matchs, c’est la zone défensive du 10, avait par exemple expliqué le manager en décembre. À l’extérieur, la perdre systématiquement plombe le contenu d’un match et le mental d’une équipe. Jérémy nous offre des garanties dans ce secteur. »
JAMES RÉTROGRADÉ… HOLMES REGRETTÉ ?
En clair, Collazo pointe les lacunes de Ryan Lamb et Brock James dans un domaine devenu capital. Pour autant, voilà qui pose question. Depuis son arrivée l’été dernier, l’expérimenté anglais Ryan Lamb (31 ans) ne s’est clairement pas imposé du côté de La Rochelle… Utilisé par intermittence, il totalise dix titularisations toutes compétitions confondues pour quatorze apparitions. Trop peu et l’ancien pensionnaire de Worcester, Leicester, Northampton, Gloucester et des London Irish ne peut qu’être considéré comme le deuxième choix bis en numéro 10. Ceci parce que Brock James a aussi perdu beaucoup de crédit ces derniers mois… Taulier du poste quand il a débarqué au Stade rochelais la saison passée, il avait même relégué Zack Holmes dans la hiérarchie. Et avait été un des grands artisans du parcours exceptionnel des maritimes qui les avait vus terminer leaders de la phase régulière avant d’échouer en demi-finale. Là, sur vingt apparitions, il ne compte que neuf titularisations. Parfois, sa science du jeu, autant que la puissance de son pied droit, ont semblé manquer pour se sortir de situations périlleuses. Certes, son âge avancé (36 ans), et sa décision de rejoindre Bordeaux-Bègles la saison prochaine, ont pu plaider en sa défaveur mais le staff lui reprocherait essentiellement ses lacunes défensives, qui lui avaient déjà coûté cher à Clermont par le passé. Et, de temps à autre, le destin est cruel. Ce dimanche après-midi, les Rochelais retrouveront Zack Holmes en face d’eux, lequel a rejoint Toulouse à l’intersaison. Ugo Mola, admiratif de son profil d’attaquant, avait très vite ciblé l’intéressé en lui promettant de le placer à l’ouverture. Car, face à la concurrence de James, il était alors baladé au centre, à l’arrière et sur le banc. Sûrement désireux de se relancer, il a pris la direction d’Ernest-Wallon, où il a métamorphosé le jeu stadiste et s’est imposé comme un des meilleurs ouvreurs du Top 14. Peut-être au grand regret de ses anciens employeurs, en attendant les arrivées de Ihaia West et Maxime Lafage…