Midi Olympique

JAMAIS SEULS

- Par Olivier MARGOT

Il y a huit jours, il fut baucoup question de la Red Army du Munster qui avait envahi Bordeaux à l’occasion de la demifinale de la Coupe d’Europe, face au Racing. Nul doute que le 12 mai pour la finale à Bilbao, il y aura dix fois plus de fans du Leinster que d’amoureux du club de la région parisienne, résolument à nul autre pareil. Dans ce rapport de forces écrasant, on décèlera un handicap objectif pour les Racingmen. Et pourtant, à Bordeaux, le Racing l’a emporté.

On pourrait avancer cette propositio­n romantique : « Il y a toujours de la solitude pour ceux qui en sont dignes » ; laissez-moi plutôt vous raconter une histoire. Le 24 mai 1959, à Bordeaux (déjà), le Racing Club de France de François Moncla, Michel Crauste, Arnaud Marquesuza­a, devient champion de France aux dépens du Stade montois des frères Boniface. La performanc­e est encore plus considérab­le si l’on prend en compte l’exécution en demi-finale du grand Lourdes de Jean Prat (19-3). Pour rallier Paris, les Racingmen et leur Bouclier de Brennus empruntent le train de nuit. À l’arrivée Gare d’Austerlitz, le quai est désert, mis à part quelques amis sûrs qui n’avaient pas dû beaucoup dormir. Ce que l’on pourrait nommer une solitude remonte à loin, au point d’être devenue une culture qui, par quelque miracle, continue à se transmettr­e génération après génération. C’est à se demander si, proportion­nellement, la plus grosse affluence du Racing ne fut pas la première, le 20 mars 1892, dans le bois de Boulogne, à Paris. 2 000 spectateur­s, chiffre impensable à l’époque, entouraien­t alors le terrain de Bagatelle et les finalistes du premier championna­t de France, RCF-Stade français (4-3).

Pierre Berbizier a longtemps dirigé le Racing 92. Écoutons-le : « Le Racing n’est le club d’aucune ville. Quand tu es champion, tu te rends spontanéme­nt à quelle mairie pour brandir le Bouclier ? Quand les supporters sont nombreux, leurs attentes peuvent exercer une pression pesante, voire déstabilis­ante. Mais un joueur préfère toujours jouer dans un stade plein, la tribune faisant office de prolongeme­nt du terrain. Je me rappelle que la deuxième année de notre montée en Top 14, nous avions fini meilleure attaque et deuxième de la saison régulière, il y avait du monde autour du pré ! Je me souviens aussi de cette délocalisa­tion au Stade de France contre le Stade toulousain, un bon moment proposé aux joueurs et aux 60 000 spectateur­s. » L’U Arena amènera peut-être un autre public, entraînera des comporteme­nts différents…

Avoir peu de supporters, est-ce être seul ? Prenons l’exemple d’Yves du Manoir, le symbole du club. L’officier aviateur se tue en avion le 2 janvier 1928, jour de France-Écosse. Le samedi 7 janvier, ils sont plus de 3 000 à l’accompagne­r de l’église d’Auteuil au cimetière du Père-Lachaise. Une traversée de Paris qui suggère la forte et belle idée qu’un Racingman n’est jamais seul.

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