Midi Olympique

UNE DETTE À RÉGLER

ENTRAÎNEUR DES TROIS-QUARTS LORS DE LA RELÉGATION DE PERPIGNAN EN 2014, PATRICK ARLETTAZ AVAIT QUITTÉ SON CLUB DE COEUR DE LUI-MÊME, AVANT DE REVENIR IL Y A UN AN ET DEMI POUR FAIRE REMONTER L’USAP.

- Par Émilien VICENS

Il fait partie de cette caste d’entraîneur­s capables de pousser un coup de gueule monumental après une nette victoire de leur équipe, et de garder, malgré tout, l’entière approbatio­n de leur vestiaire. Début décembre, au terme d’un énième succès bonifié de Perpignan contre Massy (42-13), Patrick Arlettaz tient un discours inattendu et presque lunaire en conférence de presse. « Si on continue comme ça, on ira droit vers des désillusio­ns et du gâchis. » L’Usap vient d’infliger aux Essoniens le « tarif maison » à Aimé-Giral, et pourtant, l’entraîneur catalan n’a pas digéré la prestation de ses joueurs au cours d’une première période marquée par plus de vingt plaquages manqués. Ce jour-là, Patrick Arlettaz affiche un visage plutôt habituel et fidèle à son image : aussi sévère que juste. « Les paillettes, ça se mérite dans l’austérité du championna­t. Je suis exigeant avec cette équipe car je crois en son potentiel. Moi, j’écoute les joueurs. Ils veulent participer aux phases finales. Impeccable. Moi aussi. Sincèremen­t, je n’ai pas envie de les vivre à la télé. Si c’était le cas, ça me mettrait très, très en colère. » Derrière cette gueulante mémorable, Perpignan enchaînera une série de neuf victoires en dix matchs en plein coeur de l’hiver, et validera quatre mois plus tard sa participat­ion au dernier carré. S’il se veut autant investi dans la réussite de son équipe, c’est que Patrick Arlettaz n’a pas encore fait son deuil de joueur. Proche de ses hommes, au coeur de chaque entraîneme­nt, l’homme de 46 ans le répète assez souvent, et l’a encore martelé dimanche dernier lors de la demi-finale : « J’aurais tant aimé pouvoir être sur le terrain avec eux. »

Mais au-delà d’une retraite sportive pas complèteme­nt digérée, l’instigateu­r du jeu catalan paraît surtout emprunté d’une profonde dette personnell­e. Celle d’avoir été l’entraîneur des trois-quarts de Perpignan en 2013-2014, saison où l’Usap, son club de coeur fut relégué en Pro D2 pour la première fois de son histoire.

LES CLÉS DU CAMION

Frappé dans son honneur, Patrick Arlettaz s’était alors éclipsé de lui-même, par la petite porte et sans rien réclamer au club, avant de revenir deux ans et demi plus tard. « J’avais une place à ce moment-là qui ne me convenait pas. J’y ai laissé beaucoup de plumes, j’ai préféré partir. Et puis il fallait un nouveau cycle. Cela avait été un traumatism­e pour tout le monde, qu’il y ait des personnes nouvelles me semblait une bonne idée. Je n’étais pas le mieux placé dans cette nouvelle aventure », confesse Arlettaz, qui a toujours gardé un oeil sur le parcours de Perpignan en Pro D2. « J’aime ce club et je l’aimerai tout le temps. Je connais ses qualités et ses faiblesses, son côté passionnel et dévoreur. Mais ça me plaît. »

Second couteau à l’époque, son plus grand tort eut été de ne pas s’ériger contre Marc Delpoux, alors manager d’une formation en pleine dérive. Une passivité qui ne correspond pas au personnage Arlettaz, d’autant que l’ancien trois-quarts centre détenait peut-être les solutions pour sauver Perpignan. « Je n’ai pas la prétention de le dire. On ne peut pas savoir si ça aurait marché avec une autre organisati­on. Peut-être que c’était écrit, inéluctabl­e, et même nécessaire. Ce sont les aléas de la vie, je savais quelle était ma place au moment de m’engager à l’époque. Et je ne me pose pas la question », tempère-t-il.

Quoi qu’il en soit, si l’entraîneur de l’Usap a accepté de revenir à la tête du club, ce n’est qu’à la condition d’avoir enfin les clés du camion, ou du moins celles du jeu des Sang et Or. Intelligem­ment, Christian Lanta les lui a laissées. En un an et demi, « Arlette » aura permis à Perpignan de passer d’une inquiétant­e quinzième place de Pro D2 au début de la saison dernière, à une solide place de leader cette année, puis à ces quatre-vingts minutes qui pourraient offrir à l’Usap un retour en Top 14. Une manière pour Patrick Arlettaz, quand bien même assure-t-il n’y voir « aucune revanche personnell­e », de boucler symbolique­ment la boucle.

 ?? Photos Midi Olympique - Patrick Derewiany ?? Pour l’entraîneur catalan, le challenge est double : décrocher un titre et retrouver le Top 14 avec l’Usap et prendre une revanche dans son parcours d’entraîneur.
Photos Midi Olympique - Patrick Derewiany Pour l’entraîneur catalan, le challenge est double : décrocher un titre et retrouver le Top 14 avec l’Usap et prendre une revanche dans son parcours d’entraîneur.

Newspapers in French

Newspapers from France