Midi Olympique

ZACK L’ÉVENTREUR

LONGTEMPS BARRÉ PAR LA CONCURRENC­E EN AUSTRALIE ET DESSERVI PAR SA POLYVALENC­E À LA ROCHELLE LA SAISON DERNIÈRE, IL S’EST IMPOSÉ COMME L’UN DES MEILLEURS OUVREURS DU TOP 14 AVEC SON NOUVEAU CLUB. DÉCOUVERTE D’UN ATTAQUANT, UN VRAI, QUI NE S’ÉPANOUIT JAMAI

- Par Jérémy FADAT jeremy.fadat@midi-olympique.fr

C’est à Balma, dans la banlieue toulousain­e, que Zack Holmes a pris ses quartiers en juin. Là où l’ouvreur australien, fraîchemen­t débarqué de La Rochelle, est alors devenu le locataire de… Luke McAlister, parti à Toulon. « Dès que j’ai eu un petit problème, il a été d’une grande aide, sourit Holmes. J’ai l’impression que Luke connaît tout le monde à Toulouse. » Il y est une figure, le maillon fort du dernier Brennus glané en 2012. L’ironie, c’est qu’Holmes est justement son successeur. « Je le regardais jouer quand j’étais jeune. Il était incroyable et, dix ans plus tard, je prends sa relève à Toulouse… J’aimerais rencontrer le même succès que lui ici. » Le voilà plutôt bien parti. Car, si le Stade toulousain affiche un visage métamorpho­sé depuis huit mois, l’Australien n’y est pas étranger. La nouvelle charnière, qu’il formait avec Antoine Dupont en début de saison, a fait des étincelles. Même si, l’étiquette « jeune Français spectacula­ire » du demi de mêlée a essentiell­ement porté l’attention sur son partenaire. « Aucune jalousie, se marre Holmes. J’ai été le premier témoin de ses performanc­es et il réalise des choses si exceptionn­elles ! » N’empêche, malgré la grave blessure de Dupont, la belle dynamique des Toulousain­s n’a pas faibli. Grâce aux relais de Doussain et Bezy, mais encore davantage à la régularité de leur ouvreur. Le chef d’orchestre de cette équipe, c’est lui. Titularisé à vingt-et-une reprises en autant d’apparition­s, pour six essais. Et cette impression de vitesse qu’il insuffle sans cesse à une ligne de trois-quarts flamboyant­e. Holmes est un attaquant. Un vrai. « J’adore ça, avoue-t-il. Si je vois la moindre brèche, je m’y engouffre. J’ai beaucoup travaillé sur la gestion du jeu et l’occupation du terrain mais ma nature, mon instinct, me poussent à attaquer quand c’est possible. J’ai besoin d’être dans une équipe où on me donne la possibilit­é de m’exprimer. Recevoir des instructio­ns, suivre un plan de jeu établi est important mais, dans ma conception, savoir saisir les opportunit­és qui se présentent l’est tout autant. Il faut parfois ne pas avoir peur de prendre un risque, de sortir du plan du jeu, quand la situation le permet, pour porter le danger. Toulouse me convient donc bien. On m’offre cette chance, avec des joueurs

autour de moi qui le permettent. »

LARKHAM, MODÈLE ET MAÎTRE

Holmes s’épanouit au coeur d’une formation qui lui ressemble. Car, dans un rugby bodybuildé où il fait figure de poids plume, lui existe autrement. À l’instar des Kolbe ou Ramos… « On veut jouer rapidement, débout, déplacer le ballon, le tenir et mettre le plus de pression possible sur la défense adverse. Quand vous avez des gabarits comme les nôtres chez les trois-quarts, cela oblige à tenter et aller vite avant que les adversaire­s nous attrapent (rires). Certes, vous ne pouvez pas posséder que des physiques comme nous… Mais le rugby reste aussi une histoire de technique. Même si vous êtes moins lourd que votre adversaire, vous devez être capable de bien défendre sur lui. Et offensivem­ent, on peut offrir des choses différente­s.Vous n’avez qu’à voir ce que Cheslin est capable de faire sur un terrain ! » Sur ce volet, Holmes fut à bonne école. « Si vous regardez le style des ouvreurs australien­s récents, vous retrouvere­z beaucoup de joueurs dans mon profil », assure-t-il. Référence aux Giteau, Foley ou Cooper. Héritage du magicien Stephen Larkham, taulier des Wallabies entre 1996 et 2007 et précurseur par sa propension à toujours apporter de la vitesse en premier receveur. « S’il y a un nom à citer, c’est le sien, reconnaît le Toulousain. Son goût pour le jeu offensif m’a forcément influencé, surtout qu’il était entraîneur aux Brumbies quand j’y étais (entre 2011 et 2013). J’ai appris de lui, de sa connaissan­ce du poste, de sa vision du jeu. Il a été une personne importante dans la constructi­on de ma carrière. Je lui dois beaucoup. C’est le premier qui m’a vraiment considéré comme un ouvreur au haut niveau. » Pourtant, la gloire s’est longtemps refusée à lui. D’abord aux Brumbies justement, où il était barré par Toomua et Lealiifano. « Lors de ma première saison, tous deux se sont blessés et j’ai eu ma chance. Quand ils sont revenus, je n’ai quasiment plus joué. » Alors il a migré vers la Western Force, du côté de son Perth natal. Pour un bilan à peine plus reluisant. « Je pensais avoir plus d’opportunit­és mais ça n’a pas fonctionné comme je l’espérais. C’est Sias Ebersohn qui jouait la plupart du temps. Le rugby fonctionne ainsi. Je l’accepte. » Qui plus est en Australie. Comment expliquer qu’un tel talent ait pu passer sous les radars ? « Il y a moins d’équipes et moins de matchs que chez vous. Si vous ne saisissez pas votre chance, c’est très dur ensuite. Prenez Jake McIntyre. Il a connu une situation similaire à la mienne en Super Rugby.Vous l’avez découvert à Agen cette saison mais, moi, je savais déjà que c’était un très bon joueur. Lorsque vous bénéficiez d’occasions de le prouver, c’est plus simple. C’est un problème pour les jeunes Australien­s qui ne disputent pas assez de matchs. Ils peuvent travailler à l’entraîneme­nt mais, pour un numéro dix, il est essentiel de parfaire sa technique individuel­le et sa compréhens­ion du jeu en match. Savoir quand on doit prendre telle ou telle décision. C’est ce dont j’ai souffert. Il me manquait cette continuité, ces situations de match jeu pour évoluer. J’ai donc mis du temps à arriver au niveau que j’étais capable d’atteindre. »

« JE SUIS UN OUVREUR QUI PEUT COUVRIR D’AUTRES POSTES »

Holmes a ainsi choisi, en 2015, de traverser le globe pour poser ses valises à La Rochelle. « Je ne sais pas si c’était le bon moment, j’aurais pu insister en Australie mais j’avais envie de rejoindre l’Europe. J’étais frustré de ne pas jouer autant que je le souhaitais. Au-delà de la concurrenc­e, le championna­t est long ici, donc les espoirs de se montrer sont décuplés et je me rends compte que j’aime cet enchaîneme­nt de rencontres. J’ai l’impression d’être moi-même. » Même s’il a dit adieu à la sélection : « C’était le but ultime mais j’étais conscient que mes prestation­s n’étaient pas au niveau requis pour devenir Wallaby. Je ne dis pas qu’elles le sont aujourd’hui mais en prenant la décision de venir en Europe, je me fermais les portes. Je ne le regrette pas car je sais où j’en suis, et je n’y serais pas parvenu sans quitter mon pays. On me dira que c’est toujours possible dans le futur mais je suis heureux où je me trouve, en tant qu’homme et joueur. Revenir ne fait pas partie de mes plans et je suis focalisé sur ce que j’ai à réaliser en France. J’ai fait le meilleur choix. » Pourtant, après un premier exercice plein du côté maritime, Holmes a de nouveau été remis en question avec l’arrivée de Brock James. Pour finalement se muer en doublure de luxe de son compatriot­e australien lors des dernières phases finales. « Du début de saison jusqu’en février, je n’ai pas souvent joué dix mais j’avais beaucoup de temps de jeu. Après, je me suis blessé et quand l’équipe tourne bien sans vous… » Il fut aussi victime de sa polyvalenc­e, lui qui est capable de dépanner partout derrière - il a même joué ailier dans le championna­t des clubs de Sidney - et donc d’être le remplaçant idéal. Le staff rochelais préférait d’abord s’appuyer sur cet éclectisme quand lui voulait avant tout s’installer à l’ouverture. Ugo Mola, tombé sous le charme, en a profité pour l’attirer à Toulouse où le maillot floqué du dix lui était réservé. « Je me suis toujours considéré comme un ouvreur qui peut couvrir d’autres postes. Cela offre une grande flexibilit­é pour moi et mes entraîneur­s, même en match, puisque je suis assez à l’aise au centre ou l’arrière, où on a moins de pression sur les épaules (sourires). Ce n’est pas un problème mais c’est en dix que je me sens le mieux. Quitter La Rochelle n’a pas été facile mais j’ai discuté avec Ugo, je savais ce qu’il attendait de moi… Cela donne un maximum de confiance quand un entraîneur croit en vous. C’est mon cas aujourd’hui. Je ne crois pas qu’à La Rochelle, le staff n’avait pas confiance en moi. C’est juste qu’il souhaitait m’utiliser de manière différente. » À 27 ans et aujourd’hui considéré comme l’un des meilleurs ouvreurs du Top 14, Holmes a peutêtre enfin trouvé son espace de plénitude.

« J’adore attaquer. […] Il faut parfois ne pas avoir peur de prendre un risque, de sortir du plan de jeu, quand la situation le permet. » « Mes prestation­s n’étaient pas au niveau requis pour devenir Wallaby. En venant en Europe, je me fermais les portes. Je ne le regrette pas. »

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