INSTINCT DE TUEUR, ES-TU LÀ ?
LES VAROIS ENTAMENT LEURS PHASES FINALES FACE AU LOU AVEC DE GRANDES AMBITIONS. MAIS POUR ATTEINDRE LEUR BUT ULTIME, ILS DEVRONT RÉAPPRENDRE À TUER LES MATCHS. CE QU’ILS N’AVAIENT PAS SU FAIRE LORS DES DEUX DERNIÈRES FINALES DE TOP 14 OU ENCORE EN QUART DE CHAMPIONS CUP AU MUNSTER IL Y A MOINS DE DEUX MOIS. LES LEÇONS ONT-ELLES ÉTÉ RETENUES ?
« Il faut un titre, c’est tout ! » Ce cri du coeur avait été poussé par Mathieu Bastareaud, lors d’un entretien réalisé à la tour royale de Toulon, le 26 mars dernier. Un voeu pieu comme un témoignage de sa faim du champion et aussi de sa frustration grandissante. Depuis le 2 mai 2015 et le triplé européen, le RCT n’a plus soulevé de trophée. Une petite éternité pour Toulon après une période dorée. À ses côtés ce jour-là, Guilhem Guirado poursuivait : « Ça fait deux ans que l’équipe se casse les dents aux mêmes stades de la compétition, en quart de Coupe d’Europe et en finale du championnat. »
La répétition et le déroulement de ces matchs maudits rendent l’insatisfaction encore plus prégnante :
« Quand tu perds deux finales avec un tel scénario,
en tant que compétiteur, ça te fait enrager. » Souvenezvous : à Barcelone, en juin 2015, les Varois, devant au tableau d’affichage et en supériorité numérique, s’étaient littéralement effondrés ; un an plus tard, au Stade de France, ils avaient globalement dominé les débats mais les poteaux avaient renvoyé deux pénalités décisives d’Anthony Belleau. Cette saison, les revanchards de la rade se sont promis de reprendre le cours de leur glorieuse histoire : fini les accessits, place de nouveau au titre. Cinq jours avant le quart de Coupe d’Europe à Limerick, fin mars, Mathieu Bastareaud attendait justement de la part de ses troupes une attitude de champion. Aux grands joueurs les grands rendez-vous,
non ? « Jusqu’à présent, il y a eu des contre-performances et des rencontres que l’équipe avait en mains mais qu’elle a perdue. Le groupe a su en tirer des leçons. Maintenant, c’est sur ces matchs couperet qu’il faut prouver que tout est en ordre », avait déclaré le capitaine.
« GARDER LA TÊTE FROIDE, ARRÊTER DE PANIQUER »
À Thomond Park, pour son premier grand rendez-vous de la saison, le RCT a privé le Munster de ballon, s’est créé plus d’occasions, a effectué la course en tête la majeure partie de la rencontre avant de craquer inexplicablement à cinq minutes du coup de sifflet final. Un gâchis immense, une fois encore. Dans les coursives du mythique stade, Mathieu Bastareaud en soufflait de dépit : « Nous sommes frustrés et énervés. Il y avait la place. On ne peut s’en prendre qu’à nous-mêmes. »
La désagréable impression de déjà-vu commençait à devenir insupportable : « Dès qu’il y a un match important, au lieu de rester sereine, l’équipe fait des fautes de main, elle ne parvient pas à suivre le fil de son jeu. Il faut garder la tête froide, arrêter de paniquer et davantage maîtriser notre rugby. » « Aux Scarlets, c’était pareil, à Bath, c’était pareil, rappelait à juste titre Emerick Setiano. Il y a des erreurs qui ne pardonnent pas à ce niveau. »
Moins de deux mois après ce funeste samedi irlandais, le RCT repart en conquête avec l’ouverture des phases finales du Top 14. La même équation se pose aux Rouge et Noir : l’heure de retrouver la maîtrise du début de la décennie a sonné. Ils doivent apprendre à tuer les rencontres sous peine de s’exposer à une nouvelle déconvenue.
La phase régulière met en exergue le paradoxe de ce collectif : il est capable de flamber comme personne mais aussi de craquer inexplicablement dans les instants clés. Si la bande à Galthié peut se targuer de posséder la meilleure attaque du Top 14, elle a subi douze revers en vingt-six matchs quand La Rochelle et Pau, non qualifiés, en comptent seulement onze. Si les bonus n’existaient pas, Mathieu Bastareaud et ses partenaires seraient déjà en vacances… Les compteurs remis à zéro, la statistique tient de l’anecdote désormais. L’essentiel se trouve ailleurs : de Chris Ashton à Juan Martin Fernandez Lobbe en passant par Josua Tuisova, le RCT possède sans conteste le talent et l’expérience suffisantes pour dominer le Lou, le MHR ou toute autre équipe amenée à se dresser sur sa route. « Il y a un gros potentiel, lorsque notre collectif arrive à jouer ensemble, il est très dangereux, analysait
Guilhem Guirado. Quand le rouleau compresseur se met en route, ça fait mal. » « Je pense que l’équipe a les moyens d’aller au bout, complétait Mathieu
Bastareaud. Mais il faut que tout le monde soit concerné pour y parvenir. »
À l’heure d’entamer cette nouvelle conquête, la génération des Vermeulen, Guirado, Trinh-Duc et autres Nonu, frustrée par les cruels échecs répétés, ne manquera à coup sûr ni de détermination ni d’implication. Et pour la maîtrise, facteur déterminant de toutes phases finales ? Début de réponse ce vendredi soir. Aux champions d’assumer leur statut et de tenir les promesses.