Midi Olympique

TOULON PREMIER BRENNUS À L’ARRACHÉ

TOULON - LYON, CE FUT AUSSI UNE FINALE HOMÉRIQUE EN 1931 ET LE PREMIER TITRE DU RCT DANS UN CONTEXTE DE CRISE TRÈS GRAVE POUR LE RUGBY FRANÇAIS.

- Par Jérôme PRÉVÔT jerome.prevot@midi-olympique.fr

Toulon - Lyon de 1931, ce fut d’abord une finale jouée dans une atmosphère de crise aiguë. La France venait d’être exclue du Tournoi. Pire encore, la FFR avait éclaté. L’Ufra avait fait sécession, au nom des valeurs de l’amateurism­e et douze clubs majeurs avaient snobé la course au Bouclier. Ce championna­t 19301931 fut donc clairement dévalué mais, ça n’empêcha pas la finale jouée à Bordeaux d’être une chaude bataille, finalement très excitante, jouée sous les yeux de Félix Mayol, chanteur-mécène du RCT à la générosité proverbial­e. Qui d’autre a fait construire un stade entier sur un coup de coeur ?

DES FIDJIENS VENUS DE CATALOGNE

Mais Lyon savait aussi recruter, principale­ment dans les terres fertiles du Roussillon. En fait, le club ressemblai­t à une fusion Lou-Usap. Les Catalans étaient un peu les Fidjiens de l’époque, ils étaient six à porter le maillot rhodanien, dont le capitaine Vincent Graule. Mais Toulon en avait aussi trois dont Marcel Baillette, lui aussi capitaine. Ce duel commença par un incident peu commun en coulisse quand la « commission sportive » toulonnais­e décida soudain que le pilier droit Marcel Vigneau, 29 ans, n’avait pas le niveau. Alors qu’il était déjà en tenue, le soigneur Chabout vint lui demander de quitter son maillot et ses chaussette­s pour les passer illico à Joseph Lafontan, son remplaçant. Qui n’a pas vu et entendu Vigneau asséner un coup de tête de désespoir dans la porte des vestiaires n’a pas idée de ce que signifie la frustratio­n. Jamais on ne le revit sous le maillot frappé du muguet. La finale illustra bien les défauts du rugby de l’époque : elle fut truffée de mauvais gestes et d’échauffour­ées. Sous la pluie bordelaise, la nervosité était palpable et l’arbitre Abel Martin décida d’expulser temporaire­ment Eugène Delangre, flanker toulonnais vraiment trop turbulent. Mais Lyon menait à la pause grâce à l’essai de Fleury Panel servi après percée magnifique du demi de mêlée Jean Brial. Toulon sut mettre la main sur la deuxième période : une emprise inexorable à défaut d’être brillante. Delangre refit parler de lui, et M. Martin lui… demanda de sortir quelques minutes encore pour se calmer. Brave Abel Martin qui ne voulait pas fausser la finale par des expulsions définitive­s. Mais l’ouvreur Léopold Servolle avait permuté a avec son centre André Couadou, choix décisif car Servolle trouva les espaces pour percer plein champ et faire basculer le match d’un trait de lumière. Toulon venait de prendre le dessus puis sur une touche au près, Hauc démarra en force avec un relais victorieux de Borréani, pur Toulonnais sublimé par l’événement (78e).6-3.

MAYOL, OU LE PLUS STYLÉ DES MÉCÈNES

Des deux dernières minutes, interminab­les, on retient cette sensation de bataille de tranchée, des Toulonnais s’accrochant avec des serres à la perspectiv­e de ce premier Bouclier et de Félix Mayol, debout dans la tribune officielle, houppette au vent, son bouquet de muguet artificiel tressautan­t à sa boutonnièr­e et de M. Martin qui, tel Salomon, montre la porte au Lyonnais Claudel avant de mettre fin aux débats. Marcel Baillette devint le premier joueur à être sacré sous trois maillots (Perpignan, Quillan, Toulon). Ivre de bonheur, Félix Mayol paya un banquet pantagruél­ique aux vainqueurs. Soirée de bonheur avant quinze ans de misère pour le rugby français.

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Photos DR L’arbitre Abel Martin donne des instructio­ns d’avant match à Marcel Baillette et à Vincent Graule. En médaillon : le légendaire Félix Mayol.

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