QUEL FINAL INATTENDU !
LES ENJEUX LA QUALIFICATION DES ROUENNAIS AUX DÉPENS DES ALBIGEOIS A ORGANISÉ UNE FINALE QUE PERSONNE N’AVAIT PRONOSTIQUÉ. C’EST LE NOUVEAU MONDE QUI REÇOIT L’ANCIEN, POUR UNE MONTÉE EN PRO D2 EN LIGNE DE MIRE.
On s’étonne toujours un peu intérieurement des entraîneurs qui, lors des sondages que nous organisons en chaque début de saison, placent leur équipe à un niveau auquel les autres ne l’imaginent pas. Rouen demi-finaliste ? Seul Richard Hill avait parié là dessus quand nous avions interrogé les techniciens au départ du championnat. De ce ton inimitable avec lequel il pèse ses mots prononcés dans un excellent français, il disait : « Oui, je crois vraiment que nous le pouvons. Nous pouvons surprendre. » Il n’avait pas osé aller plus loin, en ne plaçant pas ses joueurs dans la case des « deuxièmes promus en Pro D2 » par le truchement des phases finales. Il réfléchissait sur deux ans. Une demi-finale cette année et une accession la saison suivante, ce serait parfait. Il y a quelques mois, il prolongeait cette pensée par la prolongation de cinq années de son contrat, pour mener à bien l’objectif déclaré de son président Jean-Louis Louvel, d’amener le Rouen Normandie en Top 14.
Il est possible de se dire que ces gens trop pressés déraisonnent. Mais les voilà déjà face à Bourgen-Bresse, positionné à vingt pas les mains sur les crosses, avec au milieu cette promotion historique qui, pour la première fois depuis la lointaine disparition du vieux club du Havre de l’élite, remonterait la Normandie dans l’univers de l’excellence, fut-ce en deuxième classe. Cette opportunité a fait pousser comme un haricot magique un intérêt nouveau pour la pratique sur la région. « Avant la demi-finale contre Albi, nous avions appelé tout le monde pour remplir le stade de Diochon, raconte Richard Hill. Depuis le succès de la semaine dernière, tout le monde nous appelle pour venir voir la finale. Quelque chose s’est mis en place autour de notre parcours. »
QUE VALENT LES CINQUANTE POINTS ?
Devant les rivaux de Strasbourg qui ont perdu beaucoup de lest, devant les Savoyards de Chambéry, qu’ils ont remplacés dans le rôle de l’outsider inattendu, devant les Tarbais, qui face à leur montée en puissance, sont comme porteurs du masque du passé, les Rouennais se présentent en finale avec la morgue de ceux à qui tout réussit. On retrouve dans leur trajectoire un peu du « story telling » de Jean-Louis Louvel, ce président qui raconte son histoire de « l’homme parti de rien et parvenu à tout », à chacun des interlocuteurs qui l’interrogent sur son optimisme forcené.
Par la grâce d’une deuxième partie de saison bluffante, cette équipe avait pu monter dans le train des qualifiés pour obtenir sur le pré ce que lui avaient déjà fourni les disqualifications administratives de ses concurrents. Elle peut aussi gagner au Stadium d’Albi et renvoyer les relégués du Pro D2 à leurs chers études. Bourg-en-Bresse est un adversaire très différent. Les joueurs de Yoann Boulanger, depuis la reconstruction opérée à la mi-saison, ont su bâtir patiemment un collectif cohérent. Il est d’ailleurs assez cocasse de constater dans cette division où l’argent commence à faire les rois, que les Bressans ont réussi à faire mieux avec beaucoup moins. Les demi-finalistes malheureux de la saison dernière ont accédé à la finale avec un budget raboté de 700 000 €. « Comme quoi, l’argent ne fait pas tout », s’amusait Yoann Boulanger en début de semaine.
Comme quoi, de l’abnégation à nulle autre pareille des gens de la Bresse à la croissance exponentielle des Normands, tous les chemins peuvent mener à Rome. Il y a deux mois, les Normands infligeaient chez eux une correction de cinquante points à ces mêmes Bressans. Ce résultat préfigurait leur réussite actuelle. Ils gagnaient à Albi trois semaines plus tard. La semaine dernière, ils y gagnaient encore. Répétant les performances, ils se sont forgés une confiance en leur destin. La donne est simple pour les Bressans. Chez eux, à Verchères, où l’on vient depuis longtemps sans qu’il y ait de « coups de fil à passer », ils sont maîtres de leur sujet. Qu’ils ressortent de Diochon sans égratignure et ils apercevront la possibilité de leur retour en Pro D2. Qu’ils y coulent une deuxième fois et la roue tournerait sans doute encore en leur défaveur.