…MOI NON PLUS !
LA RIVALITÉ A TOUJOURS ÉTÉ EXACERBÉE ENTRE VOISINS TOULOUSAINS ET CASTRAIS. ELLE L’EST D’AUTANT PLUS CES DERNIERS MOIS, AVEC LES TROIS SUCCÈS D’AFFILÉE DU CO FACE À SON MEILLEUR ENNEMI. RETOUR SUR UN ANTAGONISME TRUFFÉ D’ANECDOTES SAVOUREUSES.
C’était en novembre dernier. Croisé en marge d’une émission, René Bouscatel -qui avait quitté la présidence toulousaine quatre mois plus tôt après vingtcinq ans de règne- évoquait, en souriant, son amicale rivalité avec son homologue castrais Pierre-Yves Revol. L’occasion d’y mêler le plus beau fait de gloire de sa fin de mandat, la signature d’Antoine Dupont, venu du CO et auteur d’un début de saison stratosphérique : « Antoine est un talent hors normes, je suis heureux de l’avoir piqué à Pierre-Yves. Je tiens enfin ma revanche, que j’attendais depuis vingt ans, depuis qu’il
m’avait chipé Thomas Castaignède (en 1997).»
Sacrée vengeance, quand on connaît le potentiel immense de la nouvelle bombe du rugby français -actuellement blessée à un genou- et quand on sait combien le président du CO s’est acharné à le faire changer d’avis après qu’il a choisi de s’engager en faveur du voisin de Haute-Garonne. L’ironie de l’histoire ? Dupont a emménagé l’été dernier dans son nouvel appartement, lequel donnait sur le jardin de la demeure toulousaine de… Pierre-Yves Revol. Lui qui, il y a quelques années, avait d’ailleurs interdit aux joueurs sous contrat à Castres de vivre dans la ville rose, comme cela était devenu trop fréquent, pour renforcer l’identité locale de son club.
L’autre ironie, c’est que Thomas Castaignède a effectué son retour parmi les instances stadistes, depuis la prise de fonction de Didier Lacroix le 1er juillet 2017, en intégrant le directoire. Assis dans les gradins d’Ernest-Wallon samedi, Dupont et Castaignède, chacun dans leur rôle, seront deux témoins privilégiés d’un énième épisode entre meilleurs ennemis de la région. Même Romain Ntamack, alors du haut de ses dix-huit ans, l’évoquait voilà un peu plus d’un mois : « Les deux villes sont proches. Depuis tout petit, j’ai l’habitude de faire de belles oppositions face à Castres. Il y a une rivalité certaine. » Il a sûrement pu le vérifier dans les catégories jeunes…
YANN DAVID, LA RÉPONSE DE REVOL !
Pour ce barrage, le deuxième de l’histoire entre ces deux équipes après celui de 2010 remporté par Toulouse lors de l’instauration de ce match à élimination directe, les raisons seront ainsi multiples de cultiver l’opposition. La Haute-Garonne contre le Tarn. La grande ville face à la plus petite. Le modèle participatif devant l’hégémonie de Pierre Fabre. Ugo Mola, formé au Stade toulousain dont il est l’entraîneur principal aujourd’hui, a évolué à Castres en tant que joueur de 1997 à 2005, puis coach en 2006 et 2007.
Récemment, il plaisantait de ces joutes : « Il y a eu quelques passerelles et j’ai cru entendre que, selon certains, c’était les riches contre les pauvres mais sachez que j’ai été plus riche en repartant de Castres que de Toulouse (rires). » Ces deux clubs aiment, si ce n’est se détester, du moins entretenir l’antagonisme. Jusque sur le marché des transferts. Ces dernières saisons, si Castres a relancé des joueurs tels que le centre Rémi Lamerat, le pilier Yohann Montes, attiré le deuxième ligne Victor Moreaux ou a chipé le préparateur physique stadiste Grégory Marquet, c’est Toulouse qui est venu froisser les plans adverses. Outre Dupont, Tekori, Fa’asalele ou Gray ont, depuis 2013, effectué le court déplacement pour garnir le vestiaire rouge et noir. Des hommes sur lesquels comptaient les dirigeants du CO. Alors, il se murmure que, agacé par cette nouvelle coutume, Pierre-Yves Revol aurait décidé de frapper fort en invitant son manager Christophe Urios à recruter chez le voisin. Question d’honneur.
Désireux de se renforcer au centre du terrain, il a coché le nom de Yann David. Son président a mis les moyens et l’ancien Berjallien avait signé un contrat de trois ans en vue du prochain exercice… Avant même que l’actuel ne commence. Coup pour coup, dont acte ? Pour cette année, il semble que ce soit le cas. Mais les affai-
res devraient vite reprendre avec 2019 en ligne de mire et Dupont pourrait convaincre son meilleur ami Anthony Jelonch -en fin de contrat dans le Tarn dans un an et dont le profil plairait à Toulouse- de le rejoindre à Ernest-Wallon. Les mois à venir seront donc encore chauds en coulisses. Mais c’est sur le terrain, avant tout, que les débats ont été animés depuis de longs mois. Ainsi, les coéquipiers de Rodrigo Capo Ortega restent sur trois victoires d’affilée face à leurs rivaux. L’an passé, au coeur d’une fin de saison qui ressemblait à un véritable supplice pour les Stadistes, ces derniers s’étaient vus infliger une correction (7-52) à Pierre-Antoine lors de l’avant-dernière journée.
« On est plus proche de la honte qu’autre chose », avait lâché Mola.
LACROIX : « LES PIQUES FONT PARTIE DU JEU »
Portés par le renouvellement de leur effectif, le réajustement de leur staff et un recrutement réussi, les Toulousains vivent une renaissance, s’affirmant l’une des équipes les plus séduisantes du cru 2017-2018. Jusqu’à finir sur la troisième marche de la phase régulière. Mais, sur les neuf mois de compétition, un seul adversaire n’a pas été battu… Castres ! Début décembre, les Tarnais s’étaient imposés à ErnestWallon (41-31) pour la première fois depuis 39 ans.Après le match,Tekori avait clamé dans le vestiaire qu’il était hors de question de perdre une deuxième fois. Il y a six semaines, les Castrais l’ont néanmoins emporté à nouveau (28-23) - Mola avait mis des cadres au repos - après avoir été menés de quinze points à la pause. Urios n’avait pas raté le coche : « Aucune équipe du Castres olympique, à part celle de 2017-2018, n’avait battu Toulouse à l’aller et au retour. Après avoir été des héros à Toulouse, on entre aujourd’hui dans la légende. »
Lundi soir, sur les ondes de France Bleu Toulouse, Didier Lacroix, acceptant la notion de « derby », a admis que « les petites piques font partie du jeu. » Ajoutant : « Castres est une équipe qui arrive clairement à nous faire déjouer. Elle nous a battus deux fois, donc on pourrait prendre en compte que Castres est favori… » Le traditionnel bal des échanges verbaux dans un contexte tellement particulier. Même si Urios et Mola, dont les relations glaciales sont de notoriété publique depuis que le premier a entraîné le second entre 2002 et 2005, ont refusé de tomber dans le piège des attaques. Interrogé sur son homologue, Mola avait évacué il y a peu : « Nous accordons beaucoup d’importance aux entraîneurs mais, en fonction de la composition et des forces que nous avons, nous ne sommes pas les mêmes. »
La dernière passe d’armes ? Elle a en fait eu lieu sur Twitter, à travers les comptes officiels des deux clubs. Le 7 mai, jour de la mise en vente des places, le CO se plaignait : « En raison du faible quota de places alloué par le Stade toulousain, il n’y a plus de billet en vente au stade. »
Réponse cinglante : « Le Stade toulousain souligne qu’il a scrupuleusement respecté le règlement de la LNR et envoyé 2 400 places au CO, soit 15 % du nombre total de places commercialisables prévu au cahier des charges. » Le match -une affiche qui, à vrai dire et pour des raisons diverses, satisfait les deux camps- était lancé.