Midi Olympique

MIEUX VAUT TARN...

- Par Jérémy FADAT jeremy.fadat@midi-olympique.fr

THOMAS RAMOS - ARRIÈRE DE TOULOUSE ATTACHÉ À SES RACINES TARNAISES, LE NATIF DE MAZAMET EST UN AMOUREUX DU STADE TOULOUSAIN DEPUIS TOUJOURS. UN CLUB QU’IL A REJOINT À 15 ANS MAIS OÙ SON ÉCLOSION A PRIS DE TEMPS QUE PRÉVU. APRÈS UN PASSAGE DÉCISIF EN PRO D2, IL VA AUJOURD’HUI AFFRONTER LE MEILLEUR ENNEMI DE SON ENFANCE AU BOUT D’UNE SAISON QUI L’A PROPULSÉ VALEUR SÛRE DU HAUT NIVEAU.

Il y a un honneur familial à défendre. La galaxie des Ramos trouve ses origines à Mazamet, gros village tarnais de 10 000 habitants, distant de seulement vingt kilomètres de Castres et ses 41 000 pensionnai­res. Imaginez que pour Thomas, qui a porté le maillot de sa bourgade natale jusqu’à 15 ans, le duel contre le CO

fut longtemps le match de l’année. « C’était particulie­r car nous étions le petit club face à la grande ville, se souvient-il. Il y avait de la rivalité entre Castrais et Mazamétain­s. On essayait d’avoir plus de joueurs qu’eux en sélection du Tarn. » Son père Robert, qui fut son éducateur et entraîneur durant toute l’école de rugby, en sourit : « Je me rappelle que l’année où les Mazamétain­s avaient été plus nombreux, il y a même eu un article là-dessus dans la presse locale. » L’arrière croise toujours le chemin des Castrais mais sous la tunique du Stade toulousain désormais. Rendez-vous

encore singulier ? « Surtout quand on va là-bas car j’ai ma famille et mes copains dans les parages. Après, je n’ai jamais joué à Castres, donc je ne peux pas dire que j’ai plus envie de gagner contre cette équipe que contre une autre. » Même s’il finit par avouer : « Bon, en tant que mazamétain, je préfère l’emporter plutôt que perdre comme ce fut le cas déjà deux fois cette saison… »

Voilà qui n’étonne absolument pas l’ancien ailier Michel Marfaing, responsabl­e du centre de formation toulousain qui a vu éclore le talent de Ramos : « Thomas est très attaché à ses racines. Même quand il avait signé chez nous, il revenait régulièrem­ent à Mazamet, allait voir les matchs de son ancien club. Comme je suis de Pamiers, on se branchait pas mal là-dessus ! Avec les Castrais, cela n’a jamais été le grand amour, je sentais bien qu’il ne fallait pas s’incliner quand on les affrontait. » Et cette année, les proches se sont fait gentiment chambrer après les deux revers. À commencer par le grand-père sur le marché et lors des repas entre amis. « Il a pris quelques réflexions, rigole le petit-fils. Maman aussi, au

boulot. » Et le paternel d’expliquer : « Nous sommes entourés de supporters du CO. »

RAMOS : « LE CO M’AVAIT CONTACTÉ »

En réalité, Thomas Ramos aurait pu enfiler le maillot de Castres à l’adolescenc­e. Il raconte : « J’étais parti au pole espoirs de Jolimont, à Toulouse et j’avais la possibilit­é de rester dans mon club, à Mazamet. À cette époque, le CO m’avait contacté mais je préférais effectuer une dernière saison avec mes potes… » Cette même année, il est repéré par le Stade toulousain.

« Au départ, y signer n’était pas du tout une évidence. Mais des responsabl­es stadistes sont venus voir mes parents sur un match de la sélection Midi-Pyrénées. Dès qu’ils m’ont proposé de venir, c’est devenu une évidence. » Car, à l’instar d’Antoine Dupont, l’intéressé était un

fan des Rouge et Noir. « Je regardais les matchs à la télé, c’était un rêve d’y jouer. » Ce que confirme le papa : « Tous les ans, je l’emmenais voir jouer le Stade toulousain à Castres. Thomas attendait les joueurs à la sortie des vestiaires pour avoir un autographe de Michalak et de toute cette génération. Cela nous fait bizarre de voir qu’il est au- jourd’hui entraîné par Clément Poitrenaud qu’il adorait quand il était jeune. » C’est donc en cadets qu’il rejoint Ernest-Wallon. « Honnêtemen­t, on ne s’attendait pas du tout à ça, reprend Robert Ramos. Il avait des qualités, comme d’autres jeunes, mais de là à dire qu’il ferait un tel parcours… » Et Marfaing de lister les raisons qui l’ont poussé à miser sur

lui : « J’ai découvert un garçon timide et réservé mais qui avait d’énormes points forts sur le terrain. C’est le genre de joueur dont je dis qu’il pue le rugby, dans le style d’un Michalak, par exemple. Il avait la vitesse, l’opportunis­me près des lignes et cette faculté à gagner systématiq­uement ses duels. Dès ses premières années au club, on a perçu un très gros potentiel offensif. »

Le « père éducateur » sur la même longueur d’ondes : « Il s’est vite positionné en 10 avant de passer en 15 à Jolimont. Il visait les intervalle­s et avait déjà une belle vision du jeu pour son âge. » L’appel du large et

le goût pour l’attaque. « Dans les catégories jeunes, il y a plus d’espaces, donc j’aimais prendre les trous, note le fiston. Mais au bout de deux entraîneme­nts avec les pros, on se rend vite compte qu’ils ne sont pas les mêmes. Quand on en voit un et qu’on ramasse le bras d’un Tekori ou d’un Johnston, ça fait un peu plus mal (rires). » Pour autant, lui reste clairement porté par l’envie de déplacer le ballon et de s’infiltrer dans les défenses adverses. Il est même le deuxième meilleur franchisse­ur toulousain derrière Cheslin Kolbe et a déjà inscrit 6 essais cette saison. « Je ne possède pas un gabarit qui permet de péter dans

les gros, ironise-t-il. Moins je me fais toucher, mieux je me porte, c’est ma philosophi­e. Puis, derrière, on a un jeu qui offre cette possibilit­é. »

MARFAING : « CE N’EST PAS QU’UN BUTEUR ! » L’EXIL SALVATEUR À COLOMIERS

Voilà qui tient pourtant du paradoxe. Actuel deuxième meilleur réalisateu­r du championna­t (après avoir remporté ce classement en Pro D2 l’an passé), Thomas Ramos -qui tourne à près de 85 % de réussite face aux poteaux- est souvent réduit à sa faculté à enchaîner pénalités et transforma­tions. Ce qui fait pousser un coup de gueule à Marfaing : « J’en ai marre d’entendre ça. Ce n’est pas qu’un buteur ! C’est une grande qualité chez lui mais on ne l’a pas repéré grâce à son jeu au pied. Je le répète mais sa qualité première est sa capacité à remporter les duels n’importe où sur le pré. » S’il prend davantage de recul sur la question, l’homme de 22 ans refuse cette étiquette de machine à taper : « J’espère que je ne joue pas que pour ça. On peut dire que je suis un buteur, ça ne me dérange pas car, évidemment, ça fait partie de mes caractéris­tiques et c’est peut-être ce qui me permet d’avoir davantage de temps de jeu que d’autres. Mais je crois aussi que j’arrive à faire quelques différence­s dans le jeu. » Donc, à atteindre le niveau auquel il était attendu depuis plusieurs années. « Au Stade toulousain, il a gravi les échelons, indique Marfaing.

Dans toutes ces catégories, il était clairement au-dessus sur l’aspect offensif mais on a davantage insisté sur celui défensif afin qu’il franchisse un cap. » Pourtant, malgré des aptitudes évidentes pour évoluer un jour au plus haut niveau, la progressio­n de Ramos se voit lourdement freinée sur la dernière marche. En trois saisons, entre 2013 et 2016, il n’aligne que six apparition­s en Top 14, pour une seule titularisa­tion… « Si je suis venu au Stade toulousain, c’est pour essayer d’y évoluer en tant que joueur profession­nel, révèle-t-il. Quand on est jeune et qu’on intègre un effectif profession­nel assez tôt, on s’attend à percer tout de suite. » Ce n’est pas le cas pour lui, obligé de migrer vers Colomiers la saison dernière, en Pro D2, pour (re) lancer sa carrière naissante. Un prêt qui va s’avérer déterminan­t.

Indiscutab­le au sein de l’équipe à la Colombe, il s’impose comme un leader de jeu, au point d’être élu meilleur joueur du championna­t et de taper dans l’oeil de Fabien

Galthié qui voulait l’attirer à Toulon. Une hypothèse à laquelle s’est catégoriqu­ement opposé le président toulousain Didier Lacroix. Ramos choisit finalement de revenir dans son club formateur, Ugo Mola

en fait un de ses hommes de base et son artilleur privilégié. « Finalement, la meilleure chose qui me soit arrivée est justement de ne pas avoir percé immédiatem­ent et de rencontrer des difficulté­s, avec une forte concurrenc­e, confesse-t-il. Je n’avais pas encore le niveau. Je suis encore plus fier aujourd’hui de pouvoir être titulaire à l’arrière dans une équipe comme le Stade, plutôt qu’avoir tout eu sur un plateau. Je suis parti en Pro D2 pour m’aguerrir et cela m’a fait évoluer, m’a permis de revenir avec davantage de confiance en moi. »

Michel Marfaing a pu le constater : « Le passage à Colomiers lui a fait le plus grand bien. Chez les espoirs ici, il était au-dessus du lot mais n’était pas encore prêt pour le Top 14. » Et son papa de reprendre : « Il a pu s’épanouir, a gagné en maturité et en assurance. » En clair, c’est durant cette saison d’exil que Ramos s’est affirmé, jusqu’à déplacer Maxime Médard sur l’aile à son retour. « Quand on est là tous les jours, qu’on s’entraîne puis qu’on redescend en espoirs le weekend, on a beau réaliser de bons matchs, les mecs en font aussi en équipe première, raconte-t-il. Pour en sortir un et le remplacer par un jeune, c’est dur. Quand je suis revenu, mon image avait un peu changé, on me voyait moins comme un jeune. » Au point même d’avoir été utilisé à deux reprises en position d’ouvreur, contre Brive et Montpellie­r. « Il a un super timing, a besoin de place devant lui, donc c’est à l’arrière qu’il s’exprime le mieux pour l’instant, analyse Marfaing. Il a basculé un peu en 10 où il a fait mieux que dépanner mais ce serait dommage de le verrouille­r à ce poste pour l’instant. Il peut devenir un grand ouvreur mais a besoin de temps et d’expérience pour cela. » Lui, à la veille de disputer son premier match de phase finale dans l’élite, est conscient du chemin parcouru. « J’ai fait une saison pleine pour ma première année complète en Top 14. Depuis le début, l’objectif était de connaître ce genre de rendez-vous à fort enjeu mais je ne me mets pas plus de pression sur les épaules par rapport à une rencontre de phase régulière. » Même si la suprématie du Tarn est en jeu…

« L’année où les Mazamétain­s avaient été plus nombreux que les Castrais en sélection du Tarn, il y avait eu un article dans la presse locale. » Robert RAMOS, son père « La meilleure chose qui me soit arrivée est de ne pas avoir percé de suite et d’avoir rencontré des difficulté­s » Thomas RAMOS

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M. O. - D. P. Auteur de 6 essais avec Toulouse dont il est devenu un homme fort (photo du haut), Thomas Ramos est passé par toutes les sélections de jeunes (avec les moins de 20 ans, en bas à droite) avant d’être élu meilleur joueur de Pro D2 avec Colomiers l’an...
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