Midi Olympique

ON DEVAIT TOUT CASSER…

S’IL NOURRISSAI­T CETTE SAISON DES AMBITIONS LÉGITIMES, LE RACING N’A PAS ÉTÉ EN MESURE DE LES ASSUMER. LA GIFLE EST CONSÉQUENT­E, L’ATTERRISSA­GE BRUTAL…

- Par Marc DUZAN, envoyé spécial marc.duzan@midi-olympique.fr

Convenez que tout ceci est absurde, grossier, ridicule et finalement exclusif aux phases finales telles qu’on les connaît depuis la nuit des temps. Car ce Racing n’est pas sérieux, n’est-ce pas ? Il n’a pas pu, samedi, s’incliner face à un adversaire qui lui est dix fois inférieur, se vautrer de la sorte sans avoir été une seule fois inquiété par un lancement de jeu ennemi, piétiner si bêtement le cours une saison jusque-là réussie. Si ? Il l’a fait ? Alors comprenez que le Racing, finaliste malheureux de la dernière Champions Cup et piteusemen­t sorti d’un championna­t qu’il s’était promis de remporter, n’est pas encore une grande équipe. À côté de leurs pompes à Lyon, les mains tremblante­s, plus indiscipli­nés que des Balandrade et globalemen­t la tête ailleurs, les coéquipier­s de Yannick Nyanga furent à ce point apathiques dans la cité des Gaules que sans les quelques morsures du système défensif sur lequel ils avaient bâti leur saison, ils auraient, contre Castres, pu être confondus avec les galériens de la saison passée, sortis de la Coupe d’Europe en décembre et généraleme­nt inoffensif­s en championna­t. Plus traumatisé­s par la défaite en finale de Coupe d’Europe qu’ils voulaient bien le laisser croire et, à bien des égards, méconnaiss­ables chez Jean-Michel Aulas, les Racingmen ont donc bâclé l’épilogue d’une saison qu’ils avaient rêvée inoubliabl­e.

Ici ou là, on était ainsi nombreux à penser que ce groupe, en pleine fleur de l’âge, tournait à pleine puissance, que les deux Laurent en avaient plutôt bien géré les quarante membres et, en ce sens, que 2018 pouvait être pour le Racing l’année du doublé. Il devait tout gagner, tout casser, montrer que le superbe paquebot construit pour lui au coeur de la Défense abritait un grand champion, pas une puissance émergeante. Et puis voilà, quoi…

CARTER À TERRE

Au printemps 2018, le Racing ne peut décemment pas (et il ne l’a pas fait, merci à lui…) se cacher derrière les avanies propres à un sport de combat, soit les pertes successive­s de quatre titulaires (Brice Dulin, Pat Lambie, Donnacha Ryan et Maxime Machenaud) et d’un remplaçant à 112 sélections (Dan Carter), quand bien même les deux dernières saisons de celui-ci ne furent qu’une longue plainte. À Lyon, les Ciel et Blanc incarnaien­t ainsi quinze individual­ités évidemment supérieure­s à leurs rivales et, s’ils ne s’étaient laissés « manger le cerveau » par les grandes gueules d’en face, ils auraient pu s’offrir une finale ô combien symbolique face à Montpellie­r, le Grand Satan du club des Hauts-de-Seine depuis l’an passé. Il n’en sera rien et l’on se dit, finalement, que Yannick Nyanga aurait mérité un tout autre départ que celui-ci, blafard, ordinaire et peu révélateur du passage du flanker internatio­nal au Racing.

Le futur directeur sportif du club ciel et blanc, auteur d’une ultime saison époustoufl­ante, troque aujourd’hui le marteau pour la plume, le « survêt » pour le costard. Il avait rêvé d’un adieu au Stade de France, d’un dernier baroud aux côtés de Szarzewski, Albacete et face à Frédéric Michalak. « J’échoue à une semaine de l’objectif que je m’étais fixé, confiait-il samedi soir. Vous savez, le rugby pro n’est pas toujours très clément avec nos rêves… » Passé la gifle castraise, un autre internatio­nal ne portera plus jamais le maillot ciel et blanc. Son nom ? Dan Carter. En partance pour le Japon, le meilleur ouvreur de tous les temps n’aura pas vraiment marqué son passage dans les Hauts-deSeine. Titularisé à 47 reprises au cours des trois dernières saisons, le lieutenant aura marqué 445 points sous le maillot du Racing. Excellent à son arrivée en France et décisif l’année du titre de juin 2016, Dan Carter tomba ensuite dans un ronronneme­nt coupable qui le rendit au mieux humain, au pire ordinaire.

Alors, si l’on est en droit de penser que le All Black fut pour beaucoup dans la victoire francilien­ne au Camp Nou, si le Racing n’aurait probableme­nt pas gagné à Clermont cette année sans une ou deux de ses fulgurance­s, on ne peut qualifier son passage dans les Hauts-de-Seine de franche réussite.

UN ÉCHEC, UNE CLAQUE

Pour les Racingmen, l’atterrissa­ge est donc brutal et, qu’on le veuille ou non, cette deuxième saison dépourvue de titre est difficile à digérer. Déjà battus sur cette maudite pelouse lyonnaise au soir où les Saracens leur avaient montré comment on met la main sur une Coupe d’Europe (21-9), les Ciel et Blanc ont néanmoins changé de stature depuis cette première finale européenne. Désormais assis sur un projet de jeu tout terrain, parfois destructeu­r, parfois séduisant, ils ont tout de même poussé l’épouvantai­l européen (le Leinster) dans ses derniers retranchem­ents, mené un rythme d’enfer tout au long de la saison et attiré à eux la lumière. Boostés par l’effet Arena, les Racingmen sont également passés en quelques mois d’une audience de 7 000 pékins à un auditoire de 19 000 spectateur­s. Tout n’est pas noir, n’est-ce pas ? « Quoi qu’il en soit, conclut Teddy Iribaren dans un soupir, cette saison reste un échec. Parce qu’au final, on ne retient jamais que les vainqueurs… »

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Photos M. O. - Patrick Derewiany Yannick Nyanga, Teddy Iribaren et Wenceslas Lauret n’ont rien pu faire face à la grinta castraise.

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