Midi Olympique

LE DESTIN DU RACING

- Par Olivier MARGOT

Samedi, après la demi-finale du Top 14 Racing 92 - Castres, nous avons été nombreux à passer la soirée devant Real Madrid - Liverpool, finale de la Ligue des Champions. Tout nous y incitait : la promesse d’un grand match de football ; la présence magnétique de Zinedine Zidane ; la présentati­on le dimanche précédent de Thomas Tuchel, nouvel entraîneur d’un PSG plus que jamais lancé dans sa quête vertigineu­se de la « grande » Coupe d’Europe.

Irrésistib­lement, j’ai repensé à la défaite du Racing face au Leinster (12-15) en finale de la Coupe d’Europe de rugby. Et surtout à cette 78e minute fatale, quand Leone Nakarawa vola la balle de match sur une touche irlandaise, que Teddy Thomas, dans une course incompréhe­nsible, vint rendre dans la foulée à l’adversaire. Quelques ballons auraient pu être relancés auparavant, mais certaineme­nt pas celui-là, et surtout pas à ce moment et à cet endroit.

Il y a deux ans, à Lyon, le Racing n’avait pas existé face aux Saracens (9-21). À Bilbao, malgré la perte considérab­le dans la conduite du jeu de Machenaud, Carter et Lambie, les progrès de Laurent Labit, de Laurent Travers et de leur effectif de All Stars étaient une évidence. L’échec n’en fut que plus cruel. Et si le monde du football avait raison quand il martèle que, pour atteindre le toit de l’Europe, il faut longtemps, voire très longtemps ?

À juste titre, on a loué la qualité de la défense du Racing 92, à la fois lucide et héroïque. Mais croit-on sérieuseme­nt que le Racing précédent, celui de Berbizier, n’en avait pas fait une priorité ? Mieux : et si cette rage défensive, ces plaquages élevés au rang des Beaux-Arts, étaient, à travers le temps, l’ADN même de ce club, complétés évidemment par quelques contre-attaques définitive­s ? Cette simple interrogat­ion nous renvoie à la révolution culturelle qui s’empara du Racing Club de France dans la seconde moitié des années 50, sous l’impulsion d’un homme presque oublié, Albert Demaison. Il eut l’idée forte d’une doctrine commune pour toutes les équipes du RCF. Pour réussir, il s’appuya sur Robert Poulain, moniteur national du rugby. Et le Racing virevoltan­t devint un autre, épousant pleinement son siècle dans le sillage de Crauste, Moncla, Marquesuza­a, avec un ailier nommé Pierre Conquet, celui qui écrirait avec Jean Dévaluez « Les Fondamenta­ux du Rugby », prônant ce principe fondamenta­l : avancer = attaquer. C’est ainsi que ce Racing-là, théorisant les techniques du « contre », s’empara de ce qu’on n’appelait pas encore le « milieu de terrain » et attira de jeunes entraîneur­s passionnés, dont le plus brillant et le plus estimé s’est appelé Jean Gajan. Pierre Berbizier, qui l’eût comme entraîneur en équipe de France des juniors en 1976, se souvient de lui avec émotion : « C’était le tribun, qui transmetta­it la passion, imposait sa présence physique et les notions de respect, de partage, d’engagement total. Bien que déjà malade, il nous a donné tout ce qu’il avait. Avec Jean Gajan, on ne trichait pas. »

Voilà pourquoi le Racing est prêt depuis soixante ans à devenir champion d’Europe, un titre qui ne lui échappera pas, car le temps aussi peut être une brève histoire.

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