Midi Olympique

L’ATTAQUE DES CLONES

L’ARMADA DE VERN COTTER A MARCHÉ SUR LYON, VENDREDI SOIR. DÉGAGEANT UNE IMPRESSION DE PUISSANCE ET DE FROIDEUR EFFRAYANTE DANS LE SILLAGE DE SES ARMES DE DESTRUCTIO­N MASSIVE, À LA FORCE DE FRAPPE DÉCUPLÉE PAR UNE CHARNIÈRE PIENAAR-CRUDEN PROCHE DE L’INTEL

- Par Nicolas ZANARDI, envoyé spécial nicolas.zanardi@midi-olympique.fr

Si vous voyez le sport comme un vecteur d’émotions, alors, vous repasserez. Car cette équipe de Montpellie­r est aujourd’hui bien loin d’incarner le cercle des poètes disparus, monstrueus­e dans toutes ses lignes, à la force de frappe démesurée quel que soit le registre. Un genre de blockbuste­r au scénario sans faiblesse ni surprise, de la veine des nouveaux Star Wars… Tout-puissants, ces mecs ? C’est bien l’idée, oui, qui va du secteur des rucks et des mauls où les Héraultais n’ont pas d’équivalent en France dans le sillage des frères Du Plessis ou de Paul Willemse, à celui du jeu au pied où les Mogg, Pienaar ou Steyn peuvent traverser le terrain à n’importe quel moment (l’image de Steyn attaquant son échauffeme­nt par des tentatives de but à 60 mètres des poteaux ayant marqué tous ceux qui y ont assisté), sans parler des porteurs de balle colossaux que demeurent Picamoles, Nadolo et compagnie… Monocorde, vous dites ? Assurément. Mais infiniment respectabl­e aussi, de par la précision d’un système de jeu maîtrisé à la perfection, qui a le bon goût de s’appuyer sur ses points forts. Lesquels sont légion, et surtout portés par une charnière hors pair, entre un Aaron Cruden parfait pour accélérer le jeu et apporter une étincelle offensive lorsque le jeu le réclame, et surtout un Ruan Pienaar au sommet de son art en termes de gestion stratégiqu­e et tactique. « Ruan, il faut juste s’asseoir, le regarder et prendre du plaisir, admirait Fulgence

Ouedraogo. C’est tout… C’est un grand joueur. » « Il est partout, serein, techniquem­ent irréprocha­ble, prolongeai­t son partenaire de la troisième ligne Kelian Galletier. C’est une des clés de notre système. » « C’est toujours gratifiant que d’évoluer auprès de joueurs comme ça, avançait de son côté l’ailier Benjamin Fall. Ce sont des exemples, de par leur éthique de travail, leur envie de gagner des titres qu’ils propagent à tout le monde. Ces mecs-là, ils attirent les titres parce que ce sont des compétiteu­rs, des conquérant­s. Et quand on est avec eux, on a envie d’être comme eux. » SEPT ANS PLUS TARD

Une contagion qui se traduit jusque dans le moindre des comporteme­nts. Au vrai, ce qui nous a marqués vendredi soir, c’est moins la démonstrat­ion de force des Héraultais que leur total contrôle à la fin de la partie, sans la moindre once d’euphorie malgré l’ampleur du score. Comme si les sourires ne pouvaient être de mise qu’une fois le boulot achevé, qui consiste à offrir au MHR le premier bouclier de son histoire. « On ne va pas s’emballer, ce n’est qu’une étape,

calmait le capitaine Louis Picamoles. Je suis heureux d’accéder à cette finale, parce que cela fait longtemps que je n’étais pas retourné au Stade de France pour tenter de décrocher un Bouclier. Ce sera avec Montpellie­r, le club où j’ai connu le rugby, où j’ai grandi. Forcément il y a énormément de fierté et d’émotion. Mais la satisfacti­on sera entière s’il y a quelque chose au bout, d’autant que j’étais dans le camp d’en face la seule fois où le MHR était parvenu à ce stade de la compétitio­n. » C’était il y a sept ans, presque jour pour

jour. « À l’époque, je n’avais pas pu me rendre au stade parce que j’étais à la Coupe du monde des

moins de vingt ans, se souvient l’enfant du club

Kélian Galletier. Mes amis vivaient par contre l’épopée depuis les tribunes, et me racontaien­t tout ce qui se passait. C’était un moment incroyable, mais la douleur de la défaite avait été dure à encaisser. On est bien conscient de l’importance de ce match, et de ce qui nous reste à faire pour éviter une énorme déception. » Un souvenir évidemment encore vivace pour Fulgence Ouedraogo,

qui était alors le capitaine des Cistes. « Échouer en finale, aussi près du but, c’était rageant. Il faut donc qu’on le garde en tête pour mieux nous préparer. Désormais on s’est dit qu’il était primordial de ne pas avoir de regret. On ne veut pas passer à côté. On ne veut pas avoir fait une belle saison, une belle demi-finale, pour finalement passer à côté de notre finale. On veut être à la hauteur. Pour ça, il faudra garder la tête froide, évacuer cette victoire et bien préparer l’événement. » COTTER ET LE PARI DU NON-COACHING

Un job qui sera celui de Vern Cotter, qui disputera samedi sa cinquième finale et a souhaité ne rien laisser au hasard, en prenant même le risque de laisser ses cadres le plus longtemps possible sur le terrain, à commencer par sa charnière. « Comme ils n’avaient pas joué depuis trois semaines, et j’ai pensé qu’ils avaient besoin de travailler dans la difficulté, expliquait

le sorcier de Te Puke. Il est probable que samedi, au Stade de France, nous aurons besoin d’eux pendant 80 minutes, et il était important pour eux de jouer un match entier afin de retrouver le rythme, et éviter quelques crampes, comme il a pu y en avoir ce soir. » « Malgré tout, il valait mieux avoir trois semaines de repos que batailler trois semaines de suite, souriait Galletier. Je

n’étais pas inquiet au sujet d’un éventuel manque de rythme, car notre staff était assez expériment­é pour bien nous préparer. On est arrivé avec une fraîcheur que les Lyonnais n’avaient pas forcément. » Risque définitive­ment payant, donc, puisque c’est avec l’intégralit­é de leur effectif que les Cistes s’avanceront au Stade de France. Le renfort au centre de Jan Serfontein, de retour de suspension, achevant de conférer à la créature de Vern Cotter des airs d’invulnérab­ilité, et faire définitive­ment passer les voyants au vert… « Ce genre de choses, on ne peut jamais les savoir à l’avance, douchait Ouedraogo.

C’est la définition même du sport. On ne peut pas dire « on a tel joueur, tel joueur, tel joueur,

donc on va gagner ». Mais c’est aussi pour ça qu’on aime le sport. Rien n’est établi à l’avance et il y a toujours cette part d’incertitud­e qui fait que sur un exploit, une erreur ou un non-match, on ne peut pas savoir quel sera le résultat. Ce qui est certain c’est qu’on veut aller plus loin, pour continuer à vivre de grandes émotions avec cette équipe. » « Les joueurs ont confiance en leur rugby, en leurs leaders, prolongeai­t Cotter.

Il y a une âme dans ce groupe, une envie de réaliser quelque chose de grand ensemble. » Une âme ? On en viendrait presque à en douter devant la froide perfection de l’ensemble, qui donne davantage des airs d’une armée cyborgs ou de clones concoctée pour marcher sur le Top 14. Reste que son éternelle indiscipli­ne, ainsi que quelques (légers) courants d’air défensifs dans la zone d’Aaron Cruden sont venus nuancer l’impression d’une cuirasse inviolable. Qu’il faudra toutefois se montrer sacrément fort pour définitive­ment prendre à défaut du côté de Saint-Denis… ■

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