JUSTE JUSTE UNE ILLUSION
APRÈS UN PREMIER ACTE FLATTEUR, L’ÉQUIPE DE FRANCE A LOGIQUEMENT SOMBRÉ DANS LA NUIT D’AUCKLAND. LES FUSÉES NÉO-ZÉLANDAISES ONT TORPILLÉ LES CERTITUDES FRANÇAISES DANS LE SECTEUR DÉFENSIF POUR SIGNER UNE VICTOIRE SANS APPEL (52-11).
Cette équipe rêvait d’un cinquième succès en NouvelleZélande dans l’histoire du XV de France. Elle est repartie de l’Eden Park avec la quatrième défaite la plus lourde face aux All Blacks. Et sans la faillite des frères Barrett dans l’exercice du tir au but, ces Bleus auraient certainement permis à quelques cabossés de 2015 de se sentir un peu plus légers, en explosant leur triste plafond des 62 points encaissés. Cruelle désillusion ou triste réalité. Surtout une illusion, à l’image du score à la pause (11-8 en faveur des Bleus), offrant une perception différente de la réalité du terrain qui laissait déjà entrevoir que la bonne volonté tricolore ne survivrait pas au réveil des Néo-Zélandais alors au petit trot, la faute à d’inhabituelles imprécisions certes compréhensibles, puisqu’ils disputaient le premier match de leur saison internationale.
Sans un sauvetage de Teddy Thomas, une interception salvatrice de Geoffrey Doumayrou, un retour dans les chevilles de Morgan Parra, ou encore sans les ralentis de l’arbitrage vidéo, tout suspense aurait déjà été enterré à la pause. La conquête tricolore battait aussi, déjà, de l’aile dans les airs. Les Bleus s’évertuaient alors à bien défendre, à reconstituer inlassablement cette belle ligne que l’on pensait solide depuis le Tournoi des 6 Nations. Mais les All Blacks ne sont ni Valladolid, ni Gijon. Encore moins le PSG qui claque des genoux, dès l’arrivée des phases finales. Ce qui valait pendant le Tournoi, face aux vieilles nations européennes, ne tient plus de l’autre côté de la planète. Inverser la pression n’était alors qu’un espoir vain pour les hommes de Jacques Brunel. « Nous avons perdu 56 % du temps la ligne d’avantage, soufflait le sélectionneur. C’est beaucoup, c’est même énorme. On a trop subi et à chaque fois, ils ont joué dans l’avancée. » Brunel était le premier à reconnaître que ce premier acte porteur d’espoirs, au regard du tableau d’affichage, cachait une tout autre réalité : « Est-ce que nous étions en surrégime ? Non, puisqu’il n’y avait pas de rythme ! Je n’ai pas le temps de jeu en tête, mais c’est famélique ! C’était haché, sans rythme. Même nous, par rapport à ce que nous avions envisagé, nous n’avons presque rien fait en première période. Nous avons contré, récupéré des ballons. Mais sinon, un seul lancement prévu a été joué. » Un ballon lancé en fond de touche sur lequel s’est jeté Rémy Grosso avec sa rage caractéristique, tout proche de forcer le verrou Black pour la deuxième fois de la soirée. Quoi de plus ? Un coup de pied rocambolesque mais chanceux de Camille Chat, un exploit individuel de Teddy Thomas anéanti par une mauvaise transmission pour faire rebondir le jeu et un Mathieu Bastareaud capable de tenir debout, ce qui était finalement prévisible, sans pour autant gagner du terrain. Ce qui était tout aussi prévisible.
ET POURTANT ILS Y ONT CRU
Rien d’exaltant mais pas de quoi rougir par rapport aux All Blacks. Abreuvés de ballon, ils se contentaient d’un mouvement splendide du trio Barrett et de quelques pétards mouillés. Pas assez pour galvaniser un Eden Park bien sage, trop habitué à des feux d’artifice. Le détonateur ? Les Français pourront se réfugier derrière ce carton jaune sévère à l’encontre de Paul Gabrillagues, coupable d’un plaquage haut. Un risque évident quand on passe finalement tant de temps à défendre. Ils pourront bien penser que la clémence de l’arbitre, sur une action qui envoyait Rémy Grosso à l’hôpital, avait fini de briser leurs espoirs. Ils avouaient pourtant y avoir cru, dans l’intimité du vestiaire à la pause. On pourra surtout se souvenir de cette incapacité à sortir proprement de leur camp, avec des coups de pied de cadets. De cet alignement définitivement déboussolé et de ces montées défensives de moins en moins agressives, offrant des espaces aux fusées néo-zélandaises. L’issue a vite semblé inéluctable, quand on sait que les All Blacks ont inscrit en moyenne trentecinq points la saison dernière.
Penser que la défense française pouvait museler un tel potentiel offensif pendant quatre-vingts minutes n’était qu’une illusion. Il fallait pouvoir proposer autre chose. Mais cette équipe, largement remaniée, n’a pas encore d’autre arme que sa défense. Quand celleci vole en éclats, tout s’écroule tel un château de cartes. L’équilibre était trop fragile, bien trop précaire. Verdict sans appel : sept essais encaissés en vingt-sept minutes.
La fin de match virait à l’humiliation. Même les policés supporters néo-zélandais se marraient franchement lors du ralenti de Laumape satellisant Maxime Médard dans la nuit d’Auckland. Chaque offensive se transformait en occasion d’essai. Même Beauden Barrett se prenait d’empathie pour cette équipe de France en morceaux, attendant patiemment le gong final avant de transformer le huitième essai néo-zélandais. Il évitait ainsi un dernier renvoi, une dernière séquence forcément défensive à des Bleus devenus de simples pantins, englués dans cette spectaculaire marée noire.
Pourtant, la presse néo-zélandaise n’était pas vraiment convaincue par la prestation de ses protégés. Les supporters non plus. C’est bien le plus inquiétant pour les Français. Les All Blacks n’ont eu à accélérer qu’une demi-heure pour infliger une rouste monumentale. Rien de bien réjouissant avant les deux prochains tests à Wellington et Dunedin. La chance du XV de France ? Certainement le début de la Coupe du monde de football en Russie, pour que la France détourne les yeux de Nouvelle-Zélande où la suite ne s’annonce pas très belle à voir. Une fois l’illusion passée, le chantier entrepris en urgence par Jacques Brunel en janvier dernier en est toujours au stade des fondations, loin d’être aussi solides qu’espérées.