PRÉMICES D’UNE MUTATION
TOUTE LA SEMAINE, LE STAFF DES ALL BLACKS AVAIT ANNONCÉ DES MODIFICATIONS DE LEURS OPTIONS DE JEU. ON EN A VU LES PREMIÈRES BRIBES.
Pendant la semaine, Steve Hansen, évidemment, n’avait pas dévoilé grand-chose. Seulement l’intention de son encadrement et son groupe de modifier leur rugby dans quelques grandes lignes, d’autres plus fines. Pourquoi ? Pour proposer une meilleure adaptation offensive aux systèmes de défense actuels, pensés sur une montée rapide pour mettre la ligne d’attaque sous pression. « Toutes les équipes du monde insistent aujourd’hui sur la vitesse de leur ligne défensive. Du nord au sud, c’est la même chose » avait lâché le sélectionneur des Blacks deux jours avant le match. C’est avec cette défense en pression, pilotée par un Jonathan Davies exceptionnelle de maîtrise, que les Lions britanniques avaient contrarié les Blacks sur leurs terres l’an dernier. Cette tournée, conclue sur une égalité, fut aussi le point de départ de la réflexion d’Hansen. Dont les premiers effets visibles étaient annoncés pour samedi.
JEUX AU PIED RASANT
Qu’en avons-nous vu ? Une utilisation accrue du jeu au pied, déjà. Pas du pied d’occupation classique ou défensif, pour sortir de son camp. Même pas vraiment de « box kick » à la Saracens, ces jeux au pied hauts, le long des lignes de touche pour mettre le réceptionneur en difficulté et, à moyen terme, profiter des ballons de récupération pour punir l’adversaire en trois passes. Samedi, ce sont de véritables jeux au pied offensifs qu’ont multiplié les Blacks. Rasants, dans le dos des ailiers, dont la fratrie Barrett a usé et abusé. Avec un objectif double : à court terme, obliger les ailiers adverses à se retourner et opérer, ensuite, dos au sens du jeu, sous la pression étouffante de Rieko Ioane ou Ben Smith ; à moyen terme, la multiplication de ces jeux au pied doit aussi amener les défenses à se méfier et garder un peu plus de contrôle. Donc, par répercussion, ralentir leur montée défensive. Ce dont les Blacks ont tiré leurs fruits, dont un essai du talonneur Taylor, en bout de ligne, dans le dos de Teddy Thomas. Après l’utilisation de six de ces jeux au pied en première période, la défense française s’est trouvée déréglée, hésitant entre des montées rapides et des options plus en contrôle. Et finalement désunie, les joueurs choisissant des options différentes sur de mêmes actions. De ce désordre, les All Blacks ont fait leur beurre pour trouver des espaces et multiplier les franchissements, puis les essais. Beau boulot.
TRAVAIL DANS L’AXE
Autre tendance, peut-être moins marquée, mais qui est ressorti de cette performance (inaboutie) des NéoZélandais : la volonté d’attaquer les blocs défensifs au coeur, plus souvent que de chercher à les contourner. Après le match, Steve Hansen racontait : « Dix minutes avant la mitemps, j’ai senti que mon équipe commençait à comprendre où se situait la clé : utiliser le jeu au pied, mais aussi les attaquer dans l’axe pour les traverser, plutôt que de chercher à les contourner. Ensuite, à la pause, nous avons tranquillement parlé entre nous pour insister dans ce sens. Nous avions un plan sur la manière dont nous allions prendre le dessus. Et tout doucement, nous les avons fissurés. » Après touche, par exemple, les All Blacks ont principalement opté pour des déviations, des sauteurs vers Aaron Smith. Ensuite, pourtant, ils mettaient du temps à chercher le grand large, préférant travailler dans la zone 10-12-13. Les Français, dans cette zone, ont concédé énormément de franchissements. Cette option, choisie pour éviter de se retrouver fermé sur les extérieurs, leur permettait également de conserver des soutiens proches. Le talent des hommes a fait le reste. Celui des Blacks est immense. Dans ce système, comme dans l’ancien, ils seront évidemment de redoutables favoris à la prochaine Coupe du monde.