Midi Olympique

UNE HISTOIRE DE COEUR

IL Y A DEUX ANS, UNE ANOMALIE CARDIAQUE LUI A FERMÉ LES PORTES DU PÔLE FRANCE ET AURAIT PU METTRE UN TERME À SA CARRIÈRE. DEPUIS, LE GRENOBLOIS A REBONDI À MERVEILLE.

- Par Jérémy FADAT, envoyé spécial jeremy.fadat@midi-olympique.fr

Jeudi soir, Antonin Berruyer était titulaire, numéro 6 dans le dos, contre l’Afrique du Sud. Quatre jours plus tôt, face à la Géorgie et alors qu’Arthur Coville était laissé au repos, il était même le capitaine de cette équipe. « C’était une fierté, je ne m’y attendais pas, avoue-il. J’ai endossé cette responsabi­lité avec plaisir, en restant naturel et sans jouer de rôle. » Pourtant, cette belle histoire aurait pu ne jamais voir le jour pour ce flanker de devoir, habitué à toutes les sélections de jeunes… La faute à un examen médical, il y a deux ans, qui a révélé chez lui une anomalie cardiaque. « J’avais la paroi d’un ventricule un peu plus épaisse. J’étais considéré dans une zone grise, pas dans celle où c’est vraiment négatif, mais pas dans le positif non plus. Je me trouvais dans l’entre-deux. Un cardiologu­e était alors totalement contre le fait que je pratique le rugby. » Ce qui a alors eu des répercussi­ons immédiates. « À cause de cette contre-indication, je me suis retrouvé à ne pas pouvoir entrer au pôle France, ni au centre de formation de Grenoble alors que c’était prévu. J’ai donc connu un passage difficile sur le plan personnel. » Une lourde période de doute ? « Pas forcément de doute car je savais que mes qualités étaient encore là, assure Berruyer. Le souci n’était pas là. Mais je me suis posé des questions : « Et si je dois arrêter le rugby ? » C’est ma passion et si j’avais dû arrêter, là j’aurais été dans le doute. Je viens d’une famille de rugbymen, j’ai commencé ce sport à 5 ans. Franchemen­t, cela aurait été très dur à encaisser. »

LE MÊME CARDIOLOGU­E QUE LILIAN THURAM

Mais le destin tragique s’est soudaineme­nt renversé et pris un virage plus heureux. Il raconte : « Dans la foulée, j’ai passé un contre-examen qui m’autorisait à jouer au rugby. Et j’ai vu plusieurs autres cardiologu­es, dont un spécialist­e à Massy qui suivait Lilian Thuram pendant la Coupe du monde 98 car il avait aussi un souci. Lui m’a dit : « Je vous conseille de faire un bilan tous les ans mais il n’y a pas de contre-indication à mes yeux. » Ça m’a remis un coup de fouet et j’ai compris qu’il ne fallait rien lâcher. » Dans le même temps, son club lui a tendu la main : « Heureuseme­nt, Grenoble m’a fait confiance. Les dirigeants m’ont laissé jouer en espoirs pendant un an sans que je sois au centre de formation. Même si je n’ai pas connu de sélections durant cette année. »

Cette fameuse saison 2016-2017 lui a donc permis de connaître un rebond spectacula­ire. Jusqu’à (re) lancer sa carrière. « En fin de saison, j’ai intégré le centre de formation et signé mon premier contrat espoirs. » Même s’il a évidemment dû satisfaire à de nouveaux contrôles médicaux : « L’été dernier, quand il fallait que je signe mon contrat et ma convention de formation, je devais passer d’autres examens bien plus poussés. De toute façon, on avait convenu, avec mes parents, de refaire ces examens chaque année pour être rassurés et ne plus être inquiétés. À la fin, les dirigeants et le staff de Grenoble m’ont autorisé à intégrer le centre de formation et à être au sein de la structure profession­nelle, à m’entraîner avec le groupe de Pro D2. Cela a été une délivrance pour moi. J’ai pris tout ce que j’avais à prendre. » À tel point que tout s’est accéléré pour lui. « L’année s’est plutôt bien passée pour moi car j’ai pu évoluer en Pro D2 avec le FCG, puis j’ai effectué le Tournoi des 6 Nations avec les moins de 20 ans, reconnaît-il. Et me voilà aussi aujourd’hui à la Coupe du monde. » En effet, au mois d’août dernier et avant même de célébrer ses 19 ans, Antonin Berruyer était lancé dans le grand bain par Franck Corrihons et se retrouvait à fouler les pelouses de l’antichambr­e de l’élite.

« MAINTENANT, C’EST DERRIÈRE MOI »

Au total, et même s’il a vécu les phases finales en tant que 25e homme, il a disputé 18 matchs de Pro D2, dont 12 titularisa­tions. « Je ne m’attendais pas du tout à avoir autant de temps de jeu dans cette division, confesse-t-il. J’espérais faire quelques bouts de match, sur des déplacemen­ts un peu complexes. Et, finalement, j’ai été amené à attaquer le championna­t et à enchaîner ensuite. Même si j’ai moins joué en fin de saison, je suis vraiment satisfait. » Il y a de quoi. Surtout, malgré le terrible contretemp­s qu’il a dû affronter, lequel a failli mettre un terme prématuré à son parcours prometteur, Berruyer a su vivre une renaissanc­e. Avec succès. Bien que l’épisode ait pu laisser quelques cicatrices. Pas de regrets pour l’intéressé ? « Quelque part, c’est oublié, répond le troisième ligne. J’ai raté des expérience­s avec les copains, notamment une tournée en Afrique du Sud. Mais maintenant, c’est derrière moi et je profite d’autant plus de la chance que j’ai aujourd’hui. » Celle de défier ce mardi soir les Baby Blacks à Aimé-Giral et d’espérer décrocher un titre mondial. Avant, dans quelques semaines, de découvrir certaineme­nt le Top 14 avec Grenoble. Lui sourit : « Les potes ont fait ce qu’il fallait en phases finales pour y être, donc j’espère que je continuera­i sur ma lancée… » Le coeur léger.

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