Midi Olympique

LES BEAUX GOSSES

LA FINALE SÉDUISANTE ET ENTHOUSIAS­MANTE, LA GÉNÉRATION DORÉE DES MOINS DE 20 ANS FRANÇAIS S’EST HISSÉE SUR LE TOIT DU MONDE CE DIMANCHE, EN DOMINANT L’ANGLETERRE À BÉZIERS (33-25). L’ISSUE EXCEPTIONN­ELLE D’UNE AVENTURE HORS DU COMMUN.

- Par Jérémy FADAT, envoyé spécial jeremy.fadat@midi-olympique.fr

Quand Seguret a aplati le deuxième essai des siens à la 75e minute, ils pouvaient exulter. Quel incroyable destin ! Douze ans après les Beauxis, Médard et autres Chouly, sacrés en moins de 21 ans, ce sont les moins de 20 ans qui sont devenus ce dimanche champions du monde. Au matin de cette finale, l’entraîneur David Darricarrè­re a réuni ses trois-quarts. Au-delà de perfection­nements stratégiqu­es, il était question, comme la veille, de leur demander d’écrire sur un tableau les mots qu’ils ressentaie­nt à quelques heures de l’événement sportif le plus important de leur jeune carrière. Ils se sont exécutés, à tour de rôle, et voilà ce qui est revenu : « Envie, partage, joie, plaisir, impatience. » Quelques minutes plus tard, Darricarrè­re nous confiait : « Personne n’a noté les mots revanche ou guerre. Ça, ce sont des termes négatifs. Mais ça reflète tellement ce groupe, la sensation positive qu’il véhicule tout le temps, comme sur le terrain. Ces garçons veulent jouer, gagner en s’éclatant. » Et c’est ce qui transpire depuis l’entame de la compétitio­n, depuis ce match inaugural pourtant poussif contre l’Irlande. Empruntés et maladroits, étouffés par la pression d’une Coupe du monde disputée à domicile moins de trois mois après avoir remporté le Tournoi des 6 Nations, les Bleuets s’étaient sortis du piège par les intentions et l’enthousias­me. Avec cette croyance répétée par le sélectionn­eur Sébastien Piqueronie­s : « C’est le contenu qui nous mènera à la victoire, pas l’inverse. »

« SI ON MET LA VITESSE… »

Alors, le soir d’une deuxième rencontre encore incomplète contre la Géorgie, le manager et ses adjoints ont trouvé les leviers pour libérer leurs hommes. Pas sur le terrain, où le format du Mondial n’accorde qu’un véritable entraîneme­nt par semaine, pour laisser place à la récupérati­on. L’étincelle, ils l’ont dénichée dans la vie du groupe, à travers quatre repas organisés loin de leur lieu de résidence, sur la plage de Gruissan (Aude) ou dans les entrailles de Leucate (Aude). Un soir, Piqueronie­s a même décrété un « open bar » pour ses troupes : « Ils ont bu deux ou trois bières mais aucun abus. Ce groupe a su vivre ensemble de manière intense et se responsabi­liser. » La définition des partitions observées à Perpignan, Narbonne et Béziers. Si cette génération dorée a séduit, jusqu’à surclasser Baby Boks et Baby Blacks, c’est par les conviction­s qui sont les siennes. En son jeu d’abord. Avec une audace et une ambition déconcerta­ntes. « Nous sommes moins costauds que les autres mais si on met la vitesse… » Darricarrè­re n’a nul besoin de finir sa phrase. Puis de reprendre : « Je ne parle pas forcément de pure vitesse de course mais aussi de vitesse dans tout ce que l’on entreprend, dans les mouvements basiques, les actions offensives et défensives. » Cette capacité d’adaptation a d’ailleurs permis de dominer une Angleterre terrifiant­e. Si les espaces étaient plus rares que lors des sorties précédente­s, les Bleuets se sont appuyés sur d’autres points forts : un rideau de fer, avec notamment des replacemen­ts décisifs malgré la multiplica­tion des renverseme­nts initiés par Marcus Smith, et une conquête salvatrice, dont une mêlée gigantesqu­e.

TALENT ET ASSURANCE

Mais s’il est chose qui transpire de cette bande, ce sont ses certitudes. Quelques heures avant le coup d’envoi de la finale, lorsqu’on apprenait nos contrainte­s de bouclage à Sébastien Piqueronie­s, il souriait : « Vous aurez le temps d’avoir la photo où on soulève la coupe ? » Aucune arrogance, juste l’illustrati­on de l’assurance de ses joueurs. En demi-finale déjà, quand Darricarrè­re était entré sur la pelouse pour leur apporter de l’eau, il les avait mis en garde : « Attention à ne pas laisser les Blacks passer les bras. » Réponse de Romain Ntamack : « T’inquiète, ils n’en auront pas l’occasion. » Ces Français-là sont sûrs de leurs forces. Et de leur talent. Ballottés contre leurs meilleurs ennemis, ces mêmes Anglais venus les battre début mars dans ce même stade de la Méditerran­ée de Béziers, ils n’ont jamais douté. Car ils connaissai­ent leurs infinies ressources. Comme ils l’ont prouvé en cours de Mondial en associant les deux étoiles Carbonel et Ntamack. « On savait qu’on allait le faire à un moment mais on attendait le bon, révèle Darricarrè­re. La première fois qu’on l’avait tenté, c’était contre l’Angleterre, justement dans le Tournoi. Cela avait fonctionné même si on n’avait pas été récompensé au bout. Ce jour-là, on avait perdu mais on a su qu’on était sur la bonne voie. Après la rencontre, staff et joueurs ont dit la même chose : « On ne change rien, on continue sur notre ligne directrice et on va au bout. ». » Ce Graal mondial.

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Photo M. O. - Patrick Derewiany Clément Laporte (ballon en main), impérial dans les airs, a contribué à emmener les Bleuets sur le toit du monde.

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