Midi Olympique

Fall, victime ou coupable ?

DÉFAITS POUR LA DEUXIÈME FOIS, 26 À 13, LES BLEUS ONT FAIT MIEUX QUE RÉSISTER FACE AUX ALL BLACKS. LAS, UN CARTON ROUGE RÉCOLTÉ PAR BENJAMIN FALL DÈS LA 12e MINUTÉ A FAUSSÉ LES DÉBATS.

- Par Nicolas AUGOT, envoyé spécial nicolas.augot@midi-olympique.fr * Rouge

Monsieur Angus Gardner, l’arbitre australien a eu le sommeil agité. Dans son cauchemard, il se réveillait en sursaut, en sueur, en pleine crise de panique, ce carton revenant sans cesse le hanter. Comment a-t-il pu oser ? Condamner les Blacks à jouer à quatorze pendant dix minutes, quel goujat ! En pleine insomnie, Gardner a certaineme­nt dû penser à prendre une feuille et un stylo pour rédiger une belle lettre d’excuse à l’adresse de la fédération néo-zélandaise. Il avait déjà été bien embêté au moment de convoquer le capitaine des Blacks, Sam Whitelock, en seconde période, conscient qu’il s’apprêtait à commettre un crime de lèse-majesté : « Monsieur, votre équipe en est à neuf fautes d’affilée. Faites attention s’il vous plaît. » On a attendu la révérence de circonstan­ce pour avoir dérangé le deuxième ligne des All Blacks, pensant éviter de sortir un carton jaune. TJ Perenara, coupable d’un hors-jeu bien trop grossier, a fini de lui pourrir sa soirée et gâcher sa nuit...

Tout avait pourtant bien débuté pour l’arbitre australien, refusant logiquemen­t un essai à Geoffrey Doumayrou, incapable d’aplatir en rentrant dans l’en-but néo-zélandais. Puis, béni des dieux, il a vu Beauden Barrett monter très haut dans le ciel de Wellington. Benjamin Fall, bousculé, percutait le maître à jouer des All Blacks pour un magnifique soleil dans cette soirée pluvieuse. Tête plantée dans la pelouse, l’aubaine était trop belle. Une seule faute française, un carton rouge. Du travail d’orfèvre dès la douzième minute. Il ne restait plus qu’à fermer les yeux sur deux plaquages à la gorge sur Teddy Thomas pour annihiler toute tentative de révolte de ces petits coqs trop bien entrés dans la rencontre. Quand on se prénomme Angus, comme la race de boeuf britanniqu­e, il est facile de piétiner la basse cour... Sans oublier l’aide précieuse de l’arbitre vidéo, défiant les lois de la technique audiovisue­lle, pour trouver un moyen de refuser un essai à Pierre Bourgarit, coupable en décryptant quarante-huit images par seconde, d’avoir poussé sur ses genoux pour étendre le bras dans l’en-but. Quel insolent ! Deux matchs, deux polémiques d’arbitrage, même Steve Hansen, le sélectionn­eur des Blacks doit passer son temps à s’excuser, et à défendre les Bleus. Le scénario d’après-match est maintenant rodé. Les braises sont chaudes, il ne reste plus qu’à souffler légèrement dessus pour faire partir un gigantesqu­e incendie. Les Français s’y refusent, reconnaiss­ant à demi-mots quelques incohérenc­es ou interrogat­ions. Jean-Baptiste Elissalde, tout en revoyant les images se montrait ainsi prudent : « Je ne crois pas à un lobbying anti-Français, ni pro-Black. C’est trop facile de se cacher derrière ça. Mais il est vrai que ces situations de duels aériens sont bien plus difficiles à légiférer que d’autres, comme le plaquage sur Rémy Grosso la semaine dernière. L’arbitre ne regarde que le duel. Pourtant, à deux pas de son envol, Fall est déséquilib­ré au moment de monter au duel. Ce cas, il n’est ni tout rouge, ni tout jaune. L’arbitre prend les textes et les applique. Mais il existe des circonstan­ces atténuante­s pour Benjamin. À 30 km/h, il est déséquilib­ré sur ses derniers appuis... » Laissons Monsieur Gardner à ses cauchemars. Et n’allez pas croire que notre chauvinism­e nous aveugle. Le New Zealand Herald affirmait ce dimanche en gros titre : « Les Français se sont fait voler ». Il est plus judicieux de souligner la volonté de ce XV de France dans l’adversité. Et ce même si le Westpac Stadium est situé Quai Waterloo -terrain a priori peu propice au succès quand on est Français- célébrant ainsi la victoire de Duc de Wellington sur l’armée de Napoléon... Bien sûr, en supériorit­é numérique, les premiers coups de canons néo-zélandais ont mis à mal la ligne défensive tricolore. Après deux essais de Joe Moody et Ben Smith en sept minutes, on pouvait d’ailleurs craindre une véritable boucherie. La fin de match horrible lors du premier test n’avait rien de rassurant dans ce contexte défavorabl­e.

COURAGEUX ET AMBITIEUX

À quatorze, il fallait un miracle pour résister à la meilleure équipe du monde tant les Bleus avaient perdu pied une semaine plus tôt, quand Paul Gabrillagu­es avait été exclu pour dix minutes. Et à Wellington, Fabien Galthié aurait certaineme­nt parlé de résilience...

Une mauvaise expérience qui avait poussé Jacques Brunel à multiplier les séances d’entraîneme­nts en infériorit­é numérique pour éviter une nouvelle mésaventur­e. Bien lui en a pris car les Français ont réussi à se resserrer. Bataillant férocement dans les rucks avec Mathieu Babillot, Kélian Galletier.Trouvant des espaces grâce aux charges de Mathieu Bastareaud, de Dany Priso mais aussi d’un Kevin Gourdon retrouvé. Le troisième ligne rochelais multipliai­t les courses et les passes après contact.

Même avec un alignement en touche toujours déficient, les hommes de Brunel dominaient les débats, que ce soit en termes de possession et d’occupation. Courageux et ambitieux, ils bousculaie­nt des NéoZélanda­is incapables de monter en régime, enchaînant maladresse­s, mauvais choix, plaquages manqués devant un XV de France décomplexé et parfois même séduisant. « Je veux retenir l’état d’esprit, se félicitait le sélectionn­eur. C’est ce que nous voulions voir sur cette tournée, une équipe avec du caractère, qui se bat jusqu’au bout. Ça me conforte dans les qualités de ce groupe. Mais nous n’avons pas fait que défendre. Nous avons eu notamment des essais refusés, nous voulions proposer un contexte différent pour mettre en difficulté les All blacks. » Les Bleus y sont parvenus, remportant pour l’anecdote la deuxième mi-temps (7 à 5), grâce un essai de Cedate Gomes Sa sur la sirène, après une remontée de terrain magnifique où, cette fois, Angus Gardner ne trouvait rien à redire. Un essai applaudi par tout le Westpac Stadium, avec un public connaisseu­r, heureux de féliciter ces Français qui avaient mouillé le maillot. Bien plus que leurs Blacks. Les Bleus ont encore perdu mais ils ont certaineme­nt plus gagné que leurs adversaire­s sur ce second test. À commencer par du respect, bafoué à l’Eden Park, et de l’espoir selon Jean-Baptiste Elissalde : « Les joueurs ont pris confiance, ils ont vu qu’ils étaient aussi capables de jouer dans la défense, de relever des ballons, de trouver eux aussi des brèches. » Battre la Nouvelle-Zélande dans une semaine à Dunedin relève encore du fantasme mais le rêve d’une opposition équilibrée est bien là. À moins que le trio arbitral australien ne veuille encore gâcher la fête.

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L’arbitre de ce deuxième test entre la Nouvelle-Zélande et la France, Angus Gardner, sort le carton rouge à l’encontre de Benjamin Fall. Celui-ci, comme hébété, est soutenu par son capitaine Mathieu Bastareaud. Face à eux, Ben Smith, l’ailier et Sam Cane

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