Midi Olympique

« Je vais vous raconter une histoire… »

HEYNEKE MEYER - Manager du Stade français CONSIDÉRÉ COMME L’UN DES MEILLEURS COACHS DE LA PLANÈTE, HEYNEKE MEYER DEVRAIT PERMETTRE AU STADE FRANÇAIS D’ALLER PLUS HAUT.

- Propos recueillis par M. D.

Quelle est votre philosophi­e, en tant que coach ?

Je vais vous raconter une histoire. Dans les années 50, Andrew Carnegie avait bâti un immense empire autour de ses mines d’or du Nevada. Il était l’homme le plus riche de la planète. Sous ses ordres travaillai­ent même cent millionair­es. Un jour, un journalist­e lui a demandé quelle était la clé de son succès. Carnegie a répondu ceci : « Un être humain est comme une grosse pierre ; une fois que j’ai enlevé la poussière et la roche, il reste son coeur, sa pépite. Ne reste plus qu’à travailler dessus. » […] Ma philosophi­e de coach est d’abord une philosophi­e de vie. Je n’entraîne pas pour la gloire, l’argent ou les trophées. J’entraîne pour rendre les gens meilleurs et c’est ce que je ferai au Stade français.

Et la stratégie ?

Je vais vous dire une chose. Les All Blacks, les Anglais ou les Springboks ont des dimensions physiques similaires ; ils poussent les mêlées de la même manière, plaquent de la même manière et sautent en touche de la même manière.

Alors ?

Les plans de jeu, ça aide. Mais ça ne fait pas tout. Tu ne gagnes des trophées que si, au préalable, le coach a conquiert le coeur des hommes et si ceuxci sont prêts à tout donner pour lui.

À ce point ?

Quand j’entraînais les Bulls (vainqueurs du Super Rugby en 2007) ou les Springboks (troisièmes du Mondial 2015), mes joueurs étaient tous très affûtés et jouaient tous pour leur coach. Pour cela, je les traitais comme j’aurais aimé que l’on traite mes trois fils.

Avez-vous un exemple ?

Quand j’ai commencé à entraîner, Bakkies Botha avait 20 ans. Il était dur, se battait hors du terrain, était quasiment impossible à cadrer. J’ai donc passé des heures avec lui pour lui tenter de le rendre meilleur et je pense avoir partiellem­ent réussi. […] Au jour de son dernier Test Match avec les Boks, Bakkies avait la possibilit­é d’appeler n’importe qui pour la remise de son maillot et il m’a appelé moi. Peu après avoir arrêté sa carrière sa Toulon, Bryan Habana m’a également fait parvenir les crampons qu’il avait utilisés pour son centième match. Je pense avoir bâti quelque chose de très fort avec ces hommes-là. Et ce que je leur ai donné, ils me l’ont rendu au centuple.

Comment allez-vous organiser votre travail à Paris ?

Déjà, nous allons réaliser un travail colossal de préparatio­n physique. Parce que, contrairem­ent à ce que les gens disent, nous voulons développer un jeu rapide. Mais pour le moment, les joueurs ne sont pas prêts, pas affûtés. Je le sais, j’ai eu leurs tests sous les yeux et ceux-ci ne correspond­ent pas aux standards internatio­naux.

Steve Hansen, le coach des Blacks, disait dernièreme­nt que les Français manquent de technique individuel­le. Êtes-vous d’accord ?

Non. Par rapport à la Nouvelle-Zélande, tous les joueurs du monde manquent de technique individuel­le. […] Quand je vais en vacances en Nouvelle-Zélande, je vois des gamins de 8 ans travailler leur technique individuel­le, via des jeux, pendant des heures. Ils adorent ça. Quand je rentre en Afrique du Sud, je constate que le coach demande au joueur le plus costaud de prendre le ballon sous le bras et de foncer dans le tas. À Paris, je ferai donc travailler leurs skills aux joueurs. Mais en les soumettant à une pression intense, afin qu’ils sachent y répondre de la façon la plus appropriée le jour du match. En trois semaines, Jonathan Danty a par exemple beaucoup progressé. Pour moi, il jouera le Mondial 2019. Bonfils, que je ne connaissai­s pas, m’a aussi beaucoup impression­né.

Quoi d’autre ?

Je ne veux plus que les espoirs du club s’entraînent de leur côté et les pros de l’autre. Tout au long de la saison, nous ne ferons qu’un. Tous ensemble au sein d’un même terrain ! Je veux qu’il y ait un fil directeur, une identité commune. Je veux que notre jeune ouvreur progresse aux côtés de Morné Steyn et Jules Plisson, que notre jeune numéro 8 apprenne le job avec Sergio Parisse et Willem Alberts.

Pourquoi avez-vous choisi de travailler avec Pieter de Villiers et Mike Pendergast plutôt qu’Olivier Azam et Julien Dupuy ?

Olivier Azam avait fait du bon boulot mais Pieter De Villiers me connaît et sait ce que j’attends des joueurs. Quant à Julien Dupuy, il entraîne beaucoup plus qu’il ne le faisait l’an passé. Il est en charge du jeu au pied et des skills, passe beaucoup de temps avec les joueurs sur le terrain, est au même niveau que Mike Pendergast (dédié à l’animation offensive).

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