Midi Olympique

Un sélectionn­eur qui tient ses troupes

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On sait combien l’évaluation populaire de la compétence d’un sélectionn­eur peut être cruelle : un jour vainqueur, il est porté au pinacle. Le lendemain, il est crucifié dès que les résultats ne suivent plus. C’est le jeu. Mais au-delà des résultats, on peut évaluer la qualité d’un entraîneur à son courage. Courage de prendre des décisions fortes, voire dures ou même incompréhe­nsibles pour l’opinion publique et de les assumer quoi qu’il arrive. On peut penser ce que l’on veut de Didier Deschamps. Le personnage est de toute façon clivant, et suscite autant de critiques que de louanges. Mais l’on ne lui retirera jamais son courage à maintes reprises. Un exemple ? Le cas Benzema. En se tenant à sa décision d’écarter le Madrilène, Deschamps s’est privé du meilleur numéro 9 de la meilleure équipe du monde. Rien que ça. Combien de sélectionn­eurs auraient eu ce courage ? Benzema a décroché quatre Ligue des Champions, dont trois d’affilée en étant à chaque fois titulaire. Pour ramener l’exemple au rugby, c’est comme si Eddie Jones ou Joe Schmidt décidaient de se passer d’Owen Farrell ou de Jonathan Sexton, deux hommes au palmarès en club comparable. Seulement, Deschamps a une ligne de conduite à laquelle il se tient coûte que coûte : le groupe passe avant l’individu. Ses prédécesse­urs n’ont pas eu autant de cran avec des joueurs aussi excellents que perturbate­urs tels que Nicolas Anelka ou Samir Nasri. Plus récemment, Deschamps a écarté Adrien Rabiot dont l’attitude générale laissait à penser qu’il n’aurait pas accepté son statut de remplaçant et semé la zizanie dans le groupe. En résumé, le champion du monde 1998 donne une vraie leçon de management dont le XV de France ferait bien de s’en inspirer. Non, l’équipe de France de rugby n’a pas connu son Knysna. Elle ne compte pas non plus de personnage­s aussi polémiques que Karim Benzema ni n’a été ébranlée par une affaire de sex-tape. Toujours est-il qu’elle est aussi capable de déraper. Le dernier exemple ne remonte qu’au mois de février dernier et à cette nuit où, à Edimbourg et après une défaite contre l’Écosse, des joueurs du XV de France sont rentrés ivres morts à leurs chambres d’hôtel avec, en prime, une suspicion d’agression sexuelle. Les noms des coupables sont connus, et les fautifs ont quitté le groupe sur le champ… mais l’ont réintégré quelques mois plus tard. En faisant preuve d’une telle indulgence, Jacques Brunel ne fragiliser­ait-il pas son autorité sur le groupe ? On serait tenté de l’affirmer, même si ce n’est que notre opinion. On entend souvent le rugby se vanter de ses sacro-saintes « valeurs ». Mais certaines de ses dérives rappellent celles de son cousin sur lequel il a trop souvent tendance à cracher, le football. Et en attendant, c’est bien le sélectionn­eur de l’équipe de France de football qui est en train de donner une véritable leçon au rugby. On espère que ce dernier saura la retenir, histoire de ne pas avoir à vivre un jour « son Knysna ».

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