Midi Olympique

La Rochelle

Le récit terrifiant de Lopeti Timani

- Par Vincent BISSONNET vincent.bissonnet@midi-olympique.fr

« J’ai cru que j’allais mourir. » Lopeti Timani, une des recrues phares du Stade rochelais cet été, a vécu un cauchemar sans fin, dimanche 15 juillet. Le troisième ligne australien de 27 ans, capé à onze reprises avec sa sélection, a raconté, dans les colonnes du Sydney

Morning Herald, le fil de cette terrible nuit de Dunedin qui aurait pu virer au drame. La soirée s’annonce pourtant bien. Après la défaite de ses Rebels face aux Highlander­s lors de la dernière journée de Super Rugby, Lopeti Timani est convié par son coéquipier Amanaki Mafi à dîner et à assister, dans la maison de son frère, au match Sharks — Jaguares dont le résultat conditionn­e la qualificat­ion des joueurs de Melbourne. Les verres s’enchaînent et les rires fusent quand, soudain, une remarque déplacée de l’invité lance un cycle infernal de violence. « Naki a été offensé par une parole offensante que j’ai tenue devant sa soeur. Il a commencé à me bousculer, me disant que j’avais été grossier. Nous nous sommes disputés. J’ai essayé de lui dire que j’étais désolé et que je n’avais voulu blesser personne. » Des excuses restées vaines : « Il s’est mis à me frapper, m’a renversé et m’a mis au sol. J’ai essayé de me relever, de sortir de la maison et de courir parce que je sentais que ça partait en vrille. Mon visage saignait, je pleurais. J’ai alors appelé mon frère. » Sione, de six ans son aîné. Pendant une heure, le joueur de Colomiers suivra la traque et le calvaire de son cadet.

À UN FEU ROUGE, IL SAUTE DE LA VOITURE

Réfugié dans un parc, Lopeti est trahi par la lumière de son téléphone et est retrouvé par ses poursuivan­ts, Amanaki Mafi et son frère. Le règlement de comptes prend une autre dimension : « Son frère tentait de me tenir pendant que Naki me frappait en pleine

tête. Je lui criais : « Mais pourquoi tu me fais ça, je pensais qu’on était coéquipier­s, je connais ta famille ? […] » Mais il continuait de taper en me balançant : « Parce que c’est moi le mec, parce que c’est moi. » Je pensais qu’ils allaient me tuer. Je croyais que j’allais mourir. » Les deux frères Mafi l’embarquent ensuite dans leur voiture : « Je ne savais pas où ils comptaient m’emmener. Je me suis alors décidé à fuir dès que nous serions à un feu rouge. » L’occasion se présente et permet au troisième ligne de se réfugier dans des bosquets. Il y restera pendant vingt minutes une fois acquise la certitude d’avoir semé ses agresseurs. Un taxi le ramène alors dans l’hôtel de son équipe, sur les coups de 6 heures, où l’attendaien­t des policiers, alertés par son frère Sione qui avait multiplié les SOS auprès des autorités locales. La course-poursuite aura duré quatre heures.

Rapidement, les forces de l’ordre recueillen­t les témoignage­s puis ils inculpent Amanaki Mafi pour coups et blessures intentionn­els, une charge pouvant conduire à cinq ans d’emprisonne­ment. Dès le lundi, l’internatio­nal japonais apparaît devant la cour du district de Dunedin le lundi et est remis en liberté à la condition qu’il ne fréquente pas la victime présumée, désormais assistée d’un avocat. L’affaire est renvoyée devant le tribunal et sera jugée le 3 août. Ce fait divers risque fort de compromett­re la suite de la carrière de la vedette japonaise alors que se profile la Coupe du monde dans son pays. La Fédération nippone a pour l’heure déclaré ne pas vouloir prendre de décision avant l’issue des procédures pénales du côté de la Nouvelle-Zélande. En attendant, les deux joueurs ont écopé d’une amende de 15 000 $ australien­s (environ 9 700 €) de la part de leur franchise pour ne pas avoir respecté le règlement interne.

Du côté du Stade rochelais, où la venue de l’internatio­nal australien suscite beaucoup d’attentes, les dirigeants se sont renseignés sur l’état de santé du joueur. Les premiers examens passés avec le staff médical des Rebels se sont montrés relativeme­nt rassurants : le Wallaby n’a pas contracté de blessure grave mais il souffre de sérieuses ecchymoses au visage et sur le corps, de saignement­s dans les oreilles et il présente des symptômes de commotion cérébrale. Restent les dommages psychologi­ques : « Je ne peux pas arrêter de penser à ce qui s’est passé, je me réveille et ça m’obsède. » Lopeti Timani est dans l’attente de son visa pour pouvoir décoller vers la France et commencer à tourner la page de cette traumatisa­nte nuit néo-zélandaise.

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Le visage tuméfié de Lopeti Timani apparaît en une du Daily Telegraph Sport avec ce jeu de mot en titre : « Super Thugby », référence au nom de l’épreuve et à « thug », voyou. Photo DR

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