Midi Olympique

OBJECTIF TOP 6

COLIN SLADE - Ouvreur néo-zélandais de Pau ECHOUÉE AUX PORTES DE LA QUALIFICAT­ION LA SAISON DERNIÈRE, LA SECTION PALOISE AFFIRME SES AMBITIONS PAR LA VOIX DE SON OUVREUR ALL BLACK, À L’OCCASION D’UN GRAND ENTRETIEN.

- Propos recueillis par Simon VALZER, envoyé spécial simon.valzer@midi-olympique.fr

« CE FUT VRAIMENT

STIMULANT DE VOIR

QU’UNE ÉQUIPE COMME CASTRES, ASSEZ SIMILAIRE À LA NÔTRE, A ÉTÉ CHAMPIONNE »

« CONRAD SMITH FERA GRANDIR PLUSIEURS JOUEURS DU GROUPE »

Êtes-vous rentré en Nouvelle-Zélande pendant vos vacances ?

Jamais de la vie, il fait trop froid là-bas en ce moment ! Et le temps est encore pire à Christchur­ch. Avec ma femme et notre enfant nous avons préféré aller en Corse, du côté d’Ajaccio et de Calvi. J’ai découvert cette île magnifique, puis la Sardaigne et enfin le Lac de Côme. J’ai adoré. Il est d’ailleurs déjà prévu que nous retournion­s en Corse l’année prochaine pour voir Porto Vecchio.

Comment se passe la reprise ?

C’est bon de retrouver les autres et rencontrer les recrues. J’aime voir de nouvelles têtes. De manière générale, j’aime les reprises. C’est le moment où il est plus facile de travailler et progresser. On peut bosser plus dur, faire davantage de musculatio­n pour se renforcer. Une fois que la saison est lancée, on a mal partout. On a mal le lundi, le mardi, le mercredi… Jusqu’au jeudi où l’on commence à être mieux en vue du match. Cette année, j’ai subi une petite opération chirurgica­le au niveau de la cheville, en juin, afin de nettoyer correcteme­nt l’articulati­on. Je suis pleinement remis.

Où en êtes-vous de vos commotions ?

Je me sens bien. J’ai passé tous les examens nécessaire­s et tout est OK. Cela m’a rassuré car le problème posé par les commotions dépasse largement le rugby. Là, je parle de ma vie, de mon après-carrière… J’espère ne plus en subir.

Avez-vous essayé de comprendre pourquoi vous êtes sujet aux commotions ?

J’ai toujours aimé plaquer mais cela ne vient pas de là. Si vous prenez ma dernière commotion par exemple, je l’ai subie parce que je me suis jeté sur un ballon dans lequel un adversaire tapait C’est un fait de jeu, c’est comme ça. Je n’ai même pas revu les images. (le talonneur rochelais Pierre Bourgarit, N.D.L.R.).

Quel goût vous laisse la saison dernière ?

Celui de la frustratio­n. Car, dans le fond, nous avons fait une très bonne saison ! Nous n’avons perdu que les trois ou quatre derniers matchs… C’est juste terrible de voir que tout le boulot qu’on a abattu est passé à la poubelle. Et puis je me suis blessé, donc c’était pire. J’ai subi une nouvelle commotion, puis je me suis déchiré l’ischio-jambier. Je ne pouvais rien faire. J’étais dans les tribunes et je ne servais à rien. J’essayais d’aider les autres à l’entraîneme­nt, du mieux que je pouvais. Accepter une blessure vient avec l’expérience du haut niveau. On s’y fait. J’ai souvent été blessé dans ma carrière, donc je connais bien ce sentiment.

La Section sera-t-elle néanmoins capable de construire sur la saison dernière ?

Absolument ! Je le pense sincèremen­t. Nous pouvons tirer beaucoup de confiance de la saison achevée. Nous devrions même prendre exemple sur Castres…

Vraiment ?

Oui. Je suis honnête. En France, vous avez quelques équipes qui sont au-dessus de toutes les autres : Montpellie­r, le Racing, Toulon… Mais ce fut vraiment stimulant de voir qu’une équipe comme Castres, assez similaire à la nôtre, a été championne. Cela montre qu’à partir du moment où l’on se qualifie, tout peut arriver. Seulement, on ne peut pas se permettre de relâcher notre effort à trois journées de la fin. Il faut aller au bout car les choses peuvent rapidement tourner.

Ce devait être encore plus frustrant pour vous car Pau s’est imposé à Pierre-Fabre sur la phase retour…

Bon sang… Ne m’en parlez pas. Pour en revenir à ce que l’on disait, c’est typiquemen­t le genre de chose qui doit nous donner de la confiance.

Quelles similitude­s trouvez-vous entre Pau et Castres ?

Nos effectifs ne se ressemblen­t pas tant que ça. Mais ni eux ni nous ne ressemblon­s aux équipes du haut de classement avec des budgets énormes et des superstars. À Castres comme ici, c’est le travail qui paie. Et c’est bon de voir que le travail finit par payer, même face aux gros budgets. À Pau comme à Castres, on ne peut pas se reposer sur le talent d’un seul joueur. La vraie force, c’est celle de l’équipe.

Quels sont les objectifs pour l’année prochaine ?

Nous devons nous qualifier, entrer dans ce top 6. Tout le monde le sait et tout le monde le veut. Comme je l’ai dit, si on se qualifie, tout deviendra possible.

Quid de la Coupe d’Europe ?

Nous avons montré que nous avions les moyens de jouer sur les deux tableaux. Mieux, je dirais que la Challenge Cup nous a servis pour le Top 14 car elle nous a donné de la confiance et une bonne dynamique. Les deux saisons d’avant, nous avions subi cette compétitio­n. L’année dernière, nous nous en sommes

servis et c’est déjà un progrès. Dans n’importe quel sport, ou n’importe quelle activité, la victoire fait du bien à la tête. Nous devons rejouer cette compétitio­n avec cet état d’esprit.

Avez-vous regardé les tests de juin opposant la France aux All Blacks ?

Oui, je les ai tous vus ! Même quand j’étais en Italie et que la connexion n’était pas si bonne… Très honnêtemen­t, j’ai été impression­né par la France. Je pense que les Bleus peuvent retirer beaucoup de choses encouragea­ntes de cette tournée malgré les trois défaites. Ils sont souvent parvenus à mettre les Blacks sous pression, notamment en première mi-temps. Bien sûr cela ne suffit pas pour s’imposer au niveau internatio­nal car deux petites erreurs peuvent changer le cours d’un match. Ou même des erreurs d’arbitrage d’ailleurs, comme ce fut le cas. Les Français ont alors perdu de la confiance et ils ont laissé filer les matchs.

Les Bleus manquent-ils de constance sur une rencontre ?

Oui. S’ils sont capables de rester dans le match, ils deviennent très dangereux. Je pense que cette tournée leur servira pour la prochaine Coupe du monde. L’autre point positif, c’est que nous avons vu de nombreux jeunes jouer. Si le staff stabilise ce groupe, il pourra construire d’ici au Mondial. Le Tournoi sera d’ailleurs très important pour la France. Les Bleus ont progressé sur le plan offensif, au point de se montrer plus efficaces et dangereux que les Néo-Zélandais pendant 30 minutes sur chacun des tests. Il va falloir passer à 80 minutes maintenant.

Quel joueur néo-zélandais a retenu votre attention ?

Il y en a quelques-uns ! Quels sont les vôtres ?

Scott Barrett et Rieko Ioane, non ?

Entièremen­t d’accord. Ces deux joueurs sont l’avenir du rugby néo-zélandais. Pour les dix prochaines années, s’ils le veulent. C’est vraiment la relève. J’ai été impression­né par la puissance de Scott et le sens du timing de Rieko.

Qu’avez-vous pensé de la prestation de Damian McKenzie à l’ouverture ?

Il s’en est bien sorti. Vous savez, ce n’est jamais facile de tenir ce poste d’ouvreur chez les Blacks quand vous n’y jouez pas régulièrem­ent. Je sais de quoi je parle car à mon époque, je n’étais pas titulaire tous les week-ends. Damian était très attendu, je trouve que ses prestation­s ont été très encouragea­ntes. C’est un joueur d’instinct. Quand il joue, on voit qu’il est dans le plaisir. C’est son style, mais c’est aussi dû à son jeune âge. À mesure que les années passent, on devient plus « sérieux » et concerné par les questions de gestion, d’occupation. Damian ne pense qu’à attaquer. Personnell­ement, j’adore ce style et j’ai beaucoup de respect pour les ouvreurs très offensifs. Je le fus au début de ma carrière, avant de comprendre que je devais davantage prendre en compte l’état de fatigue de mes avants par exemple, ou de la circulatio­n de l’équipe. En plus, on voit que Damian a gardé ses réflexes d’arrière. Il attaque la ligne comme s’il relançait un ballon du fond du terrain ! Mais laissons-lui le temps d’apprendre le poste d’ouvreur. Vous verrez, il sera excellent.

Pensez-vous que Beauden Barrett est meilleur que Dan Carter au même âge ?

(Rires) Ça, c’est une question difficile… Pour l’heure, on peut dire qu’ils représente­nt tous les deux l’excellence au poste. Dans des styles différents toutefois, car Beauden a des qualités que Dan n’a pas eues et inversemen­t, comme sur la vitesse pour Beauden et l’intelligen­ce tactique et la gestion pour Dan. Cela dit, Beauden est aujourd’hui vraiment installé et il a beaucoup progressé au cours des deux dernières années sur sa gestion. Il est aujourd’hui un leader de jeu.

Quel regard portez-vous sur la famille Barrett, qui compte autant de champions ?

Je pense que leur secret, c’est la compétitio­n. Depuis tout petits, ces trois-là se tirent la bourre, en permanence. C’est ce qui les a rendus exceptionn­els.

Qui sont les meilleurs ouvreurs français ?

Vous avez de très bons ouvreurs en France. Je pense notamment à Anthony Belleau qui joue à Toulon. Cela me fait sourire d’ailleurs car j’ai remarqué que les commentate­urs néo-zélandais ne savaient pas prononcer son nom : ils disaient quelque chose comme « Bileau », ou un truc dans le genre… Je m’énervais tout seul devant ma télé en écoutant ça ! J’aime aussi Mathieu Jalibert. Il a été blessé la saison dernière, mais j’ai trouvé qu’il avait un grand potentiel, très porté sur l’offensive.

Avez-vous été surpris que la fédération néo-zélandaise ne fasse pas l’effort de retenir Julian Savea, qui s’est engagé avec le RCT ?

Julian compte 54 sélections et 46 essais marqués… C’est énorme ! Mais la fédération néo-zélandaise ne s’intéresse pas à la réputation où à ce que l’on a fait sur les cinq dernières années. Ils se concentren­t sur les hommes en forme du moment. Au poste de Julian, on trouve Rieko Ioane. Comment ne pas sélectionn­er Rieko alors qu’il est le meilleur ? Julian va donner un sacré coup de main à Toulon, et cela va rendre le championna­t encore plus excitant. Et puis Conrad (Smith, N.D.L.R.) nous trouvera bien un plan pour le stopper quand nous affrontero­ns Toulon…

Justement, Conrad Smith est devenu votre entraîneur de la défense. Que changera son absence sur le terrain ?

C’est une bonne question… Conrad était un leader dans notre groupe et dans notre système de jeu. Ce sera particulie­r pour moi car je savais comment il pensait à l’instant T. C’est quelqu’un qui faisait toujours le bon choix, en qui j’avais une confiance aveugle. Le perdre sera forcément difficile pour nous mais j’ai foi en celui qui le remplacera. Tout le monde l’aidera à tenir sa place, et Conrad sera là pour l’épauler. Je suis sûr que Conrad fera grandir plusieurs joueurs dans le groupe : pas seulement les centres, mais aussi les ailiers, les arrières, et même les avants. Auparavant, il trouvait les solutions sur le terrain. Désormais, il devra les trouver dans la semaine avant le match.

N’est-ce pas bizarre d’être entraîné par celui qui fut votre coéquipier de club et de sélection ?

Si, c’est bizarre ! Cela arrive de plus en plus souvent mais c’est une première pour moi. Je pense qu’on va pas mal le chambrer, histoire de le tester… Il me tarde de voir ce qu’il va mettre sur pied avec Simon (Mannix, N.D.L.R.). Et il me tarde surtout de voir s’il parlera français pendant les réunions ! C’est son grand défi de l’année.

« Auparavant, il trouvait les solutions sur le terrain. Désormais, il devra les trouver dans la semaine avant le match. » Colin SLADE à propos de Conrad Smith, devenu entraîneur de la défense de Pau

 ??  ??
 ??  ?? Photo Midi Olympique - Patrick Derewiany
Photo Midi Olympique - Patrick Derewiany

Newspapers in French

Newspapers from France