MAINTENANT, ON FAIT QUOI ?
Une fois posé le constat de l’augmentation des blessures dans le rugby d’aujourd’hui, que faire ? Et d’abord, y a-t-il vraiment quelque chose à faire ? Certains, à l’image de l’ancien centre international Florian Fritz, n’en sont pas persuadés : « Le problème, c’est que je ne vois pas comment on peut contrôler et réguler tout ça […] Tu veux aller dire aux joueurs de moins s’entraîner ? Franchement, je ne vois pas où ça va s’arrêter, encore moins comment tu peux l’arrêter. » Pour répondre à cette question, la LNR et la FFR ont mis en place un observatoire médical commun réunissant l’ensemble des acteurs du jeu et des experts médicaux de différentes spécialités afin de réfléchir et de faire des préconisations (lire l’encadré ci-dessous).
Les syndicats, aussi, sont force de propositions. Provale et Tech XV, qui sont représentés au sein de l’observatoire médical, n’en manquent pas. Le syndicat des joueurs souhaite notamment développer la recherche et les études scientifiques spécifiques. « Si on veut vraiment protéger la santé des joueurs, il faut avoir des données et avoir envie de les partager », explique son directeur, Jean-François Reymond. Le syndicat mène par exemple une étude avec une dentiste lyonnaise sur les protège-dents, dans le but de réduire les risques de commotions cérébrales. Il est en effet démontré qu’un protège-dents fait chez un dentiste est plus efficace, par effet mécanique, mieux qu’un protège-dents lambda. Au syndicat des entraîneurs, on travaille notamment à la mise en place d’un diplôme de préparateur physique spécialisé dans le rugby. Son président Alain Gaillard explique : « Cette réflexion avait deux objets : faire inscrire ce métier dans la convention collective du rugby professionnel au même titre que celui d’entraîneur mais aussi créer une formation qui permette de trouver une identité française sur le sujet et de proposer un travail plus proche des efforts demandés par le rugby que ce qui peut être fait actuellement. » La demande a été validée par la DTN et un certificat de capacité de préparateur physique spécialisé devrait voir le jour en janvier prochain. Car quand il s’agit de parler des facteurs de blessures, les préparateurs physiques, dont tous ne sont pas spécialistes du rugby, sont parfois pointés du doigt : « C’est un vaste débat, même s’il est évident que la préparation physique joue un rôle primordial, reconnaît le préparateur physique de Bayonne Ludovic Lousteau. C’est facile de mettre la faute sur le préparateur mais c’est un travail d’équipe avec les kinés, les médecins, les entraîneurs et même le joueur, qui est responsable de son travail et de son hygiène de vie. Là où le préparateur physique doit être vigilant, c’est sur les blessures musculaires. Pour le reste, il y aura toujours des accidents inéluctables. Si un joueur est debout et se fait plonger dans les genoux, tout le travail de proprioception du monde ne suffira pas à l’empêcher de se faire mal. »
Un avis partagé par Benoît Lecouls. L’ancien pilier international est désormais ostéopathe à Anglet. Pour lui, « certaines blessures sont évitables : celles qui interviennent sur un appui sans contact avec l’adversaire. » C’est le cas de près d’une blessure sur deux à l’heure actuelle. Mais il reste une marge de travail pour mieux sécuriser les joueurs sur le terrain : « Parfois, le choc est tellement violent que le corps n’a pas la capacité de l’absorber mais dans de nombreux cas, il suffirait que le corps soit mieux équilibré. Mieux il est préparé, plus il encaisse les chocs et moins il y a de chances qu’il y ait des dégâts. Mais cela nécessite de vrais soins complémentaires auxquels le joueur doit s’astreindre. » Une approche différente, en somme. Or, « quand on est en pleine carrière, on ne pense pas à ça, reconnaît l’ancien joueur. Personnellement, j’ai joué un an après mon opération des cervicales. Je savais que je prenais des risques, je l’ai su toute ma carrière d’ailleurs, mais j’avais suffisamment confiance en mes capacités physiques pour continuer. C’est surtout une question de confiance. » Parfois, ça ne suffit pas. C’est là que les règlements, notamment, doivent protéger les joueurs d’eux-mêmes.