Midi Olympique

LE BOUT DU TUNNEL

- Par Vincent BISSONNET, envoyé spécial vincent.bissonnet@midi-olympique.fr

« Je suis tellement impatient de jouer de nouveau avec le sourire sur le visage et de voir ces gradins remplis. » Depuis la tribune Chevalier du stade AiméGiral, en ce mardi midi de juillet, Paddy Jackson contemple sa nouvelle maison avec un regard pétillant et une mâchoire encore serrée. « Je n’ai plus joué depuis la tournée au Japon. Ça fait plus d’un an, c’était en juin de l’an passé, se souvient l’ouvreur.

Le rugby m’a beaucoup manqué. »

L’enfant de Belfast a traversé une saison blanche et une année noire sur le plan personnel. Le temps nécessaire à la justice nord-irlandaise pour statuer sur son cas et celui de trois de ses amis dont Stuart Olding, autre internatio­nal irlandais de l’Ulster (qui a depuis signé à Brive). Au terme d’un très médiatique procès pour accusation de viol, Paddy Jackson a été reconnu innocent le 28 mars dernier. Affaire classée sur le plan judiciaire. Dont acte. « Cette période a été très dure à vivre, souffle le

Nord-Irlandais. Pour moi. Pour ma famille. J’ai vraiment connu des moments de détresse. Mes sentiments allaient de la tristesse à la colère. Je ne pouvais pas faire ce que j’aime le plus : jouer au rugby. J’étais privé de ce droit, tout bonnement. » Pendant des mois, l’internatio­nal a entretenu l’illusion du quotidien d’un sportif de haut niveau. Faute de mieux : « Je me suis réfugié dans l’entraîneme­nt. C’était le seul moyen de tenir. J’ai travaillé physiqueme­nt, j’ai bossé mon jeu au pied, ma technique individuel­le… Tout ça n’a rien à voir avec la compétitio­n mais j’avais besoin d’occuper mon esprit et de m’entretenir en vue de mon retour sur les terrains. » La seule issue possible à ses yeux : « Je n’ai jamais pensé une seconde que je ne serai plus joueur, clame-t-il. J’aime tellement ce sport. » Paddy Jackson a été contraint à l’exil pour continuer à vivre de sa passion. L’acquitteme­nt l’a rendu libre mais n’a pas rendu son existence d’avant. L’Ulster l’a licencié. Les candidats anglais se sont rétractés, les uns après les autres. Quand les Perpignana­is ont tendu la main dans sa direction, le demi d’ouverture l’a saisie sans une once d’hésitation : « Vous savez, je n’ai pas

été long à convaincre », reconnaît-il. À 1 500 km de sa terre natale, le gamin de Lisburn démarre une deuxième vie, loin des siens, à l’écart des troubles et des polémiques qui lui collent encore à la peau, en Irlande : « Je n’aurais jamais pensé partir si jeune à l’étranger mais que voulezvous, c’est devenu ma réalité. Je ne me retourne pas sur le passé, je vis dans le présent. Et tout ce que je veux, c’est jouer. Il n’y a que ça qui m’anime. » Le rectangle vert, son espace d’expression ultime où il redeviendr­a un joueur comme les autres.

« J’ARRIVAIS À UN TRÈS BON NIVEAU »

Depuis le 18 juin, il s’efforce de reprendre, dans un relatif anonymat, le cours d’une carrière si prometteus­e : « Sur mes derniers matchs, j’arrivais à un très bon niveau. Je me sentais en pleine confiance, mon jeu au pied était vraiment performant. Puis il y a eu cette coupure. » À la grimace succède un sourire forcé : « Il faut essayer de tirer du positif, quoi qu’il arrive. Disons que mon corps s’est régénéré. Cela me servira peutêtre pour la longue saison de championna­t à venir. Je vais être un peu rouillé au début mais je redouble d’efforts pour être compétitif

au plus vite. » Physiqueme­nt, il devrait rapidement retrouver ses sensations. Mentalemen­t ? Le rouquin répond, sans ciller : « Je sens que tout ça m’a renforcé et m’a fait gagner en maturité. Je me suis rendu compte que tout ce que je pensais être acquis ne l’est pas. J’apprécie un peu plus ce que j’ai. Regardez : je vis dans un beau pays, je joue dans un club prestigieu­x aux côtés de super coéquipier­s, je ne peux que savourer. » À l’en croire, la vox populi irlandaise, les dizaines de lettres envoyées au club et les étiquettes collées dans le dos ne l’ébranlent aucunement dans son chantier de reconstruc­tion : « Peu importe où je suis, je me sens suffisamme­nt blindé pour ne pas être atteint par ce que les gens disent et pensent. Ce qui compte, c’est le rugby, ma famille, mes amis et mon club. Le reste n’importe pas. Maintenant, je me sens apaisé et heureux. » Un peu perdu, encore, mais déterminé pardessus tout : « En Ulster, j’avais mes habitudes, je comprenais ce qui se disait… Ici, je découvre tout, je n’ai pas de repères. C’est un gros changement. » Avec pour allié du quotidien, son border collie, Parker. Son trait d’union avec sa vie d’avant.

« JE VEUX GAGNER LE RESPECT ET LA CONFIANCE »

La « Je recrue veux gagner phare le du respect promu et catalan la confiance avance des dans entraîneur­s, ses petits de souliers mes coéquipier­s : à moi de tout et des mettre supporters. en oeuvre Je pour sais les que avoir. ça ne » me Là sera où Jonathan pas donné, Sexton c’est et trouver Ian Madigan la fortune. ont La échoué, France, le terre dernier hostile des pour exilés les irlandais chefs d’orchestre entend de la verte Erin jusqu’à présent : « Je ne leur en ai pas parlé mais peut-être n’ont-ils pas réussi à s’adapter au style de jeu. C’est un rugby différent, tout de même. » La poursuite de leur carrière internatio­nale avait nui à l’intégratio­n de ses compatriot­es. Au moins, Paddy Jackson ne devrait pas s’y épuiser avant un long moment : « Je suis à 100 % joueur de Perpignan. Je ne suis plus en Ulster ni en Irlande. La sélection n’est pas dans mon esprit pour l’heure. Je veux être performant, c’est tout. Pour y parvenir, je compte mettre un maximum de chances de mon côté pour réussir. » Cette entreprise débute dès cet été, dans l’intimité du vestiaire, à la moindre des séances d’entraîneme­nt : « Je peux apporter des choses que je sais faire mais je veux avant tout m’intégrer et respecter la culture locale. Je fais tout pour parler rapidement français car je n’ai pas envie que les autres aient à s’exprimer en anglais. C’est à moi de faire les efforts. » Entraîneur­s et partenaire­s louent pour l’heure son attitude et perçoivent un peu plus, à chaque séance, ses qualités intrinsèqu­es. Ses inspiratio­ns et sa science du jeu peuvent se révéler précieuses, décisives même, au coeur du système dessiné par Patrick Arlettaz.

Son nouveau mentor : « J’ai découvert un entraîneur brillant, décrit

le Nord-Irlandais. Il m’a déjà beaucoup appris. Il a des idées assez poussées et une passion comme j’en ai rarement vues. J’aime son approche du jeu et sa façon de communique­r avec les joueurs. Je sais ce qu’il veut de moi, c’est assez clair et c’est tant mieux pour un ouvreur. » Les dizaines de milliers de supporters sang et or, aussi, l’attendent comme un des grands acteurs de la saison. Le combat personnel de Paddy Jackson et la destinée collective des Catalans, deux quêtes liées. « L’Usap m’a fourni une opportunit­é unique de rebondir, conclut le Nord-Irlandais. Je suis très reconnaiss­ant envers ce club. Je veux l’en remercier en aidant de mon mieux l’équipe à atteindre ses objectifs. » Sa mission débutera le samedi 25 août face au Stade français, à Aimé-Giral. 427 jours après sa dernière apparition en compétitio­n.

« Mes sentiments allaient de la tristesse à la colère. Je ne pouvais pas faire ce que j’aime le plus : jouer au rugby. J’étais privé de ce droit. » Paddy JACKSON Ouvreur de Perpignan « Tout ça m’a renforcé. Peu importe où je suis, je me sens suffisamme­nt blindé pour ne pas être atteint par ce que les gens disent et pensent. » Paddy JACKSON Ouvreur de Perpignan

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PADDY JACKSON - OUVREUR DE PERPIGNAN L’ANCIEN ENFANT CHÉRI DU RUGBY NORD-IRLANDAIS, DEVENU INDÉSIRABL­E DANS SON ÎLE MALGRÉ SON ACQUITTEME­NT EN MARS DERNIER, TENTE DE REPRENDRE LE COURS DE SA CARRIÈRE À PERPIGNAN, À 1 500 KM DE CHEZ LUI. APRÈS TREIZE...

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