« Un président qui restait dans son rôle »
GUY NOVÈS - Ancien sélectionneur du XV de France NOMMÉ SÉLECTIONNEUR EN 2015 PAR PIERRE CAMOU ET SON ÉQUIPE, LE TOULOUSAIN SE SOUVIENT D’UN HOMME DISCRET. BIEN QUE TOUJOURS ATTENTIF ET PRÉVENANT.
Comment avez-vous réagi à l’annonce du décès de Pierre Camou ? Je suis très touché par ce départ, auquel je m’étais malgré tout préparé. Je faisais partie des personnes qui étaient allées le voir dernièrement, avec Jean Dunyach et Tony Marin. Pierre était alors en maison de repos et on l’avait vu très fatigué. Il gardait son ironie bien présente, sous sa discrétion habituelle. Mais on sentait qu’il n’allait pas très bien. Nous étions en attente de la mauvaise nouvelle, tout en respectant sa pudeur. Quelle relation entreteniez-vous ?
Une relation empreinte d’honnêteté, de loyauté, de franchise… (il marque une pause) Avec mon staff, j’ai passé une année comparable à ce que j’avais connu au Stade toulousain pendant 23 ans. On sentait son soutien, avec la discrétion qui était la sienne. En peu de temps, j’avais compris que Pierre était un monsieur qui ne parlait pas pour ne rien dire. Quand il disait blanc, ce n’était pas noir le lendemain. Comment l’aviez-vous rencontré ?
C’est Jean Dunyach qui était déjà venu me voir quatre auparavant. Puis en 2015, à nouveau. Lorsque ma candidature fut retenue, j’ai pu le rencontrer pour la première fois, officiellement. Un déjeuner avait été organisé dans un salon de Marcoussis, en présence de Serge Blanco, Jean
(Dunyach, N.D.L.R.) et Tony (Marin). Comment vous avait-il accueilli ?
En fumée ! (il rit) Dans le salon, il fumait cigarette après cigarette. Je n’arrivais plus à respirer. Et je n’osais trop rien dire. C’était tout de même mon nouveau président, je m’avançais prudemment. Je me suis lancé, en lui demandant d’ouvrir les fenêtres. Ça l’avait fait rire, il avait pris ma demande avec humour et gentillesse. Ça avait décontracté les relations. Quel président était-il ?
On le voyait tous les jours ou presque. Il était proche de l’équipe de France, il l’aimait profondément. Il n’interférait jamais dans le travail mais, à sa façon, discrètement, il prenait des informations. L’air de rien. C’était un président Votre relation n’a-t-elle jamais franchi le cap professionnel ? Au fil de notre année de travail en commun, il y a eu de nombreuses conversations. Cela rapproche. Avec le temps, par exemple, je m’étais permis de l’inciter à faire du vélo d’appartement. C’était un sacré défi ! Il me répondait toujours qu’il n’avait pas le temps. Un jour, sans le prévenir, j’ai demandé à un préparateur physique de sortir un vélo de la salle de musculation et de l’installer dans la chambre de Pierre, pendant son absence, à Marcoussis. Il n’avait d’abord fait aucun commentaire et, quelques mois après, il m’a simplement glissé : « Guy, je crois que le vélo est plein de poussière. » (il rigole) A ma petite déception, il
avait ajouté : « je vous promets, Guy, j’en ai tout de même fait un petit peu. » ■