Midi Olympique

Laporte peut-il tout faire ?

- Par Marc DUZAN marc.duzan@midi-olympique.fr

Combien gagnait donc Bernie, à l’époque où il entraînait Toulon ? 40 000 euros nets mensuels ? 50 000 ? Davantage ? Quel que fût son salaire sur la Rade, Bernard Laporte est depuis décembre 2016 un président de fédération bénévole et, à 54 ans, il doit « bosser pour vivre », selon ses propres mots. Mais est-ce une raison pour tout accepter ? Moins d’un an après avoir rompu le contrat d’image qui le liait à Mohed Altrad, le patron de la fédé a ainsi annoncé qu’il deviendrai­t, fin septembre, chroniqueu­r chez Cyril Hanouna, le roi de l’« access prime time », un million de téléspecta­teurs de moyenne. En deuxième partie de soirée, aux côtés de l’écrivain Eric Naulleau ou de l’ancienne ministre Roselyne Bachelot, le président des 400 000 licenciés que regroupe le paquebot fédéral sera donc chargé de commenter l’actualité sous toutes ses formes, de la saison 7 des « Ch’tis à Pataya » au dernier roman de Virginie Despentes. À Marcoussis, il y a ceux qui voient en cette visibilité nouvelle une aubaine pour le rugby, un sport souffrant encore d’enclavemen­t, pour ne pas dire de consanguin­ité.

Car c’est bien le drame : avec Chabal, Bernard Laporte est à l’heure actuelle l’unique « people » du rugby français, la seule personnali­té capable d’évoquer quelque chose à la mémoire collective du pays et, tant que le XV de France se résoudra à squatter le ventre mou du circuit mondial, tant qu’aucun autre individu n’aura assez de souffle pour tuer le père, il faudra bien se résoudre à ce que Bernie endosse, dans les médias nationaux, un costard de VRP qu’il porte au demeurant plutôt bien. Hé quoi ? Laporte a beau traîner derrière lui une odeur de soufre, il est à ce jour présumé innocent. Contrairem­ent à certains membres de son premier cercle, le président de la fédération est aussi, qu’on le veuille ou non, un homme d’un commerce agréable et, à ce titre, on comprend très bien que sa spontanéit­é et son versant « sans filtre » aient pu séduire Hanouna. Malgré tout, on ne peut s’empêcher de penser que le timing est ici bien mal choisi. À l’automne 2018, Eliane Houlette et le parquet financier ont toujours Bernie dans le viseur. Ailleurs, le XV de France gagne un match sur dix, la fédé perd des centaines de licenciés et c’est tout un univers qu’il faudrait repenser, reconstrui­re. Enfin, le mois dernier, un homme (Louis Fajfrowski) a perdu la vie sur un terrain de rugby et, subitement, l’insidieuse idée que la balle ovale puisse être un sport dangereux a fait son chemin dans l’Hexagone. À l’heure où le président Laporte aurait dû siéger à un séminaire de deux jours sur la santé des joueurs, il a préféré sécher la première journée du colloque pour se rendre à Boulogne-Billancour­t (Le Monde du 1er septembre), où Cyril Hanouna enregistra­it sa toute nouvelle émission. Était-ce vraiment sa place ? Poser la question, c’est y répondre.

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