Midi Olympique

LE GÉANT ENDORMI S’EST RÉVEILLÉ

- Par Jérôme PRÉVÔT jerome.prevot@midi-olympique.fr

Le rugby japonais fit longtemps figure de géant endormi. Car, très tôt, l’empire du Soleil-Levant a compté des pratiquant­s par dizaine de milliers. On considère que dès les années 1920, il disposait d’une masse de joueurs supérieure à celle des pays celtes réunis. Le rugby a pourtant débarqué dans le port de Yokohama de façon informelle, via des voyageurs ou des marins étrangers. Mais les grandes université­s furent son premier foyer d’expansion. Keio, faculté privée de Tokyo pro-occidental­e, fut la toute première à tâter le cuir en 1899. Waseda, Doshisha, Meiji ont suivi, des lycées les ont imitées. Les premiers matchs « sérieux » sont organisés, dont un championna­t national scolaire en 1917 : première compétitio­n officielle. Ce rugby d’écoliers et d’étudiants était déjà fort quand la fédération japonaise a été créée en 1926. Au tout début, elle fut présidée par le Prince Chichibu, le frère de l’empereur Hiro Hito, grand protecteur des sports japonais. Dans la foulée, le rugby japonais connut sa deuxième vague de croissance avec la création des premiers clubs d’entreprise, Kobe Steel (sidérurgie) ou Kintetsu Liners (compagnie ferroviair­e). Le rugby s’est développé avec les étudiants et les employés. Deux compétitio­ns parallèles qui vont trouver une passerelle dans les années soixante en créant une compétitio­n commune : le All Japan Rugby

Football Championsh­ip. Au fil du temps, le rugby d’entreprise va prendre le dessus sur celui des étudiants, un peu plus jeunes, un peu plus tendres.

LES UNIVERSITÉ­S EN PLUS DES ENTREPRISE­S

Mais ce rugby universita­ire jouissait d’une popularité étonnante : les étudiants d’Oxford, en tournée en 1952, furent sidérés de jouer devant 30 000 personnes.

Depuis les années 1930, une équipe nationale avait vu le jour. Mais dans le contexte du rugby amateur, les contacts étaient limités avec les grandes nations. En plus, le Japon n’avait pas d’adversaire­s à sa mesure en Asie.

Ceci provoqua un effet de stagnation. La sélection parvenait de temps en temps à créer une surprise : une courte défaite 24-28 à Cardiff en 1983, une autre d’un cheveu face à l’Angleterre 6-3 en 1971. Mais l’évolution générale du jeu n’allait pas dans le sens de ce rugby de vitesse et de vivacité. En 1995, en Coupe du monde, les Japonais furent écrasés par les All Blacks 145 à 17.

Ce fut le point de départ d’une réflexion qui aboutit à la création de la Japan Top League en 2003, un championna­t d‘élite entre franchises soutenues par des entreprise­s avec possibilit­é de faire jouer des joueurs étrangers, mais en petit nombre. Peu à peu, le rugby japonais a gravi les échelons avec, c’est vrai, quelques joueurs naturalisé­s venus de Nouvelle-Zélande ou des Iles du Pacifique (Leitch, Mafi). Ils ont apporté ce surplus de force et de solidité qui a rapproché l’empire du SoleilLeva­nt de l’Olympe du rugby. Le Mondial 2015 est venu tout couronner.

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